Bulletin Vert n°479
novembre — décembre 2008

Histoire des mathématiques de l’antiquité à l’an Mil

sous la direction d’Élisabeth Busser

Tangente Hors-série n° 30.

Éditions POLE, 2007
154 pages en 17 × 24, ISBN : 9782848840727

 

Il s’agit d’un ouvrage collectif rassemblant une quarantaine de textes de 19 auteurs différents, certains familiers aux lecteurs du Bulletin Vert (Jean-Pierre Friedelmeyer, Jean Lefort, … Élisabeth Busser en signe 9 à elle seule). Ces textes sont répartis en 5 articles préliminaires suivis de 3 dossiers :

  • les civilisations,
  • les personnages,
  • les grands thèmes.

Les premières contributions donnent une vue d’ensemble, chronologique, de l’évolution des connaissances et des méthodes mathématiques de 3 500 av. J.-C. à l’an mille de notre ère.

Le premier dossier reprend l’étude de chacune des époques et de chacun des lieux évoqués (même si l’ordre des articles n’est pas toujours chronologique) : Grèce, Babylone, Égypte, Chine, Inde, Monde arabe, Amérique précolombienne, mettant en relief, dans des styles différents selon les auteurs, les apports et les caractéristiques de chacune de ces écoles mathématiques. Suivent des évocations de personnages, incontournables ou seulement importants, de cette histoire : Thalès, la famille Zu, Sun Zi, Li Ch’un-feng, Pythagore, Théétète, Euclide, Aristote, Archimède, Hypathie d’Alexandrie, Aryabhata, Brahmagupta, Al Kindi, Al Khwarizmi, Thabit ibn Qurra, Gerbert d’Aurillac.

Le troisième dossier aborde les thèmes de l’écriture des mathématiques (littéraire ou symbolique, notation des inconnues, méthodes algébriques), les irrationnels, l’écriture des nombres, l’invention du zéro, la trigonométrie, l’infini, les instruments de calcul (abaque, « calculette » romaine), les polyèdres.

Beaucoup d’articles incluent une bibliographie.

L’ouvrage est complété par un choix de 16 des 56 « problèmes pour aiguiser l’esprit de la jeunesse » d’Alcuin d’York (8e siècle).

L’ensemble est de lecture très aisée, distrayante autant que didactique. Solidement structuré, il est apte à donner ou renforcer des repères chronologiques. On y distingue des lignes de force, comme la très ancienne opposition des mathématiques en tant que branche de la philosophie, science formatrice par excellence, avec les mathématiques- outil pour le commerce ou l’arpentage. On y voit les liens multiformes des mathématiques avec les fausses sciences (l’astrologie), les religions (la secte pythagoricienne). On y perçoit la durée énorme de maturation de certains concepts : calcul infinitésimal en germe chez Archimède, calcul algébrique esquissé par Diophante, … Chaque article est bref (maximum 8 pages), et peut sembler effleurer seulement son sujet ; le public visé est surtout, je pense, celui qui ignore quasiment tout du passé de notre discipline, et veut en avoir un aperçu à la fois succinct et scientifiquement correct ; celui, aussi, qui connaît quelques figures, quelques clichés de l’histoire des mathématiques, et veut les ordonner, les relier entre eux, combler ses lacunes. Mais même les plus érudits des lecteurs y trouveront des détails intéressants : par exemple combien d’entre nous savaient que les Mayas utilisaient une écriture positionnelle des nombres ? Que les nombres négatifs étaient connus dans l’Inde du 4e siècle ?

On trouvera aussi ici matière à des applications directes dans nos classes : les 16 problèmes, ludiques, d’Alcuin, mais aussi les démonstrations géométriques de Ptolémée (dans « L’invention de la trigonométrie » , p. 118), le calcul du rapport des diamètres de la Terre et la Lune par Aristarque (p. 27), etc.

Cependant l’ouvrage présente quelques défauts, dus, je suppose, à un excès de hâte dans sa conception : d’abord d’assez nombreuses coquilles, dont une, en gras, sur la quatrième de couverture ; ensuite quelques erreurs, comme le titre du premier article : « Mathématiques : chronologie de quatre siècles d’aventures », alors que c’est quatre millénaires (et demi) qui sont couverts par le contenu ; la représentation, p. 143, d’un icosaèdre avec une face quadrangulaire ; un encadré à la dernière phrase tronquée, page 101, … D’autre part, bien que ce ne soit pas annoncé, il est clair que tout ou partie de ces textes avaient une existence antérieure à ce recueil ; dans certains cas il aurait été bon de les remanier quelque peu à des fins de coordination ; en particulier les trois articles d’É. Busser intitulés « Écrire les mathématiques », «  Une histoire d’inconnues » et « Pourquoi les Grecs n’ont-ils pas inventé l’algèbre » auraient dû être fondus en un seul : bien que chacun apporte des détails précieux, qu’ils soient clairs, pertinents et instructifs, leur lecture l’un après l’autre donne une impression de redites stériles. Dans le même ordre d’idées, la question de l’âge de Théétète à sa mort méritait d’être posée une fois, mais peut-être pas deux (pages 75 et 144).

En dépit de ces quelques réserves, je ne saurais que recommander chaudement cet ouvrage à ceux qui veulent acquérir rapidement et sans effort des bases solides en histoire ancienne des mathématiques.

Un travail analogue concernant le dernier millénaire est-il programmé ? Je le souhaite.

 

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