Bulletin Vert n°499
septembre 1995

Analyse phénoménologique du concept de probabilité

par Albino Attilio Lanciani

Éditions Hermann, 2012
390 pages en 15 x 21, prix : 34 €, ISBN : 978-2-7056-8138-3

 

Ce livre est la réélaboration d’une thèse de philosophie soutenue à Lyon en 2010 ; outre une introduction et une copieuse bibliographie, il comprend cinq chapitres et deux appendices :

  1. Le traitement mathématique des probabilités.
  2. Éléments phénoménologiques de l’axiomatisation des probabilités.
  3. Ontologie et probabilités.
  4. Un problème classique : la thermodynamique.
  5. Thermodynamique et probabilité.
  • Appendice A
    Quelques réflexions sur le théorème de représentation de Stone.
  • Appendice B
    L’intérêt phénoménologique de la théorie de la mesure.

La phénoménologie, courant philosophique créé par E. Husserl, veut être, dans son application à la science, « un corps de connaissance reliant de nombreuses observations empiriques entre elles, de façon cohérente avec la théorie fondamentale, mais n’en étant pas issu » (Wikipedia). Cet ouvrage utilise les méthodes phénoménologiques, et particulièrement les textes de Husserl et de J.T. Desanti, pour cerner le concept de probabilité ; mais il déborde largement ce thème et se penche aussi sur les concepts généraux d’objet mathématique ou M-objet, d’objet physique ou P-objet (qui est déjà une idéalité), sur l’axiomatisation (réflexion fouillée sur l’axiome du choix) ; il présente les mathématiques comme « un chaînon, le plus important, de l’enchaînement de la rationalité dont l’ontologie formelle phénoménologique se voudrait comme la vision idéale », ou encore comme « le squelette conceptuel des sciences ». Il conclut à la double nature de la probabilité, à la fois M-objet et P-objet, point de rencontre d’une dynamique ascendante basée sur l’expérience et d’une dynamique descendante à partir de l’axiomatisation de Kolmogorov.

Son contenu mathématique est substantiel : définitions, théorèmes et démonstrations de niveau élevé (mesure de Lebesgue, treillis, …) sont explicités avant leur examen philosophique ; l’appendice 1 peut même être considéré comme un cours sur l’algèbre de Boole. Les chapitres IV et V montrent de même des connaissances étendues en physique.

Cette érudition scientifique contraste curieusement avec des erreurs récurrentes (donc non réductibles à des coquilles) sur des notions élémentaires, par exemple inclusion dans le mauvais sens entre $3\mathbb{Z}$ et $6\mathbb{Z}$, définition incorrecte de la transitivité, valeur fausse pour le nombre d’Avogadro, confusion d’un ensemble avec son cardinal (« $ P(E) = 2^n $ »). D’autre part, la compréhension est parfois gênée par un nombre conséquent de coquilles, et aussi de phrases curieusement bâties, où (aidé par la consonance du nom de l’auteur) je reconnais des italianismes. Le lecteur de formation mathématique mais non philosophique pourra estimer que, parfois, l’auteur complique à loisir des choses simples (une page pour montrer que « la mathématique n’est pas un objet mathématique ») ; il donne aux mots « modèle » et « modélisation » des sens fluctuants selon les chapitres ; il ne découvre que tout à la fin de son travail l’importance, pour le cheminement parmi les niveaux d’abstraction, de la notion d’ensemble-quotient : touchante naïveté ! Par ailleurs je regrette l’absence d’un index.

Tout ceci, joint à un vocabulaire spécialisé (sans être jargonnant) rend la lecture de cet ouvrage difficile et exigeante ; mais à ceux qui ont un intérêt marqué pour la philosophie des sciences, elle apportera sur notre discipline un regard extérieur, compétent, méthodique et fouillé, et elle réveillera (et complètera) des connaissances sur des domaines mathématiques peu fréquentés par certains d’entre nous.

 

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