Bulletin Vert n°503
mars — avril 2013
Chaos — Une aventure mathématique
un film de Jos Leys, Étienne Ghys et Aurélien Alvarez
À télécharger ou visionner en ligne à l’adresse www.chaos-math.org/fr
Créé par les mêmes auteurs, et dans le même esprit, que Dimensions (http://www.dimensions-math.org/Dim_fr.htm), ce film présente, illustre et explique les mathématiques des systèmes dynamiques, de l’effet papillon et de la théorie du chaos. Il est construit en neuf chapitres de 13 minutes :
- Chaos I : Mouvement et déterminisme — Pantha Rhei.
- Chaos II : Champs de vecteurs — La course des legos.
- Chaos III : Un peu de mécanique — La pomme et la lune.
- Chaos IV : Oscillations — La balançoire.
- Chaos V : Billards — Le taureau de Duhem.
- Chaos VI : Chaos et fer à cheval — Smale à Copacabana.
- Chaos VII : Attracteurs étranges — L’effet papillon.
- Chaos VIII : Statistiques — Le moulin de Lorenz.
- Chaos IX : Chaotique ou pas ? — La recherche aujourd’hui.
Il est souhaitable de visionner les différents chapitres dans l’ordre, car celui-ci correspond à la fois à la chronologie historique et à une difficulté conceptuelle croissante. Ainsi au chapitre 1 est présenté le déterminisme au sens de Laplace, illustré par des problèmes de billard ; Newton, Cauchy, Lipschitz interviennent aux chapitres 2 et 3 à travers les champs de vecteurs et les trajectoires de corps célestes ; Poincaré, les portraits de phase, les cycles-limites sont dans le chapitre 4 ; Duhem et les géodésiques de surfaces quelconques au chapitre 5 ; Smale et sa transformation en fer à cheval au chapitre 6 ; les chapitres 7 et 8 sont dominés par la figure d’Edward Lorenz (1917-2008), son « modèle- jouet » d’atmosphère et son attracteur ; le dernier chapitre évoque la théorie des bifurcations et fait le point des recherches les plus récentes, avec les résultats de Bowen et les conjectures de Jacob Palis.
Le film est présenté comme « tout-public » ; en effet, quiconque trouvera un plaisir certain dans la beauté des images animées et colorées, accompagnées de musiques bien choisies (Bach, Chopin, Debussy, Satie, mais aussi musiques de films, …) ; cependant pour tirer profit du commentaire, il est préférable d’avoir quelques connaissances mathématiques préalables (niveau Première ou Terminale S) ; et en pénétrer toutes les finesses nécessite une formation supérieure.
Mais il est certain que chacun, sauf peut-être s’il est déjà spécialiste du sujet, apprendra quelque chose en regardant ce film, à l’efficacité pédagogique certaine : les images sont extrêmement lisibles, avec là où ils sont utiles des zooms, des transparences, des changements de point de vue ; les commentaires les suivent pas à pas, ils amènent progressivement à des concepts non-évidents, comme « attracteur », « portrait de phase », en prenant soin de ne les nommer qu’après les avoir observés ou manipulés. La conclusion de chaque chapitre en fait ressortir les grandes lignes, parfois sur un plan philosophique comme celle qui oppose le « déterminisme froid » de Newton, qui pousserait au fatalisme, et l’effet papillon de Lorenz qui montre que nous pouvons agir sur le monde.
À maintes reprises est souligné le déplacement du centre d’intérêt des chercheurs : des évolutions individuelles, impossibles à prévoir à long terme, vers les approches statistiques, qui répondent de façon positive et constructive au problème de la sensibilité aux conditions initiales.
Mises à part quelques longueurs dans l’introduction, quelques images un peu « hors sujet » (Copacabana), il n’y a rien à jeter dans ce film passionnant, enrichissant, jubilatoire ; voici de bonnes et belles mathématiques, qu’on qualifierait de « modernes » n’était la connotation péjorative de ce terme depuis les années 70.