Bulletin Vert n°501
novembre — décembre 2012

La Symétrie ou les maths au clair de lune

par Marcus du Sautoy
traduit de l’anglais par Raymond Clarinard

Éditions Héloïse d’Ormesson, 2012
528 pages en 14 × 20,5, prix : 26 €, ISBN : 978-2-35087-184-4

 

Le mot « symétrie » n’est pas ici à prendre au sens restrictif connu des collégiens ou lycéens, mais au sens général de permutation qui conserve globalement un ensemble.

L’ouvrage est sous-titré « essai », mais c’est plutôt un assemblage de récits : épisodes de la vie d’un chercheur de haut niveau, relations d’avancées et de blocages dans ses recherches, et surtout récits historiques sur ses prédécesseurs dans le domaine. Il est partagé en 12 chapitres, un par mois :

  • 1. Août : fins et débuts
    présentation du sujet, lié à la théorie des groupes, omniprésent dans les arts comme dans la nature, et de quelques protagonistes, de Platon à Conway.
  • 2. Septembre : le prochain lancer de dés
    l’équiprobabilité induit une symétrie ; des dés (cubiques, tétraédriques ou autres) aux solides de Platon, les symétries sont diverses.
  • 3. octobre : le palais de la symétrie
    l’auteur, à la suite d’Escher, détecte la totalité des 17 groupes de pavage du plan sur les murs, sols ou plafonds de l’Alhambra de Grenade.
  • 4. Novembre : rassemblement tribal
    la vie de chercheur, avec voyages, conférences et rencontres.
  • 5. Décembre : connexions
    un « flash » dans la recherche de l’auteur, et des retours historiques (équations et nombres complexes).
  • 6. Janvier : impossibilités
    Abel démontre l’impossibilité de la résolution par radicaux de certaines équations algébriques de degré
    plus grand que 4.
  • 7. Février : révolution
    Galois et le début de la théorie des groupes.
  • 8. Mars : formes indivisibles
    l’émergence de la notion de groupe simple, le début du classement en familles : groupes alternés, PSL, groupes de Lie, …
  • 9. Avril : le son de la symétrie
    les symétries dans la musique, de Rameau à Xénakis en passant par Bach.
  • 10. Mai : exploitation
    les symétries dans les sciences naturelles, des cristaux au fonctionnement du cerveau en passant par les virus ; une preuve que ces recherches peuvent avoir des applications.
  • 11. Juin : sporadique
    relation haletante de la course aux groupes simples, du laborieux établissement de l’inventaire des groupes.
  • 12. Juillet : réflexions
    fin de cette quête, construction effective du Monstre (ordre : plus de $ 8*10^{53}$ ; groupe des symétries d’un objet en dimension 196 883) ; éclairage inattendu par les fonctions modulaires (c’est ce que les chercheurs ont appelé le « clair de lune »), et connexion avec la physique théorique (théorie des cordes).

Ce livre foisonnant se lit comme un roman ; l’auteur, avec un incontestable talent d’écrivain, mêle habilement scènes de la vie quotidienne d’un chercheur, fragments d’autobiographie, anecdotes piquantes et pittoresques, descriptions de personnages hauts en couleurs, et reconstructions historiques d’avancées mathématiques, entre rivalités et collaborations, ainsi que réflexions profondes sur les relations entre mathématiques et arts (rapprochement des variations Goldberg et du tore…), sur l’utilité de ces recherches, sur le degré de certitude des résultats (10 000 pages sans erreur, c’est impossible !).

Il a voulu s’adresser à un lecteur sans aucune connaissance spécialisée, et pour cela il a soigneusement évité toute définition, tout énoncé rigoureux, restant dans le flou le plus total ; au point qu’il y a parfois des confusions et amalgames, par exemple entre une symétrie et un groupe de symétries, ou encore entre une rotation et son axe ; s’ajoutent à ceci quelques probables problèmes de traduction (« augmenter x à la puissance 4 », « groupe alternant », …) ; le lecteur un peu au courant peut s’en sentir gêné dans sa lecture (plutôt que « si p a pour reste 3 après avoir été divisé par 4 », je trouverais plus confortable de lire « si p est congru à 3 modulo 4 »), et frustré de ne pouvoir accroître son savoir proprement mathématique ; mais il faut reconnaître que, dans la dernière partie au moins, la majorité d’entre nous, face à des résultats plus que « pointus », se retrouve dans une position d’incompétence quasi-complète, contraint d’examiner de l’extérieur un édifice qui ne lui livrera jamais les détails de sa construction, ce qui ne l’empêche pas d’être admirable ; un léger flou dans la vision est donc inévitable !

 

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