Bulletin Vert n°507
janvier — février 2014
50 ans de carrière d’un enseignant-chercheur Roger Cuppens, son engagement mathématique
Brochure APMEP n°197 — coédition APMEP — IREM de Toulouse
146 pages en 17×24, ISBN : 978-2-912846-72-3.
prix public : 20 €, adhérents : 14 €
Roger Cuppens est l’infatigable metteur en pages bénévole de notre Bulletin Vert ; c’est aussi l’auteur d’un nombre important de brochures APMEP et IREM, en particulier sur les usages du logiciel Cabri, y compris en géométrie « supérieure » et géométries non euclidiennes.
C’est surtout un professeur émérite de l’université Paul Sabatier (Toulouse) qui a fêté en 2011 son jubilé (50 ans de carrière) ; à cette occasion ont été données les conférences dont les textes sont rassemblés dans la présente brochure. Chacun est accompagné d’une bibliographie.
Après une Préface où Jean-Jacques Dahan met en relief l’originalité de R. Cuppens et ses facultés de synthèse, et un bref résumé d’Une carrière bien remplie par Jean-Paul Bardoulat (avec semble-t-il une petite erreur quant à la date d’adhésion de R. Cuppens à l’APMEP) et Xavier Buff, la brochure s’ouvre sur un texte de Roger lui-même : Y a-t- il une vérité en mathématiques ? Il y relate son itinéraire intellectuel qui le conduisit de l’adhésion au bourbakisme ambiant, où la géométrie a peu de place, jusqu’à une prise de position pour l’enseignement des mathématiques constructivistes et la logique intuitionniste, et une passion pour les apports des logiciels de géométrie dynamique. Un facteur essentiel de cette évolution fut la rencontre avec CABRI, et son concepteur Jean-Marie Laborde.
La première partie : La vérité de la géométrie euclidienne, a un caractère historique, de la géométrie grecque au programme d’Erlangen de Félix Klein, en passant par la géométrie projective et les géométries non-euclidiennes. La notion de choix d’un modèle y a une place centrale.
Dans la deuxième partie : Formalisme ou intuitionnisme, l’auteur évoque la mise à mal des prétentions de Hilbert à la formalisation complète, d’une part, par les théorèmes d’incomplétude de Gödel, d’autre part, par l’incompatibilité du formalisme avec l’informatique, puisque, « dans cette dernière, l’infini ne peut être que potentiel ». D’où un plaidoyer en faveur d’une place faite au constructivisme et à l’intuitionnisme dans l’enseignement.
Variations sur un thème de Fermat (de Fermat à CABRI en passant par Galois), par Rudolf Bkouche, est un texte savant et historiquement érudit sur la résolution d’équations par intersections de courbes algébriques, et les méthodes pour réduire le degré de celles-ci. Son étude complète, avec reconstitution des démonstrations omises ou esquissées, est un travail ardu mais enrichissant ; Cabri intervient en tant que traceur de courbes, moderne substitut au compas des grecs.
Dans Mathématiques mixtes : géométrie et physique, Michel Carral place la géométrie à la croisée entre mathématiques et physique ; il donne des démonstrations mécaniques de propriétés géométriques, plus simples et plus convaincantes que les preuves formelles ; il montre que le mouvement, théoriquement exclu du champ de la géométrie, intervient dès la démonstration du premier cas d’égalité des triangles ; que même les géométries non-euclidiennes ne sont pas sans lien avec l’espace physique. Il propose de « penser un enseignement de la géométrie en relation avec la physique ».
Dans Quelques surprises en manipulant Cabri, Jean-Marie Laborde, père de ce logiciel, rend hommage à Roger Cuppens en tant que promoteur et inspirateur des développements de ce projet ; il utilise ledit Cabri pour estimer l’exactitude de figures dans des ouvrages anciens, de Dürer et Newton, et en tire des conclusions quant au statut du dessin : très précis car à valeur heuristique dans les premières éditions, plus tard simple guide pour suivre les démonstrations.
Dans Quelques réflexions sur la nature des modèles mathématiques, Daniel Justens s’attaque à l’idéalisme platonicien en incluant le Monde des Idées (et celui des émotions) dans le Monde Réel : il définit un concept comme une classe d’équivalence de réseaux neuronaux, dans les cerveaux humains, et explique la « déraisonnable efficacité des mathématiques » par la sélection naturelle, darwinienne, des concepts et modèles pertinents : thèses provocantes à première vue, mais fort bien défendues, et finalement séduisantes.
Roger Cuppens reprend la plume et termine l’ouvrage par Mes cinquante ans d’enseignant- chercheur : une autobiographie (qui aurait pu être plus succincte) où il rend hommage à ses maîtres et amis analystes et probabilistes, français, russes et américains.
Que l’on connaisse personnellement Roger Cuppens ou non, cette brochure est à lire pour les connaissances et les idées qui sont développées par lui comme par ses coauteurs : souvent originales, parfois discutables (donc propices à la réflexion), toujours solidement et clairement argumentées.