Dans l’école de demain : des mathématiques laïques

Suite aux conclusions de la commission Stasi et à l’annonce d’une loi interdisant le port des signes religieux dans les établissements scolaires, il appartient à chacun de nous d’analyser le bien-fondé de cette décision. Mais quel éclairage notre discipline peut-elle apporter, car l’APMEP milite pour une école dont l’ambition est de donner la meilleure formation possible au plus grand nombre d’élèves, donc de facto au citoyen de demain, et en même temps de rendre l’homme meilleur en lui montrant la puissance de travail de l’esprit, de la réflexion et du raisonnement qui doivent se substituer à l’acte mimétique.

Il ne s’agit pas de jeter le voile sur les mathématiques... qui malheureusement pour bon nombre de nos concitoyens semblent être une science obscure, mais plutôt à en soulever un coin afin d’en montrer toute la beauté. Car, voilà bien un lieu de pensée où il ne suffit pas de décréter une loi, qu’elle soit républicaine ou bien divine, ou bien d’être le plus persuasif ou le plus fort, pour pouvoir imposer son idée ou son dogme, de manière irrévocable.

Permettez-moi d’illustrer mon propos par un souvenir, celui de mon premier problème ayant aiguisé mon appétit pour les mathématiques : j’entends encore mon « prof » dire, à la suite d’une leçon sur la bissectrice, qu’il n’est pas possible de partager un angle, à la règle et au compas, en trois angles égaux ; et moi, dans un orgueil mal placé d’adolescent, j’ai cherché vainement un procédé pour lui prouver le contraire, il faut dire que j’avais la foi en mes compétences mathématiques. Recherche vaine ou vaine recherche. Cela, je ne l’appris que l’année suivante en 4ème, lorsque je suis allé chercher de l’aide auprès de mon professeur et qu’il m’a annoncé le terrible verdict : « il a été démontré (par Wantzel) que le problème de la trisection de l’angle est insoluble à la règle et au compas ». Démontrer, cela voulait dire que je pouvais m’arrêter de chercher car nous avions une preuve irréfutable de cette impossibilité. Et aucune religion, dont je ne conteste aucunement le bien fondé et les vérités divines, ne pourra s’ériger et aller à l’encontre de cela en voulant m’enseigner le contraire.

Dois-je vous rappeler que l’APMEP prône, pour notre enseignement des mathématiques, qu’un égal intérêt soit porté aux huit moments d’une vraie formation scientifique ? Heureusement qu’ils sont huit, nos chers moments de l’activité mathématique, car s’ils avaient été dix... Mais ma foi en la laïcité des mathématiques me permet d’espérer que nous les graverons et les brandirons tous dans nos classes comme des tables de vérités au travers de nos activités, de nos cours, des IdD, TPE et autres PPCP...

Car cela est bien le but ultime de notre enseignement que d’étendre au-delà des choses enseignées le champ de la connaissance humaine.

Ecoutons le général Didion décrivant une anecdote survenue à Saint-Avold au jeune Poncelet alors qu’il n’était encore qu’adolescent :

« Les souterrains de la ville étaient la terreur de beaucoup de gens du pays. Personne n’osait y pénétrer et il s’y passait, assurait-on, des choses aussi effrayantes que mystérieuses. Poncelet, jeune déjà, ne pouvait tolérer ni les mystères ni les préjugés. Il résolut donc de sonder le mystère. [...] Il excita le courage de ses petits compagnons, les décida à tenter une entreprise d’exploration et se chargea de guider leurs pas. [...] Il les conduisit sous les longues et obscures voûtes, qui n’étaient que des galeries de mines abandonnées depuis longtemps. [...] Il s’était muni de papier, et y traçait au crayon le chemin qu’il suivait. [...] La raison dominant la peur, il ramènera au jour sa petite troupe après six longues heures d’excursion souterraine. »

Peut-on imaginer une meilleure illustration de la raison triomphant des ténèbres, grâce à une méthode de découverte géométrique ?

Pour conclure, je rapporte les propos que Poncelet a prononcés aux artistes et ouvriers messins (nos actuels artisans, contremaîtres et ouvriers), à la fin des séances du « cours du soir » de mécanique industrielle qu’il leur donna de 1827 à 1829 à l’Ecole d’application de l’artillerie et du génie de Metz : « Mais du moins nos leçons auront servi à vous prémunir contre les chimères, contre les rêveries d’une imagination déréglée qui, manquant des principes sûrs de la science, se croit appelée à enfanter des prodiges. [...] Elles vous auront prémuni, ces leçons, contre le charlatanisme des brevets, des assurances d’une foule de prétendus perfectionnements, de prétendues inventions que n’a point encore sanctionnées l’expérience, et dont souvent vous apercevez le ridicule ; elles vous mettront en état de distinguer, après un examen convenable, ce qui est bon et véritablement utile de ce qui ne l’est pas ; elles vous convaincront enfin que les arts se perfectionnent graduellement, que les découvertes qui excitent notre siècle ont été amenées par d’autres découvertes analogues et ont souvent coûté le travail d’une vie laborieuse toute entière, même celui de plusieurs générations successives, pour arriver au point de perfection où nous les voyons ».

Puissions-nous militer pour que les mathématiques, et les sciences en général, participent de manière essentielle à la formation du futur citoyen afin de développer son esprit scientifique pour combattre la montée des intégrismes de toutes sortes.

Puisse l’APMEP être porteuse de ces propos et faire qu’ils sous-tendent le débat actuel sur l’avenir de notre école et donc sur la construction de notre société de demain.

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