Bulletin Vert no 464
mai — juin 2006

LES INSTRUMENTS de l’ASTRONOMIE ANCIENNE de l’Antiquité à la Renaissance

LES INSTRUMENTS de l’ASTRONOMIE ANCIENNE de l’Antiquité à la Renaissance, par Philippe Dutarte.

Préface d’Ahmed Djebbar. Vuibert.

Mars 2006. 294 pages en 17 × 24.

ISBN 2 7117 7164 4.

 

Un « modèle d’univers » précède toujours (et rend possible) la conception et la réalisation d’instruments destinés à l’observer et à se situer.

C’est la grande leçon qui court tout au long des presque 300 pages de l’ouvrage érudit (il s’appuie sur les articles de recherche récents) et subtilement pédagogique de Philippe Dutarte (il anime dans son Lycée des ateliers où l’on étudie le ciel au moyen d’instruments). Les outils ont partie liée avec la pensée.

Voilà pourquoi le livre s’ouvre sur « Le traité de la sphère » de Sacrobosco, l’ouvrage d’astronomie le plus populaire de tous les temps, publié aux alentours de 1240 et réédité plus de 200 fois... Traduit en français en 1546, il fut réédité dans cette langue jusqu’en 1619, preuve de l’intérêt qu’on lui porte encore au début du 17e siècle. Imprégné de la physique d’Aristote et fondé sur l’astronomie de Ptolémée (une vision géocentrique de l’univers), «  Le traité de la sphère » propose une explication globale du monde et de l’homme. Cette construction domine encore toute la Renaissance et ne s’effondre qu’avec la physique de Galilée. Elle engendre dès les temps anciens de nombreux instruments astronomiques sans cesse perfectionnés.

Devenue le symbole même de l’astronomie et de la connaissance, la sphère armillaire est un instrument très ancien qui matérialise la vision géocentrique de l’Univers. Elle revêt un double aspect. Il s’agit d’abord d’un modèle de l’Univers, dans l’un des sens premiers du mot modèle, celui d’une maquette montrant la théorie géocentrique en fonctionnement. L’instrument possède des vertus pédagogiques indéniables et permet d’accéder à des connaissances importantes, par sa simple manipulation. La sphère est dès l’époque de Ptolémée, un instrument d’observation et de mesure du ciel, facilitant la réalisation des premiers catalogues d’étoiles. Instrument de l’astronome, du maître à l’université, résumé de l’Univers, la sphère armillaire semble concentrer en elle savoir et puissance. Elle deviendra ainsi un emblème national au Portugal, associé aux grandes découvertes que fit ce pays aux 15e et 16e siècles et à la puissance royale qui en découla. Les anneaux astronomiques sont essentiellement des cadrans solaires de poche dérivant de la sphère armillaire. Ils s’inscrivent ainsi dans la longue tradition des sphères grecques. L’anneau astronomique est en quelque sorte la « quintessence » de la sphère armillaire, la limitant à ses cercles fondamentaux : l’équateur, le méridien local et, selon les modèles, un méridien mobile ou l’axe du Monde. Cette simplicité fait de l’anneau astronomique un objet à la fois très fonctionnel (il est solide et généralement pliable) et d’une grande pureté esthétique. Gemma Frisius, Oronce Fine et William Oughtred y ont attaché leur nom.

L’astrolabe est, avec la sphère armillaire, l’un des symboles de l’astronomie. C’est d’ailleurs en quelque sorte une sphère armillaire « mise à plat ». Comme cette dernière, il est une représentation de l’Univers, dans sa vision géocentrique, et permet de « prendre les astres » (c’est l’étymologie grecque de son nom), pour donner l’heure, s’orienter, calculer et prévoir des phénomènes astronomiques. Pour ses multiples usages, il fut connu comme le « roi des instruments mathématiques ». C’est aussi celui dont la longévité fut la plus grande, depuis la fin de l’Antiquité jusqu’au début des temps modernes. L’astrolabe nautique et l’astrolabe universel en dérivent sans détrôner les astrolabes classiques : ils trouvèrent diverses applications en navigation, jusqu’au 18e siècle.

Les quadrants donnent l’heure (d’où le terme « cadran »), mais permettent surtout de mesurer la hauteur d’un astre, donnée essentielle en navigation. Les quadrants ottomans permettent de fixer l’heure des prières... D’ingénieux cadrans de hauteur universels, Navicula et cadran de Regiomontanus permettent, après divers réglages, de lire l’heure solaire vraie.

Enfin, issu de la pratique populaire des bergers et des marins, le nocturlabe fournit le temps sidéral et permet, la nuit, d’obtenir approximativement l’heure de la marée haute dans un port.

Les mathématiques ont une présence discrète dans l’ouvrage. Elles n’éloignent pas le lecteur qui ne les maîtriserait pas.

De nombreuses idées d’activités avec des élèves se dessinent dans le livre, au croisement de la science, de la culture et de la technique. Elles pourraient conduire les classes qui s’y adonnent dans les divers musées (Philippe Dutarte les recense) où s’exposent les magnifiques et ingénieux instruments anciens, si bien décrits dans le livre.

Gérard KUNTZ

 

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