Bulletin Vert no 438
janvier — février 2002
L’enfance oubliée.
par Louis Roussel.
Éditions Odile Jacob. Août 2001.
ISBN 2-7381-0873-3.
On a longtemps cru que les mutations récentes de la famille annonçaient une ère de bonheur pour les enfants. Les choses ne sont pourtant pas si simples : échec scolaire, dépressions, violences, rejet de l’autorité…
Pourquoi cette crise profonde des relations parents/enfants ? L’enfant, pourtant promu « petit prince » de la famille, n’est-il pas en passe de devenir la victime des tumultes qui agitent notre civilisation ?
C’est l’hypothèse de cet ouvrage qui retrace plus de vingt ans d’évolutions sociales en interrogeant leur retentissement sur l’éducation et par voie de conséquence, sur l’école.
Il situe l’origine des problèmes dans la famille. Il met la crise actuelle en perspective, soulignant ainsi les ruptures récentes et les changements rapides des paradigmes éducatifs.
La « nature bonne » de l’enfant (il suffit de l’aider à révéler ses potentialités), l’égalité entre adultes et enfants (éduquer, c’est négocier), le pouvoir révélateur de l’amour (et le risque d’aveuglement), ces trois principes fondamentaux de l’éducation actuelle conduisent à un échec majeur : l’enfant ne grandit pas, il n’accède pas progressivement à l’autonomie, il arrive à l’adolescence désarmé, avec un dangereux sentiment de toute-puissance.
Face à un monde réel qui résiste (l’école en fait partie), l’adolescent est tenté par la violence (pour perpétuer la toute-puissance qui se dérobe) et, simultanément, par différentes drogues (pour atténuer l’angoisse liée aux brutales remises en cause). Louis Roussel souligne l’aggravation de ces problèmes en deux ans, durée de la rédaction du livre…
Il n’y a évidemment pas de solutions simples. D’abord rééquilibrer les principes éducatifs. Réintroduire le poids des inévitables contraintes sociales dans l’éducation (les autres existent, et pas seulement ceux qui nous sont proches). Construire peu à peu chez l’enfant une représentation de l’avenir (donc du plaisir différé), le faire passer de l’éternel « présent » à la temporalité « passé, présent, futur », sans laquelle aucune société n’est pas viable. Agir pour que la famille, l’école et l’état restaurent ce que Roussel appelle « le fondement de la spécificité et de la viabilité de l’espèce humaine » (page 280).
« Quelques signes sont apparus récemment d’une prise de conscience de la gravité de la crise. On nous parle de “ reconstruire l’autorité ” à l’école. Le vent semble avoir tourné, et l’opinion devient plus favorable a une réforme sérieuse. Mais on parle encore plus de l’école que de la famille, comme si les
problèmes ne commençaient pas en amont de la scolarité. Faut-il ou non faire confiance à ce début de revirement ? Le salut, de toute manière, ne viendra ni des optimistes ni des pessimistes, mais de ceux qui garderont dans leur cœur un espoir lucide et actif. »