Bulletin Vert n°505
septembre — octobre 2013

Preuves sans mots Exercices de mathématiques visuelles

par Roger B. Nelsen
traduction et adaptation : Jean-Marc Lévy-Leblond
préface : Jean-Paul Delahaye

Hermann, 2013
278 pages en 16 × 24, prix : 27 €, ISBN:978-2-7056-8466-2

 

Les deux volumes de l’édition originale américaine sont parus respectivement en 1993 et 2000 ; J.-M. Lévy-Leblond en a réorganisé le contenu, et a ajouté des exemples de son cru.

Dans sa préface, J.-P. Delahaye présente la vogue des « démonstrations sans mots » comme une saine réaction à la période pendant laquelle, à la suite de Bourbaki, paraissaient des livres de géométrie sans la moindre figure. Il évoque « le plaisir qu’on éprouve à saisir l’idée démonstrative cachée dans un dessin  », et vante le pouvoir persuasif de celui-ci ; mais il met fort justement en garde contre le danger des évidences graphiques, prenant l’exemple historique du principe des valeurs intermédiaires (voir Les démonstrations du théorème fondamental de l’algèbre, par Jean Dhombres et Carlos Alvarez, recensé dans cette même rubrique), et il défend, comme plus rigoureuses et moins contestables, les preuves avec mots, et les preuves formelles.

Il est à noter que les « preuves sans mots » ne sont pas uniquement composées de dessins : on y trouve aussi parfois des calculs algébriques.

Le corps de l’ouvrage rassemble pas moins de 233 de ces preuves, réparties en 7 thèmes :

  • I. Géométrie et algèbre
  • II. Trigonométrie
  • III. Géométrie analytique, calcul différentiel et intégral
  • IV. Inégalités
  • V.Entiers et sommes d’entiers, combinatoire
  • VI. Suites et séries
  • VII. Algèbre linéaire

Pour chaque exemple est indiqué son auteur, ainsi que, souvent, l’origine historique de la propriété. Souvent plusieurs preuves, très différentes, concernent une même propriété (13 pour le théorème de Pythagore).

Les dessins, réalisés avec beaucoup de soin et de clarté, sont essentiellement de trois types : figures classiques de géométrie plane (avec ou sans repère), puzzles, et assemblages de cubes, dans l’espace. Ceux du dernier type, fréquents parmi les apports personnels de Roger B. Nelsen, me semblent particulièrement convaincants. Il y a des cas où le dessin n’est guère qu’une illustration, support d’un raisonnement mental qui reste à construire ; d’autres où le passage du cas particulier à la généralisation reste de l’ordre de l’analogie. Mais dans bien des exemples, un esprit un peu entraîné verra directement n objets là ou 6 ou 8 sont dessinés, et arrivera à la conclusion dans toute sa généralité ; un bel exemple est la démonstration de « ln(ab) = ln(a) + ln(b) ».

Certaines des propriétés, peu connues bien qu’intéressantes, enrichiront la culture mathématique du lecteur.

Pédagogiquement, le concept de preuve sans mot est, je pense, à la fois riche et à manier avec précaution : que rétorquer à l’élève qui dit « ça se voit  » ? Par contre, un exercice peut consister à rédiger la preuve vue ; un autre, oral, à expliciter celle-ci par des mots et des gestes («  ce triangle a la même hauteur que celui-ci, donc…  »). Une bonne proportion des exemples est adaptable aux logiciels de géométrie dynamique, et on peut regretter que ni l’auteur ni le traducteur-adaptateur ne l’aient signalé. Manque aussi un contre exemple, un cas où le dessin induit en erreur, comme la célèbre figure dite « du carré manquant », où une même aire semble avoir des valeurs différentes (cf. par exemple http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_du_carré_manquant).

En conclusion, cet ouvrage est à la fois enrichissant, ludique, et utile.

 

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