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Et si les maths et le foot étaient faits pour s’entendre ?
Et si les maths et le foot étaient
faits pour s’entendre ? [1]
Amandine Cazanave & Amandine Charrière
Nous sommes deux jeunes professeures et même si nous n’en étions pas persuadées
avant d’enseigner, après nos premières heures de cours, nous nous sommes bien
rendues compte que la motivation des élèves ne passe pas seulement par l’amour de
la matière mais aussi et surtout par l’affectif : ambiance de la classe, rapport avec
l’enseignant, … Nous avons, en premier lieu, tenté de partager avec eux l’intérêt que
nous portons aux mathématiques en proposant un contenu captivant et rigoureux, ce
que les statistiques permettent. En second lieu, les relations au sein de la classe nous
préoccupent toutes les deux. Comment faire en sorte de créer un climat propice à
l’épanouissement des élèves ? Nous avons pensé que cela passait par un sujet qui leur
plaise : pourquoi pas le football ??!
Voici quelques informations personnelles à connaître avant de lire cet article :
Amandine Cazanave | Amandine Charrière | Enseignante de mathématiques | Enseignante de mathématiques |
---|---|
23 ans | 24 ans |
Supportrice de l’Olympique de Marseille | Supportrice du Paris Saint Germain |
Lycée Ferdinand Buisson - Voiron | Collège Robert – Rives |
Classe de seconde | Classe de quatrième |
Effectif : 30 élèves | Effectif : 29 élèves |
(Voir aussi l’annexe 1 pour un mode d’emploi du football)
Le coup d’envoi est donné !
Problématique
Nous avons choisi le domaine des statistiques pour plusieurs raisons. La première est
que nous ne nous sentions pas forcément à l’aise pour enseigner ce chapitre étant
donné que sa place dans notre cursus a été restreinte. De plus, l’enseignement des
statistiques se résume assez souvent par la découverte de nouveaux outils tels que les
formules de calcul de moyennes, de fréquences, d’étendues pour le collège ou le
lycée et plus tard par les formules de différentes lois. Ces outils sont ensuite utilisés
par les élèves sans aucune compréhension du sens qu’il y a derrière eux. Puisque la
question « à quoi ça sert » est une des questions récurrentes des élèves, nous pensons
qu’il est important de mettre en avant l’utilité des statistiques. Une autre raison est que nous sommes toutes les deux attachées au ressenti des élèves par rapport à notre
matière, et les statistiques ont la particularité de pouvoir être enseignées de façon
beaucoup plus originale que les autres chapitres. Il nous semble attractif de proposer
un thème différent de ceux proposés en cours classique de mathématiques. Que ce
soit en quatrième ou en seconde, l’élève s’implique davantage lorsque le travail qui
lui est demandé d’accomplir l’intéresse, ou que le projet dans lequel il est acteur
aboutit à la construction d’un résultat dont il peut être fier (« moi, j’ai fait ça ! »). À
cet âge, où ils se sentent bien souvent sans liberté et où ils se cherchent, un
investissement de leur côté passe par la prise en compte par l’enseignant du rôle de
chacun au sein du projet, mais aussi par un retour sur ce que chacun a accompli, une
sorte de récompense, de valorisation. L’activité qui sera mise en place prendra
fortement en compte cet aspect là. Elle permettra de poser des questions ouvertes
amenant des réponses multiples et parfois originales. Elle donnera à chaque élève la
possibilité d’affirmer sa place dans l’ensemble du projet. Tout ceci suscitera, nous
l’espérons, un intérêt plus particulier des élèves pour les mathématiques. En effet,
une grande partie de la motivation des élèves pour travailler ne passe-t-elle pas par
l’éveil de leur curiosité, par un investissement personnel ?
Observer un éventuel changement du regard de la part de l’élève pour la matière ainsi
que l’évolution de la relation professeur-élève ne se fait pas sur une séance ou même
une séquence. Il nous a donc paru nécessaire de travailler sur la durée la plus longue
possible, d’où l’idée d’une activité « en fil rouge » tout au long de l’année. Nous
avons décidé de suivre le championnat de football de ligue 1. Ce choix vient du fait
que nous avons une certaine connaissance du football et que nous jugions nos classes
plutôt prédisposées à aimer le sport. En effet, la classe de seconde est composée de
vingt-sept garçons pour trois filles et en quatrième, quinze garçons pour quatorze
filles, cependant le professeur a surpris des conversations de filles sur le football !!
Mais parler de football est-il un bon moyen pour créer de réelles relations au sein de
la classe ? N’est-ce pas superficiel ? Notons que le fait que nous soyons des femmes
qui proposons un sujet plutôt masculin va peut-être étonner les élèves, dans le bon
sens nous l’espérons. Nous imaginons qu’ils auront des pensées du type « elle fait un
effort pour nous intéresser aux mathématiques » ou encore « c’est sympa, elle
s’intéresse au football » sous entendu « un peu comme nous ». Les professeurs ne
sont pas uniquement des personnes qui existent pour et par leur matière. Ils vivent
dans le même monde que celui des élèves. Par conséquent une activité de ce genre
permet de montrer aux élèves que nous avons des centres d’intérêts communs avec
eux et sans doute des choses à s’apprendre mutuellement. Dans quelle mesure le
contenu proposé par l’enseignant modifie-t-il son image ? Sa relation avec la classe ?
C’est donc par l’originalité du contenu que nous voulons influencer la classe et
chaque élève en particulier, par l’intermédiaire d’une forme peu utilisée, l’activité «
en fil rouge », qui amènera une construction du cours de statistique en février.
I – Le fil rouge et les statistiques
Mise en place
Dans un premier temps nous avons proposé un questionnaire à nos élèves pour
vérifier l’hypothèse que nous faisions sur leur capacité à s’intéresser au football. Les
résultats se sont avérés conformes à nos prévisions : seul quatre ou cinq élèves par
classe ne s’y intéressent pas particulièrement. Grâce aux réponses données nous
avons constitué cinq groupes de six élèves en dispersant les élèves supporters d’une
même équipe. Nous nous sommes également comprises dans l’un des groupes. Nous
avons donné aux élèves trois missions :
Pronostiquer chaque semaine les résultats des matchs de football du
championnat français.
Pronostiquer aléatoirement les résultats de ces mêmes matchs.
Relever les résultats de tous les matchs par journée.
Chaque groupe prend en charge quatre équipes imposées par le professeur. La
présentation du fil rouge a été annoncée début octobre afin de commencer à la
11ième journée du championnat. Leur réaction a été assez bruyante (ils ont
rapidement voulu savoir quelle équipe leur professeur supportait, des slogans ont été
entonnés, ils ont eu des échanges à propos des différentes équipes, …). Les groupes
étant constitués, nous les avons annoncés (non sans protestation du type « oh c’est
nul je suis avec Alpha » ou encore « pff je n’ai pas l’équipe de Lyon »…). Nous leur
avons distribué les grilles (une par groupe) qu’ils doivent remplir pendant la semaine
et nous rendre avant la journée du championnat généralement jouée le week-end. Le
professeur se charge chaque semaine de relever les pronostics de chaque groupe et
de rendre les grilles avec les résultats effectifs des matchs. Pour remplir la colonne
pronostic, ils doivent se concerter en faisant des votes à main levée au sein de chaque
groupe, la majorité l’emportant. Pour la colonne aléatoire ils peuvent utiliser un dé
(1-2 match perdu, 3-4 match nul, 5-6 match gagné, pour l’équipe jouant à domicile)
ou bien leur calculatrice (en seconde uniquement). Dans ce dernier cas, les élèves ont
le choix, selon les modèles, d’utiliser soit une fonction renvoyant des nombres
aléatoires (type random, rand ou nbrealeat), soit directement des applications
spéciales pour la simulation (celles présentes sur la TI84+ ont l’intérêt d’être
ludiques). Les premiers retours intéressants furent les réactions positives des élèves
moyens en mathématiques mais passionnés de football, et la motivation de
l’ensemble de la classe. Une déception a été que les élèves se sont lassés de cette
activité vers le mois de décembre. Ceci s’est traduit par des retards pour rendre les
feuilles au professeur. Nous avons donc décidé de distribuer à nos deux classes un
nouveau questionnaire dans l’intention de relancer un peu la motivation et d’axer le
travail que nous allions faire dans la séquence statistique (voir annexe 2). Dans la
classe de seconde, le dernier jour avant les vacances de Noël, ils ont eu sous les yeux
les grilles des cinq groupes de pronostiqueurs afin d’essayer d’établir quels élèves
sont le plus doués à ce jeu là ; la compétition semble être un facteur important de
motivation. En quatrième, le professeur a juste fait un retour rapide sur les réponses
du questionnaire ainsi qu’un bilan oral sur les pronostics des différents groupes. À la
rentrée de janvier, nous avons continué les pronostics hebdomadaires.<br<
Le contrat implicite, passé entre les élèves et nous, qui est de parler football pour les
pronostics et de savoir s’arrêter pour revenir au cours de mathématiques plus
traditionnel, a été assez bien respecté par l’ensemble des élèves.
L’organisation de la séquence de statistiques
L’activité fil rouge étant lancée, voici comment nous avons construit le cours à partir
des résultats collectés et des pronostics.
La séquence se déroule en trois temps :