Bulletin Vert no 461
novembre — décembre 2005
Courrier des lecteurs À propos de l’introduction de la fonction exponentielle en terminale S
Isabelle Haupt
Cette année, pour la première fois, j’ai introduit en terminale S, comme le suggère fortement le programme, la fonction exponentielle comme solution d’une équation différentielle, puis la fonction logarithme comme fonction réciproque de l’exponentielle.
Certes, cette façon ne me plaisait pas a priori, mais 1’usage ne m’a pas fait changer d’avis.
J’ai noté plusieurs difficultés de la part des élèves :
- Les élèves de Seconde et de Première S travaillent essentiellement (pour ne pas dire exclusivement si on fait abstraction des fonctions trigonométriques que 1’on aborde mais n’utilise pas vraiment) avec les fonctions polynômes et rationnelles. Ils n’ont donc pas vraiment d’exemples de fonctions obéissant à des règles algébriques différentes.
- La notion d’équation reste floue dans leur esprit (certes, les équations du premier et second degré sont en principe maîtrisées), mais une équation dont la solution n’est pas un ou plusieurs nombres reste mystérieuse pour eux.
- La dérivée qui est principalement pour eux un calcul n’a pas encore vraiment le statut de fonction.
- Les équations différentielles sont donc pour eux des êtres curieux (même s’ils les rencontrent en physique, ils ont d’ailleurs toujours du mal à concevoir vraiment que les notions rencontrées en maths et en physique sont les mêmes), dont les solutions ne s’appréhendent pas facilement. Non seulement ces solutions sont des fonctions, dont 1’écriture dépend donc d’une variable, mais il y en a une infinité, donc une autre lettre apparaît (1’écriture se compliquera encore avec 1’étude de $y′ = ay + b$, le statut de toutes ces lettres étant difficile à maîtriser pour des élèves qui n’ont pas de recul sur la notion de variable, de paramètre et d’inconnue).
- Si, de plus, on prend en compte que cette solution est justement une fonction inconnue pour eux et qu’on utilise alors 1’équation différentielle pour trouver les propriétés de cette fonction, il me semble clair que cette façon d’introduire la fonction exponentielle les plonge dans la perplexité, même si 1’approche en principe concrète par la méthode d’Euler leur montre tout suite 1’allure de la courbe. En effet, cette méthode basée sur 1’approximation affine n’a en général pas eu le temps d’être maîtrisée en première.
- Il m’a semblé qu’une des raisons principales de ce changement d’ordre d’introduction des fonctions était la cohérence avec les programmes de physique. Or les élèves ont autant besoin en physique-chimie de la fonction exponentielle que de la fonction logarithme et d’ailleurs les enseignants de physique-chimie utilisent tout de suite les deux fonctions. Or, même si en maths on introduit tôt dans l’année la fonction exponentielle, il faut laisser aux élèves le temps de l’assimiler quelque peu, donc on ne peut pas introduire la fonction logarithme immédiatement après, si bien qu’elle arrive alors que les élèves 1’ont déjà utilisée ailleurs. Dans tous les cas, nous sommes en retard par rapport à nos collègues physiciens et la cohérence entre les deux matières n’est toujours pas faite.
- La progression qui consistait à introduire la fonction logarithme comme primitive de la fonction inverse, puis la fonction exponentielle comme fonction réciproque, puis de remarquer qu’elle était solution de 1’équation $y′ = y$, ce qui permettait de parler d’équation différentielle (dont on pouvait remarquer que la recherche de primitives était un cas particulier), puis de 1’étendre à d’autres équations différentielles, me paraissait nettement plus abordable pour les élèves. Il était en effet très naturel pour eux d’introduire une nouvelle fonction, primitive de la fonction inverse, puisqu’en dérivant toutes celles qu’ils connaissaient, ils ne tombaient jamais sur cette dernière. Tandis que se poser a priori le problème de la résolution d’une équation différentielle ne me semble pas naturel pour des élèves dont la culture scientifique n’est pas vraiment développée.
Je trouve que cette construction, aussi intéressante soit-elle d’un point de vue mathématique, ne correspond pas à 1’état d’esprit et au niveau de connaissances et de technique d’un élève arrivant actuellement en Terminale S.
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