Comment j’ai détesté les maths un fim d’Olivier Peyon

Un film documentaire

 
 
présentation du film
lors des « Journées de Marseille de l’APMEP »

 

Une démonstration pointilliste

Commençons par des chiffres : un film de une heure quarante, qui a nécessité quatre ans de tournage et un an de montage, plus de dix heures et demie d’enregistrement (On en verra une partie dans les bonus des futurs DVD). Rien dans ce film ne tient du hasard.

L’impression première est celle de la juxtaposition d’éléments plus ou moins disparates : des élèves qui crient leur désamour, leur haine des maths. Puis la présentation d’un prof hors du commun : créateur de vêtements à ses moments perdus, homme de théâtre dans son cours,… Presque sans transition, on est en Inde pour la remise de la médaille Fields à Cédric Villani. Retour en France avec une psychopédagogue qui nous parle de l’échec en maths d’élèves intelligents. On traverse l’océan à la rencontre de jeunes enfants pour partager leur plaisir évident à faire des activités mathématiques où le jeu devient raisonnement. Et sans trop s’y attendre, nous voilà plongés dans le tumulte de la réforme des maths modernes. Quel contraste avec le fond blanc de la Forêt Noire ! On partage maintenant avec des chercheurs des moments privilégiés, faits de murmures, d’échanges feutrés. Ici les mathématiques se font art… Mais le réel s’impose à nouveau avec la crise des subprimes et quand les maths se font financières, elles risquent bien de redonner vie au vieux cliché d’inhumanité, de monstre froid.

Au premier coup d’œil, c’est une mosaïque, c’est un tableau fait de grandes tâches de couleur. On s’approche un peu plus et l’on s’aperçoit que les parties ne sont pas aussi clairement délimitées. On découvre de nouveaux points colorés essaimés un peu partout. Il s’agit de petites phrases mises dans la bouche d’un mathématicien hindou ou de Jean Dhombres qui tissent un lien entre mathématiques et nature (au sens d’une nature de l’homme se distinguant de la culture). Mais n’est-ce pas aussi ce dont nous avait parlé la psychopédagogue Anne Siety, en décrivant l’empreinte corporelle du point d’inflexion quand on fait du toboggan. Plus loin, il s’agit d’une spécialiste des sciences de l’éducation qui nous rappelle que les mathématiques enseignées, celles qui conduisent à la réussite aux examens, n’ont pas grand-chose à voir avec les Mathématiques. Alors, on a envie de retourner voir les chercheurs et l’on s’aperçoit que leurs mathématiques, les Mathématiques, demandent du temps, du calme. Et Cédric Villani confie qu’un chemin tortueux est souvent bien plus porteur de sens qu’une voie rapide. Quelque part ailleurs, une enseignante américaine félicite de jeunes enfants parce qu’ils ont bien verbalisé leur démarche. En écho, ailleurs dans le film, François Sauvageot parlant de la beauté en maths croit la trouver dans le moment où l’on est capable de transmettre simplement sa pensée. Mais aussi, pour nous ramener au quotidien de nos classes, cette élève qui dit : en fait, on a compris, mais les mots mathématiques sont tellement compliqués ! Oui, tellement compliqués que l’on en oublie parfois que pour apprendre des maths, il faut en faire, comme nous le rappelle cet enseignant américain qui fait une comparaison savoureuse avec l’apprentissage du football.

Je pourrais multiplier les exemples. Car dans ce film, tout est fait de renvois, de phrases, de situations, qui un peu comme dans ce jeu où il s’agit de relier des points pour faire apparaître un personnage, nous conduisent petit à petit vers ce que veut nous dire Olivier Peyon. Non pas un message unique, comme peut l’être trop souvent la pensée des mathématiques enseignées, mais des images, des impressions qui tiennent plus de la démonstration pointilliste, faite d’incessants retours (ce qui fera plaisir à tous ceux qui comme moi aime bien la notion de pédagogie spiralaire).

Lors d’une conférence à Marseille, Olivier Peyon nous disait qu’une phrase en particulier avait motivé son désir de faire ce film. C’est celle de l’un de ses amis : « Si on enseignait l’esprit de liberté des maths, tous les élèves deviendraient des rebelles ».

Son film traduit sa volonté de comprendre comment on a pu tant s’éloigner de cet esprit de liberté, comment on en est arrivé à ce rejet, et parfois cette détestation. L’analyse est complexe, polymorphe. Notre enseignement n’est pas épargné. Mais des pistes sont proposées pour retrouver une dynamique différente. « Comment j’ai détesté les maths » engage au débat et à la réflexion. La phrase qui termine le film est également celle que l’on trouve au dos de la plaquette. Elle est à elle seule tout le programme que nous propose Olivier Peyon dans ce voyage à travers les mathématiques enseignées ou savantes :

Ne croyez aucune autorité, vérifiez par vous-même, réfléchissez, pensez, développez vos propres idées. N’arrêtez jamais.

(Gert-Martin Grauel, mathématicien)

Quand le cours de mathématiques s’apparente trop souvent à la visite de monuments qu’il ne s’agit pas de ne toucher que du bout des yeux, Olivier Peyon nous invite à bousculer nos façons de faire, à enseigner l’irrespect, à retrouver avec nos élèves le chemin de cette jubilation créatrice dont font preuve tous ces jeunes enfants dont j’ai parlé plus haut.

 

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