Bulletin Vert n°491
novembre — décembre 2010

La loi binomiale sans combinatoire

La seule nouveauté contenue dans le projet de programme de Première S concerne les probabilités, précisément la loi binomiale qui passerait de terminale en Première.

La présentation de ce sujet deviendrait une application de la méthode de l’arbre et les coefficients binomiaux $\binom {n}{k}$ seraient définis comme les nombres de cheminements (dans un arbre) réalisant k succès au cours de n expériences. Ainsi cette définition éviterait de se placer dans la continuité de la résolution des problèmes de dénombrement.

Malheureusement la colonne « Commentaires » du programme ne donne aucune indication sur la méthode à suivre en vue d’une expression éventuelle des coefficients binomiaux dans ce cadre, même dans la situation de valeurs numériques données explicitement. Pour combler cette lacune j’ai pensé qu’il pourrait être utile de faire connaître la modeste expérience d’un retraité de l’université requis pour enseigner en Première S à l’occasion d’un remplacement au cours de l’année 2009.

Sans aucune originalité, nous avons commencé par le calcul des probabilités de tirages de boules contenues dans une urne, en particulier lorsqu’il s’agit de tirer 3 boules blanches mélangées à 5 boules noires. On a précisé qu’il revient au même de tirer 3 boules blanches simultanément ou bien l’une après l’autre (tirage sans remise).

Les résultats sont identiques, mais les arbres ne sont pas les mêmes et pour aller plus loin il faut envisager des exemples dans un autre contexte que celui des boules.

J’ai fait alors circuler dans la classe un manuel de Première S (Transmaths 2002) ouvert à la page 232 et montrant une très belle photographie de deux chevaux entrant sur la piste d’un cirque. En travail personnel, les élèves ont eu alors à chercher le problème suivant :

Huit chevaux de valeurs athlétiques égales sont au départ d’une course. Un parieur en choisit trois et parie sur leur arrivée en tête. Quelle est la probabilité que ce joueur touche le tiercé (dans n’importe quel ordre) ?

On fait intervenir un arbre de tirage sans remise et le résultat vient du calcul suivant :

$$ \frac{3}{8} \times \frac{2}{7} \times \frac{1}{9} = \frac{1}{56}$$


Nous avons maintenant la possibilité de faire varier le tiercé choisi. Mais subsistent deux inconvénients : d’une part l’évocation inévitable du mot « ordre », d’autre part le caractère théorique d’un lot de chevaux de valeurs athlétiques égales. On peut réduire ces inconvénients dans l’exemple suivant :

Un restaurateur wallisien dispose d’une provision de 8 sortes de fruits locaux et veut réaliser des salades formées de 3 de ces fruits. Parmi celles-ci, il veut calculer la probabilité de composer le trio mangue, papaye, banane. Bien sûr on peut ergoter en disant que selon les goûts ces salades ne sont pas toutes aussi bonnes.

Ayant résolu des exercices dans d’autres contextes avec d’autres données numériques, les élèves ont remarqué dans le calcul des probabilités la permanence de résultats tous égaux à l’inverse d’un entier.

Se plaçant de nouveau dans la situation de la course, il est temps de se demander combien de tiercés pouvait jouer le parieur, mais la recherche « à la main » en a vite rebuté les curieux. C’est à cet instant que la vision probabiliste a fait merveille ainsi :

On sait que ces différents tiercés sont équiprobables de probabilité constante égale à $\frac{1}{56}$.

Si l’on note N le nombre de ces tiercés, on a donc : $N \times \frac{1}{56}=1$ d’où $N = 56$.

Il reste à généraliser au nombre de cheminements dans l’arbre. La lourdeur des raisonnements d’analyse combinatoire a été évitée.

Ensuite la fin du cours sur la loi binomiale peut avoir lieu sans problèmes en suivant les progressions classiques. Mais, à défaut de disposer d’une expression explicite et générale des coefficients binomiaux, on peut être perplexe par rapport à l’objectif du projet de programme de Première S demandant la démonstration de la relation :

$$\binom {n}{k} + \binom {n}{k+1} = \binom {n+1}{k+1}$$

Du bon accueil réserve par mes élèves (à 85 % wallisiens), je me garderai bien de tirer la moindre conclusion.

En ce qui me concerne, je dirai que cette année j’apprécie dans le projet de programme de Première S l’introduction des coefficients binomiaux avec le plaisir que donne la dégustation d’une cerise succulente posée sur un « gâteau » dont la qualité générale reste à prouver.

 

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