Bulletin Vert no 444
janvier — février 2003

À propos de l’article « Temps et périodes »

André Gouin

Dans le bulletin 443 de 1’A.P.M.E.P. j’ai lu avec un vif intérêt l’excellent article intitulé Temps et périodes, et ce avec d’autant plus de plaisir que l’astronomie est un sujet rarement abordé par les professeurs de mathématiques. Une phrase toutefois m’a laissé perplexe (page 774) :

Un dicton nous dit : À la Sainte Luce, les jours augmentent du saut d’une puce. Pourtant la Sainte Luce tombant le 13 décembre, les jours n’augmentent pas à cette date mais continuent à diminuer jusqu’au solstice d’hiver du 21 décembre. Tout s’éclaire si on pense que ce dicton se réfère au calendrier julien pour lequel le solstice d’hiver tombait le 12 décembre.

Les dictons populaires (quand il pleut à la Saint Médard…) sont rarement porteurs d’une signification scientifique précise. Le saut de puce de la Sainte Luce ne fait pas exception à la règle : quel lien existe-t-il entre la fête de Sainte Luce et le solstice d’hiver ? en quoi consiste l’augmentation des jours au mois de décembre ? comment le saut de puce s’applique-t-il à la variation d’une fonction continue au voisinage d’un extremum ? Est-ce que tout s’éclaire par simple référence à l’usage passé du calendrier julien ?

Qu’on me permette d’attirer l’attention sur un détail qui semble peu connu de beaucoup de mathématiciens et, bien entendu, du grand public. Il est cependant explicitement mentionné dans le calendrier des Postes, qui l’emprunte aux Éphémérides astronomiques publiées chaque année sous le nom d’Annuaire du Bureau des Longitudes.

Le solstice d’hiver est survenu le 22 décembre 2002 à 1 heure 15 minutes de temps universel, mais les jours ont commencé à croître le soir dès le 13 décembre : alors qu’ils continuent à décroître le matin jusque dans les premiers jours de janvier.

Le paradoxe apparent de cette dissymétrie s’explique par l’étude de la variation remarquable au cours du mois de décembre de la fonction que les astronomes appellent équation du temps et qui définit le passage du temps solaire vrai au temps solaire moyen.

Ce n’est pas ici le lieu de définir ces fonctions ou d’en étudier les propriétés. Il existait naguère au programme de mathématiques des classes de terminales, sous le nom équivoque de cosmographie, une étude de l’astronomie élémentaire. On trouvera dans les manuels antérieurs à 1960 la suite des propositions qui aboutissent à la définition du temps universel.

L’étude de l’astronomie a disparu de l’enseignement secondaire à tous les niveaux.


Jean-Claude Carréga

La dissymétrie du jour solaire entre le matin et le soir, signalée par André Gouin, est tout à fait exacte et facile à vérifier. Si on consulte une table donnant pour chaque jour les heures des levers et des couchers du soleil, on constate, sur la période allant du 13 au 22 décembre, une augmentation globale du jour le soir de 3 minutes ( car le soleil se couche chaque jour un peu plus tard) et une diminution globale du jour le matin de 6 minutes (car le soleil se lève chaque jour un peu plus tard).

On peut en effet interpréter le dicton de la Sainte Luce à partir de ce phénomène, mais alors il faut admettre que les inventeurs du dicton ont été plus sensibles aux 3 minutes de soleil gagnées le soir plutôt qu’aux 6 minutes de soleil perdues le matin.
Cela ne m’a pas paru très vraisemblable ; aussi dans l’article j’ai choisi l’autre interprétation qui se réfère au calendrier Julien du 16e siècle dans lequel le solstice d’hiver tombait le 12 Décembre. En faisant cela, j’ai suivi l’avis des auteurs des livres signalés en référence : « La saga des calendriers » et « Calendriers et chronologie ».
Je reconnais toutefois qu’il aurait été plus prudent et plus instructif de donner les deux interprétations possibles du dicton.

 

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