Bulletin Vert no 462
janvier — février 2006

MATHÉMATIQUES D’ÉCOLE. Nombres, mesures et géométrie

par Daniel Perrin.

Éd. Cassini (novembre 2005).

Brochure de 390 pages, bien imprimée, en 15 × 22,5, avec un Index de près de 600 entrées, 246 « exercices » ou « problèmes » corrigés et d’autres « problèmes », illustrant un cours complet. Bibliographie par chapitre.

No ISBN : 2-84225-057-5.

Prix : 28 €.

 

Issu d’un cours de licence pluridisciplinaire scientifique de l’Université d’Orsay, « ce livre a pour but de former aux mathématiques de futurs professeurs d’école, avec le projet d’en faire, selon le mot d’Yves Chevallard, des “ mathématiciens d’école ”. Il s’agit de les rendre critiques et autonomes vis-à-vis des manuels [j’ajoute : et des “ évidences ” classiques] et de les mettre en mesure de se poser leurs propres questions, d’en mesurer la pertinence et de tenter d’y apporter leurs propres réponses ».

L’ouvrage veut essentiellement traiter des concepts et outils de l’école élémentaire et du Collège. Mais, comme il entend élucider et démontrer le plus possible, il fait éventuellement appel à d’autres outils, ainsi aux suites, du niveau d’une Terminale scientifique.
Le style de l’auteur est plus qu’agréable : concis et clair, avec ici ou là, tout à coup, des traits d’humour. Et des exercices « récréatifs » mettent souvent en jeu, à propos de belles situations mathématiques, des environnements ludiques de personnages de « Marne et Garonne » … : un régal !

Un très éclairant AVANT-PROPOS précède une PREMIÈRE PARTIE « NOMBRES » de trois chapitres : Arithmétique (54 pages) ; Nombres rationnels et nombres décimaux (34 pages) ; Nombres réels (14 pages) et une DEUXIÈME PARTIE « GÉOMÉTRIE » de sept chapitres : Rappels de géométrie plane (33 pages) ; polygones (33 pages) ; constructions à la règle et au compas (26 pages) ; la mesure des aires (52 pages) ; rappels de géométrie dans l’espace (12 pages) ; polyèdres convexes (21 pages) ; la mesure des volumes (20 pages).

Des « EXERCICES » ou « PROBLÈMES », corrigés en fin de livre – fort bien, en 72 pages denses –, sont proposés, classés par thème et par niveau, après chaque chapitre. Ils sont parfois accompagnés d’autres « problèmes », non corrigés, mais avec une architecture qui les rend accessibles. Les divers chapitres comportent généralement de brefs aperçus historiques.

Tel quel, avec ses choix, il s’agit, me semble-t-il, d’une OUVRAGE À TRIPLE VOCATION :

  1. Ouvrage d’initiation réfléchie, synthétisant, sur les divers thèmes de l’école ou du Collège, des savoirs parcellaires épars au long des années, ainsi pour l’arithmétique, les isométries, les aires, les volumes, les polygones, les polyèdres, …
  2. Ouvrage d’approfondissement.
    • 2.1. Par le souci des fondements, ainsi pour la construction des réels, la théorisation des décimaux, des axiomatiques de géométrie, … Le tout proposé facultativement. Par exemple :
      • page 103 : « [Les lecteurs non familiers avec les techniques de base de l’analyse] pourront sauter ce paragraphe [sur la construction des réels] sans encombre : il en va des objets mathématiques comme de beaucoup d’outils de la vie courante, point n’est besoin de savoir comment ils sont construits pour pouvoir les utiliser. »
      • page 162 : à propos de « démonstrations autour des polygones et notamment de la convexité » où […] « les affirmations les plus anodines peuvent poser de sérieux problèmes » : « Les étudiants de licence peuvent se dispenser de lire cette Annexe (sauf s’ils sont vraiment curieux !) ».
        [Dommage que des livres de référence cités en bibliographies n’aient pas la même prudence (par exemple sur des axiomatiques)].
        Ici, un auteur qui n’impose rien sait, d’ailleurs, être excellent : les « curieux » seront récompensés !
    • 2.2. par des ouvertures multipliées : Ainsi, pour l’arithmétique du Chapitre 1, vrai traité élémentaire, réussi, avec Bézout, les congruences, la cryptographie, …
      Ainsi pour les développements décimaux, les relations grandeurs-mesures, les lignes polygonales, avec une pléthore de critères de convexité équivalents (sans oublier un « Critère d’Anaïs » dont on appréciera l’origine !), les extensions de la notion d’aire conduisant au théorème de Banach, la formule d’Euler (s a + f = 2) et sa belle démonstration appuyée sur la géométrie sphérique (avec une figure incorrecte quant aux positions relatives pôles-équateur) avec la formule de Girard sur l’aire d’un triangle sphérique, etc.
    • 2.3. Ouvrage pour chercher : Les 246 « exercices » ou « problèmes » corrigés, tous intéressants compensent heureusement les technicités théoriques des divers exposés. Ils sont tantôt :
      • classiques. Ainsi : constructions de Dürer, d’un carré de même aire qu’un rectangle donné, … ; lunules d’Hippocrate ; formule de Héron ; …
      • plus originaux : ainsi (no 212) : « On dispose, pour clôturer un terrain rectangulaire, de sept barrières rectilignes de longueurs 11, 10, 9, 7, 4, 3 et 2 (en mètres). Quelles sont les aires des terrains qu’il est possible d’entourer ainsi ? ».
      • classés « difficiles ». Ainsi : no 104 : Avec $n \in\mathbb{N}$ , lorsque le nombre $\frac{3(n^{2}-1)}{n(n^{2}-9)} $ a un sens, peut-il être entier, décimal ?
        no 53 : Pour quelles valeurs de n l’entier $n^5 + n^4 + 1$ est-il premier ?
      • classés « plus difficiles ». Ainsi : avec $n \in\mathbb{N}$, soit $ E_n= \frac {1}{n} + \frac {1}{n+1} = \frac {2n+1}{n(n+1)}$ . Est-il décimal ?
        Et les problèmes supplémentaires non corrigés nous incitent à coopérer avec l’auteur en de beaux aperçus. Ainsi sur : les fractions égyptiennes ; les suites de Farey ; un hexagone à partir de trapèzes isocèles ; diverses constructions ; le découpage de Dudeney (du triangle équilatéral vers le carré) ; la quadrature de la parabole selon Archimède (3 pages) ; les polyèdres archimédiens, deltaèdres, hexaèdres, … (7 pages), …

AVEC SES DIVERSES FACETTES, L’OUVRAGE EST TOUT ENSEMBLE FOISONNANT ET BIEN CHARPENTÉ, EXCELLENT. L’auteur maîtrise son sujet ! Avec des choix évidemment personnels, insistant par exemple avec bonheur sur l’outilaires ou les cas d’isométrie des triangles, oubliant un peu les non moins utiles (selon les situations) transformations géométriques, …

En oubliant aussi que des « mathématiques d’école » ne sauraient rester une forteresse à l’abri des nouveaux moyens et défis fournis par des logiciels de tous types (et, déjà, depuis des décennies, par Logo).

Le présent ouvrage reste résolument dans le cadre d’un enseignement traditionnel. Il y sera précieux mais, au fil des ans, il conviendrait d’oser ne pas s’y limiter ! La « fidélité au savoir » est aussi à ce prix.

Henri BAREIL

 

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