L’ é…valuation de la confiance ?

Projet d’évaluation des apprentissages et acquis des élèves

 

Les collègues qui enseignent en Lycée Général et Technologique se penchent en cette période sur l’élaboration du « projet d’évaluation des apprentissages et acquis des élèves » de leur établissement. Il s’agit d’un document à réaliser par les équipes des différentes disciplines sur deux demi-journées banalisées, à valider en conseil pédagogique et présenté au Conseil d’Administration par le chef d’établissement.

Son enjeu principal parait être celui de la définition des modalités de contrôle continu qui concourent à l’établissement de la moyenne finale de chaque élève au baccalauréat.

C’est un moment très marquant de l’histoire récente de l’Éducation Nationale : d’une part on pourrait y lire une volonté de légitimer les évaluations des enseignants en cours de l’année en les rendant parties prenantes du résultat final de l’élève, d’autre part celle d’aller vers une uniformité de l’évaluation (au moins au niveau d’un établissement) avec le risque que cela puisse entrainer un nivèlement des pratiques pédagogiques dans la classe.

Pour accompagner les enseignants dans la rédaction de ce document, l’Inspection Générale a diffusé un guide.

Dans son préambule, le guide trace les grandes lignes et principes régissant les actions d’évaluation : il précise les définitions d’évaluations diagnostique, formative et sommative et insiste sur la notion d’évaluations certificatives qui rentreront dans la moyenne prise en compte pour le baccalauréat. Ces évaluations constituent l’objet du travail de concertation des enseignants qui devront s’accorder sur leur nombre, leur organisation, leur contenu, leur fréquence et leur notation au sein de leur établissement. Le premier principe commun évoqué par le texte est « l’égalité de traitement des élèves : les notes portées et retenues pour le calcul des moyennes correspondent à des travaux donnés à tous les élèves d’un même groupe classe et validant les mêmes connaissances, compétences et capacités. ». C’est une injonction forte qui semble être justifiée par le besoin du traitement égalitaire face à l’examen, mais qui peut aussi bien faire surgir des questions au sujet de la différenciation et de façon plus large questionner les multiples chemins que les élèves peuvent emprunter pour atteindre le même objectif d’apprentissage.

Même en assumant qu’une différenciation réussie puisse se faire de façon complètement indépendante des faits d’évaluation, cette injonction peut potentiellement semer le doute sur l’action pédagogique quotidienne. À titre d’exemple s,erait-il cohérent avec le guide d’évaluer de façon certificative des rendus oraux sur des thèmes différents réalisés par les élèves au fur et à mesure sur une période de plusieurs mois ? Ou un travail de groupe sous forme de Jigsaw où chaque groupe développe un point du cours, une notion, une compétence pour un retour collectif ?

En effet, le guide évoque bien la multitude de situations d’évaluation qui peuvent accompagner les apprentissages des élèves (page 6) et incite les enseignants à la variété et à la régularité. Ces deux points de principe constituent une posture complexe et ambitieuse qui demande une « expertise fine de l’enseignant dans sa classe qui conduit son enseignement, choisit ses supports, corrige et note ses évaluations avec une exigence collective… ». S’il y a une crainte à avoir au sujet de l’évaluation « dirigée » au sein des établissements, ce serait probablement celle de la difficulté pour un enseignant de la mise en place d’une « norme », sur un objet d’observation aussi pluriel que la classe.

La deuxième partie du guide est consacrée à une analyse fine des enjeux d’évaluation de chaque discipline et à l’exposition de plusieurs scenarii possibles pour la rédaction du projet d’évaluation. Lire ces pages avec le filtre de la pratique de classe et des élèves est potentiellement un exercice d’auto-analyse et d’évaluation de ses propres pratiques. Par contre, les nombreuses propositions, qui procèdent d’une volonté de laisser plusieurs choix aux collègues, risquent de déstabiliser même les enseignants les plus chevronnés.

Concernant les mathématiques, que ce soit pour le lycée général ou technologique, le texte est très explicite et fournit des indications chiffrées sur l’organisation et le barème. Voici quelques exemples.

  • « Il semble raisonnable de consacrer environ 10 % du temps d’enseignement à des travaux d’évaluation ».
  • « On peut regrouper des micro-questions pour fluidifier le barème (0,5 point si une des trois est faite, et donner le maximum à partir de deux micro-questions traitées sur trois) ».
  • « Attribuer un point dès que le choix de l’outil permet de trouver la solution et que le calcul mené est correct ».
  • « Attribuer 0,5 point pour une réussite partielle et de préciser dans le barème quelques exemples selon la situation ».
  • « On peut recommander au moins deux devoirs surveillés par trimestre ou trois par semestre ».

Le recours à chaque fois au verbe « pouvoir » évoque le ton du conseil et non pas de la directive, mais le détail au demi-point près nécessitera aussi un travail de relativisation de la part des enseignants pour que leurs actes d’évaluer ne se chargent pas de sentiments d’insécurité et de doute permanent qui risqueraient de ne pas permettre leur appropriation de la part des enseignants et a fortiori des élèves. C’est justement le besoin d’une évaluation sereine (évoquée à la page 4 du guide) qui ne doit pas être effacé par le recours au pur calcul de moyennes.

Au Danemark, la note finale d’un élève est un nombre parmi -3 ; 0 ; 2 ; 4 ; 7 ; 10 ; 12 choisi par l’enseignant, sans faire de moyennes, sur la base des travaux réalisés, des observations en classe et de l’évolution de l’élève tout au long de l’année. Il est donné après plusieurs entretiens avec l’élève même et expliqué à la famille. Au-delà de nos différences culturelles et sociétales, cela à l’air d’être une vraie bouffée de confiance !

 

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