Contributions à une analyse de la réforme du collège

Le texte qui suit a été élaboré par la commission collège de l’APMEP.

Depuis le lancement de la réforme en 2012, nous avons constaté la continuité des textes et le maintien des différentes étapes prévues. En juillet 2013, la loi pour la refondation de l’école, puis en avril 2014 adoption de la charte des programmes. Le projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture, présenté en juin 2014, a été suivi d’une consultation qui a été prise en compte et a permis l’adoption en février 2015 d’un socle modifié. La volonté de changement est accompagnée d’une volonté de transparence et de prise en compte de l’avis des acteurs de terrain.

L’esprit global de cette réforme correspond à nos revendications. L’état actuel du collège nécessite de le réformer, il génère de grandes inégalités et laisse sur la touche trop d’enfants en échec. Cette réforme est ambitieuse. Il est indispensable que les moyens nécessaires à la réalisation de ses ambitions soient donnés. Les enseignants devront être formés et accompagnés sur le terrain pour la mise en place des divers dispositifs proposés. Des temps de concertations sont indispensables pour permettre un travail d’équipe efficace, tout particulièrement pour les travaux interdisciplinaires où tout est à construire. D’autre part, le risque existe que les heures d’enseignements complémentaires (EPI [1] , AP [2]), dont la répartition sera au choix des établissements, soient utilisées comme variables d’ajustement des services et ainsi détournées de leurs objectifs.

Les chefs d’établissement auront un rôle déterminant, ils doivent donc être également accompagnés par l’institution. Celle-ci doit veiller, par ailleurs, à ce que l’organisation interne d’un établissement se fasse en concertation avec les enseignants dans les conseils pédagogiques.

Ce qui nous paraît bien :

  • L’augmentation des heures d’AP,
  • La volonté de proposer des liens entre les disciplines à travers les EPI.
    Mais là aussi, il faudrait des documents d’accompagnement pour préciser les contenus possibles. Les EPI sont sensés permettre de travailler sur des points du programme, en interdisciplinarité il est donc nécessaire que toutes les disciplines soient concernées et « y trouve leur compte » sur l’intégralité du cycle,
  • Les heures pour des travaux en groupes à effectifs réduits ou en co-animation.

Beaucoup d’enseignants ont manifesté des inquiétudes quant à la mise en place des différents dispositifs prévus dans la réforme, et s’interrogent sur la répartition et l’organisation de ces heures hebdomadaires. Nous insistons donc sur la nécessité d’une formation importante et de qualité et d’un accompagnement effectif des équipes dans les établissements.

Nous avons soulevé à plusieurs reprises les problèmes posés par la double évaluation chiffrée et par compétence. Nous aurions souhaité que l’évaluation trouve sa place dans le texte de la réforme.

 

Les programmes

Ces programmes sont une réelle avancée dans la forme et dans le choix des notions enseignées. Mais des points restent à éclaircir et à préciser.

Contrairement aux précédents programmes, tout se fait dans la transparence, de nombreuses personnes ont été consultées, y compris l’APMEP, et ces projets arrivent suffisamment tôt avant la mise en place de la réforme pour que nous ayons le temps d’y travailler. Nous espérons que cette consultation sera réellement prise en compte dans la version finale des programmes.

Nous souhaitons apporter des critiques avant tout constructives.

Concernant la démonstration, point important en mathématiques, il faut effectivement reformuler le texte : Il s’agit d’éviter un formalisme trop important dans la rédaction d’une démonstration et non de supprimer toute démonstration au profit du seul raisonnement. Toutefois, il paraît raisonnable que la rédaction aboutie d’une démonstration ne soit pas une compétence exigible du socle.

La rédaction des programmes, telle qu’elle est proposée, permet d’avoir une bonne lisibilité sur ce qui est attendu à la fin de chaque cycle, ce qui nous paraît bien. Mais ce texte ne peut suffire pour le cycle 4, des précisions sont indispensables sur la déclinaison par années. Il est nécessaire de fixer des repères de progressivité comme cela a été fait pour le cycle 3. Des documents d’accompagnement sont, semble-t-il, en cours de rédaction, ils sont également essentiels pour compléter les textes des programmes. Nous apprécions que les contenus soient allégés pour avoir du temps avec nos élèves mais ils doivent rester suffisants pour mettre en place une vraie démarche mathématique et construire des démonstrations. Nous ne demandons pas plus de contenu mais des précisions et quelques modifications.

Nous sommes en accord avec ce qu’a écrit le CS des IREM [3], dans le relevé de conclusion de sa réunion du 10 avril, cité par Michèle Artigue dans le bulletin de liaison de la CFEM de mai 2015 : « des efforts particuliers devront être faits pour clarifier la vision de la nature de l’activité mathématique qui sous-tend ces programmes (place du raisonnement et de la preuve, démarches d’investigation, relation avec les autres disciplines et le monde extra-scolaire), améliorer la cohérence entre les programmes relatifs aux différents cycles sur la forme et sur le fond, mettre mieux en évidence les interactions possibles avec les enseignements des autres disciplines, améliorer l’accessibilité de la rédaction de ces textes pour les professeurs (notamment ceux des écoles) ».

 

Quelques points relevés sur les attendus de fin de cycle 4

Le recentrage des connaissances exigibles correspond aux demandes de l’APMEP.

  • Les notions de moyenne et de probabilité apparaissent dès la 5e. Il conviendrait de préciser ce qui est contenu dans « Calculer des probabilités dans un contexte simple d’origine technologique ».
  • Les nombres fractionnaires relatifs n’apparaissent plus en tant que tels, seul le terme « fraction » est employé. Quel lien avec les fractions et écritures fractionnaires mentionnées dans le programme du cycle 3 ?
  • Que signifie « Utiliser les nombres relatifs pour se situer dans l’espace et dans le temps » et « Utiliser le calcul littéral pour développer la mémoire… » ?
  • Quels sont les objectifs du travail sur les transformations : translation, symétrie, rotation ou homothétie ? Jusqu’où aller ? Doit-on les étudier ou simplement les utiliser via un logiciel de géométrie dynamique ?
  • Quels travail à faire au niveau de l’étude des solides ? Les connaissances associées portent uniquement sur le parallélépipède rectangle et la sphère, alors qu’ils sont tous présents dans le programme de cycle 3. Est-ce un oubli ? Doit-on comprendre que l’on peut les utiliser pour modéliser des bâtiments par exemple (car objets connus du cycle 3), mais ne pas les étudier pour eux même ?
  • L’algorithmique et la programmation constituant un nouveau thème doivent être plus particulièrement explicités et accompagnés d’une formation spécifique.
  • Concernant la démonstration en géométrie nous pouvons nous questionner sur les outils disponibles. En effet, ce qui reste est très limité, pour construire des démonstrations de cours.
    Par exemple, en sixième les élèves doivent savoir identifier des quadrilatères particuliers à partir des propriétés des angles, des côtés ou des diagonales. Qu’est-ce qui pourra être justifié ? Ici le lien entre les deux cycles n’est pas évident, ainsi que pour les solides étudiés.
  • En algèbre, pourquoi la propriété de la distributivité n’est-elle étudiée qu’à partir de la 4e ? En 5e elle était bien utile pour des problèmes où il était nécessaire de modifier l’expression.
  • En algèbre, pourquoi conserver les identités remarquables (IR [4]) si les équations-produits qui donnaient du sens à leur utilisation ne sont plus dans le programme ? Il faut faire un choix, soit on conserve IR et équations produits, soit on enlève aussi les IR, factoriser pour factoriser n’a aucun sens et utiliser les IR uniquement pour développer est inutile, la double distributivité suffisant pour cette tâche.
    Autre proposition : conserver les IR pour du calcul mental et pour une approche de la fonction carré qui ne correspond pas à une situation de proportionnalité. C’est-à-dire mettre en évidence que la somme des carrés n’est pas égale au carré de la somme. Cela pourrait préparer le travail au lycée en lui donnant du sens.

 

Pour la sixième

Pas de changements importants, seulement :

  • un élargissement de l’étude des solides qui inclut prismes droits et pyramide régulière, mais avec des objectifs limités (reconnaître une représentation en perspective cavalière, compléter un patron). Ces solides ne sont nulle part cités dans le programme du cycle 4.
  • Aucune mention sur les propriétés de la symétrie axiale.

Dans le dossier « Stratégie mathématiques » présentée par le Ministère le 4 décembre 2014, on peut lire : « La place du jeu dans l’enseignement des mathématiques, notamment à l’école élémentaire, sera renforcée. » Nous souhaitons que cette place du jeu soit précisée dans les documents d’accompagnement.

À préciser également : Toutes ces notions relèvent-elles du socle ? Si oui, quels sont les niveaux d’exigence ? Pour que le socle reste un objectif à atteindre pour tous les élèves (ou tout au moins presque tous) il doit être effectivement accessible à tous.

 

Notes

[1EPI : Enseignements Pratiques Interdisciplinaires

[2AP : Accompagnement Personnalisé

[3CS des IREM : Conseil Scientifique des IREM

[4IR : Identités Remarquables

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