Bulletin Vert no 455
novembre — décembre 2004

DÉCOUVRIR LES GÉOMÉTRIES NON EUCLIDIENNES EN JOUANT AVEC CABRI-GÉOMÈTRE II Une nouvelle brochure A.P.M.E.P.

par Roger CUPPENS

Tome II [1]

  • GÉOMÉTRIE ELLIPTIQUE
  • GÉOMÉTRIE PROJECTIVE HYPERBOLIQUE

Brochure APMEP n°161 coproduite par Cabrilog. Très bonne présentation (par l’auteur…) avec de nombreuses figures.
128 pages en 17 × 24. Sommaire détaillé. Index des sujets. Index des macros.
Références.
N°ISBN : 2-912846-38-2.
Prix  : public : 10 €, adhérent : 7 €.
Les Tomes 1 et 2 ensemble, Prix  : public : 16 €, adhérent : 10 €.

 

Le Tome 1, brochure APMEP n°160 (mêmes prix) concerne la GÉOMÉTRIE HYPERBOLIQUE (Recension dans le Bulletin Vert 453, pages 614 à 618.

Les numérotations des pages et des chapitres du TOME 2 prolongent celles du TOME 1 et tous deux relèvent de la même PRÉFACE qui, je cite le Bulletin 453, rappelle d’abord des méthodes de l’auteur :

  • « découvrir avec l’outil informatique des propriétés des figures géométriques … » sans, pour autant, s’obliger à les démontrer. [Mais il y a souvent d’éclairantes idées pour cela…],
  • « représenter les objets de base (points, droites, cercles, …) [d’une géométrie non euclidienne] comme des objets de la géométrie euclidienne. Pour ceci, il faut d’abord donner les outils permettant de tracer ces objets et de réaliser les constructions de base…  ».

Mais alors, « quelles sont donc les propriétés des figures euclidiennes qui restent valables ? » … À la brochure d’y répondre…

Une ANNEXE à la préface se termine en « invitant le lecteur à faire comme l’auteur : « ne pas parcourir “ linéairement ” les études faites, mais une fois acquis les outils de base, découvrir lui-même son chemin dans ce monde merveilleux… ».

Le TOME 1 traitait en une « PREMIÈRE PARTIE » la Géométrie hyperbolique. Voici, maintenant, en ce TOME 2, la SECONDE et la TROISIÈME PARTIES :

DEUXIÈME PARTIE : LA GÉOMÉTRIE ELLIPTIQUE

(10 chapitres, 75 pages)
N.B. Quand je parlerai des objets-concepts de cette géométrie, je ne les affublerai pas automatiquement, sauf dans des titres, du qualificatif d’elliptiques (l’auteur, et c’est bien, est plus précis).

  • Chapitre 16 : Points et droites d’un plan elliptique (10 pages).
    « Le modèle de Klein :
    La géométrie elliptique (encore appelée géométrie riemanienne) est une géométrie où il n’y a pas de droites parallèles.
    Un modèle élémentaire de la géométrie elliptique plane consiste à prendre pour plan une sphère, pour points du plan les couples de points diamétralement opposés et pour droites les grands cercles de la sphère. Mais il existe un modèle plan que décrit Greenberg ([Greenberg], p.442) de la manière suivante :
    « Un autre modèle pour la géométrie elliptique plane (dû à Klein) est conforme : comme le modèle de Poincaré pour la géométrie hyperbolique, les angles sont fidèlement représentés par des angles euclidiens. Dans ce modèle, les “ points ” sont les points euclidiens à l’intérieur du cercle unité dans le plan euclidien ainsi que les couples de points antipodaux sur le cercle (le « cercle unité » de Greenberg sera appelé « cercle absolu »)  ; les “ droites ” sont soit les diamètres du cercle unité, soit les arcs des cercles euclidiens qui rencontrent le cercle unité aux extrémités d’un diamètre. »
    C’est ce modèle que nous étudions dans cette partie. »
    Après présentation des points, droites, de la non-existence de parallèles, viennent les segments (deux points distincts déterminent deux segments, qualifiés l’un d’intérieur, l’autre d’extérieur), puis les faisceaux de droites, …
  • Chapitre 17 : Angles et droites perpendiculaires elliptiques (4 pages) … et pôle d’une droite, polaire d’un point, …
  • Chapitre 18 : Distance elliptique (14 pages).
    • Longueur d’un segment intérieur … et d’une droite. Relations longueurs-angles.
    • Symétrie axiale, bissectrices, médiatrices, rotation, symétrie centrale, … Birapport…
    • Et retour sur un « isomorphisme canonique »…
  • Chapitre 19 : Cercles elliptiques (14 pages).
    • Représentation, …, lieux, … Intersections droite-cercle, de deux cercles, …, pôles et polaires, …, cercles orthogonaux, …, puissance d’un point, …, axes et centres radicaux, faisceaux de cercles.
  • Chapitre 20 : Coniques elliptiques (8 pages) … définies comme perspectives d’un cercle elliptique. Problèmes de tangentes, d’intersection, de symétries, … pôles et polaires et quelques lieux.
  • Chapitre 21 : Triangles elliptiques (12 pages).
    Deux points → deux segments. D’où trois points → huit triangles ? Une condition (cf. axiome de Pasch) réduit à un triangle intérieur et trois triangles extérieurs… Cas d’égalité, … Points et droites remarquables, alignements et concours…
  • Chapitre 22 : Polygones réguliers elliptiques (4 pages) … définis, comme dans les cas euclidien ou hyperbolique, par une invariance dans telle rotation… Pavages.
  • Chapitre 23 : Longueurs et aires elliptiques (4 pages), … pour cercles (ou disques), triangles, …, et … plan.
  • Chapitre 24 : Géométrie analytique elliptique (2 pages).
  • Chapitre 25 : Cas limites de la géométrie elliptique (3 pages) :
    • Le plan euclidien est la limite du modèle de Klein quand le rayon du cercle absolu devient infini.
    • Le modèle de Klein a pour limite un demi-plan euclidien quand le centre du cercle absolu s’en va à l’infini.

LA SORORITÉ DES GÉOMÉTRIES EUCLIDIENNE ET ELLIPTIQUE

En géométrie elliptique, on retrouve maint résultat ou comportement de l’euclidienne :

  • tel axiome initial…,
  • les trois cas d’égalité des triangles (mais… cf. plus bas),
  • les symétries axiales, leur produit, …,
  • les bissectrices d’angles et leurs propriétés, …,
  • les définitions générales de distances, …,
  • la distance de deux points et l’inégalité triangulaire,
  • les théories et résultats-clés des pôles et polaires, …,
  • les concours de hauteurs, bissectrices, …,
  • la configuration cercle-tangentes issues d’un point,
  • le conjugué harmonique, …,
  • la réciprocité polaire,
  • etc.

DES COUSINAGES (par exemple en remplaçant, parfois, des rapports de longueurs (en euclidien) par des rapports de sinus, …) :

  • unicité, en général, d’une perpendiculaire à une droite passant par un point donné …,
  • distance de deux points,
  • définition d’un birapport,
  • intersections droite-cercle ou de deux cercles, faisceaux de cercles des trois types,
  • concours de médiatrices d’un triangle (mais … cf. plus bas), de médianes, …,
  • axes radicaux de deux cercles (mais deux axes en elliptique) et centre radicaux de trois cercles (mais quatre en elliptique),
  • théorèmes de Ménélaüs et Céva, Pascal et Brianchon,
  • cercles et coniques,
  • avec F et G fixes, lieu de P tel que PF + PG = $k$, constant,
  • etc.

D’AGUICHANTES DIFFÉRENCES !

  • la détermination des angles d’un triangle elliptique détermine ses côtés, donc le premier cas de similitude euclidien devient un cas d’égalité elliptique !
  • le plan elliptique est pavable par cinq types de polygones réguliers, chaque fois en nombre fini (ainsi par trois carrés d’angles $2 \pi /3$ !),
  • il n’existe pas de rectangle elliptique…
  • toute isométrie du plan elliptique est une rotation elliptique…
  • la somme des mesures des angles d’un triangle elliptique est comprise entre 180° et 540° ; il existe des triangles birectangles, nécessairement isocèles, et même trirectangles, nécessairement équilatéraux,
  • par trois points, il passe quatre cercles !
  • deux points font deux segments … et ont deux médiatrices…
  • l’aire d’un triangle elliptique peut prendre n’importe quelle valeur comprise entre 0 et $2 \pi$ ,
  • l’aire du plan elliptique est $2 \pi$ !
  • comme en hyperbolique, la quadrature du cercle est possible en elliptique…
  • etc.

SORORITÉS, COUSINAGES ET DIFFÉRENCES SONT ÉGALEMENT PASSIONNANTS, surtout si on compare simultanément avec la géométrie hyperbolique !

TROISIÈME PARTIE : GÉOMÉTRIE PROJECTIVE HYPERBOLIQUE

Les deux premières parties, dit l’auteur, manifestent de nombreuses analogies entre les géométries hyperbolique et elliptique.
Cette analogie va se trouver renforcée par l’extension d’un plan hyperbolique à un « plan hyperbolique étendu » en ajoutant les points à l’infini et les « points idéaux », définis comme pôles de droites à partir de faisceaux de droites perpendiculaires…

  • Chapitre 26 : Plan hyperbolique étendu (8 pages).
    • Notions de points idéaux, de droites idéales. De là quelque huit conséquences immédiates. Ainsi :
      • par deux points d’un plan hyperbolique étendu passe une droite et une seule.
      • des points sont alignés si et seulement si leurs polaires sont concourantes.
    • Modèle de Klein étendu, … où les points idéaux interviennent, à l’extérieur du cercle absolu. De là une correspondance bijective entre un plan hyperbolique étendu et un plan projectif, les théorèmes de Pappus et de Desargues, … puis une étude du birapport.
  • Chapitre 27 : Symétries d’un plan hyperbolique étendu (4 pages)
  • Chapitre 28 : Cycles et coniques d’un plan hyperbolique étendu (6 pages) … où l’on retrouve les « cercles hyperboliques », « horocycles » et « hypercycles ».
  • Chapitre 29 : Bissectrices dans un plan hyperbolique étendu (8 pages) … où un cas produit une infinité de bissectrices ! … Cycles inscrits et cycles ex-inscrits dans un triangle … vers quatre points de Gergonne et quatre de Nagel !
  • Chapitre 30 : Milieux et médiatrices dans un plan hyperbolique étendu (7 pages).

En première conclusion, je signalerai qu’ailleurs (Postface) Roger Cuppens souligne l’idée qu’alors qu’« un plan projectif est un modèle possible de la géométrie elliptique, un modèle d’un plan hyperbolique peut être plongé de manière naturelle dans un plan projectif ».

UNE POSTFACE :

J’y relève des idées-clés :

  • la notion de modèle, « outil fondamental en informatique », ne s’applique, et tardivement dans nos cursus scolaires, que « pour transporter dans un domaine extérieur aux mathématiques des méthodes ou des résultats mathématiques » … : pour les géométries non-euclidiennes étudiées, on a modélisé « à l’intérieur des mathématiques » et j’ajoute que cette activité peut être proposée très tôt pour ses débuts…
  • le raisonnement analogique est, pour Roger Cuppens, « un puissant moyen de découverte pour toutes les sciences et en particulier en mathématiques » …
    À développer !
  • l’utilisation raisonnée d’un logiciel de géométrie dynamique comme Cabri […] amène à une réflexion profonde sur les mathématiques et leur enseignement [Pour s’en convaincre aisément il suffit de suivre les progressions de Roger Cuppens… Elles rejoignent une sentence populaire : « Le chemin se fait en marchant » !].
  • on peut « faire des mathématiques intéressantes sans nombres réels, ni axiome du choix, en se contentant, à la EUCLIDE, d’objets mathématiques (points, droites, cercles, …) où l’infini n’est que potentiel, une figure ne comportant toujours qu’un nombre fini d’objets mathématiques ».

MA CONCLUSION :

  • Je renvoie d’abord à celle, encore plus de mise à l’issue des deux tomes, de la page 618 du Bulletin 453 [il suffit d’introduire aussi le mot « elliptique »].
  • Sur le plan mathématique, c’est passionnant.
    Pour la joie des découvertes, de retrouvailles, d’étonnements, de francs dépaysements parfois, c’est encore passionnant.
  • Quand on dit, après CANTOR, que « l’essence des maths, c’est la liberté  », il ne peut s’agir que d’une ahurissante allégation au niveau des collèges et des lycées, voire plus tard, si l’on ne saisit pas des occasions signifiantes de le montrer !
    Or, dès le collège au moins (cf. la géométrie sphérique, ses « droites-grands cercles », ses « triangles trirectangles », … et les tout débuts des deux géométries elliptique ou hyperbolique (explicités avec un logiciel de géométrie dynamique, comme ici, de façon cohérente mais sans chercher à démontrer), on peut « montrer » bien autre chose qu’un théorème : cette liberté dont parle Cantor… À plus forte raison, au lycée et au-delà !
    N’est-ce pas là un vrai, irremplaçable et accessible aujourd’hui rôle culturel ?
  • Dans le même registre, je voudrais conclure, avec Antoine VALABRÈGUE [page 3 du n°122 des « Chantiers de pédagogie mathématique », Bulletin de la Régionale Parisienne] :
    « [En mathématiques] … la géométrie euclidienne cohabite avec les non-euclidiennes. Elles sont donc un puissant outil [exemple ?] de cohabitation de mondes différents, ce qui permet d’éviter la mono-perception (on dirait aujourd’hui “ la pensée unique ”) dont le danger principal est conceptuellement de faire de l’homme un robot… ».
    Roger Cuppens nous gratifie donc d’un beau livre, pas seulement de géométrie avec Cabri, ni de géométrie tout court, mais encore de culture et de formation intellectuelle.

Question : Dans notre enseignement des maths, où est le fondamental ? … En des endroits divers sans doute… Que ceux traditionnellement visités ne nous fassent pas ignorer les autres…

 

Notes

[1Autres brochures APMEP de Roger CUPPENS, sur la géométrie avec Cabri-Géomètre : cf. plaquette VISAGES n°124-125 et 137-138.

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