Bulletin Vert n°511
novembre — décembre 2014
Des mathématiques pour enseigner ? Quelle influence les connaissances mathématiques des enseignants ont-elles sur leur enseignement à l’école primaire ?
par Stéphane Clivaz
Éditions La pensée sauvage
308 pages en 14 × 22, prix : 29 €, ISBN : 978-2-85919-296-9
Le sujet de cet ouvrage de recherche en didactique des mathématiques est clairement indiqué par le sous-titre. Il s’agit d’une réécriture de la thèse de l’auteur (université de Genève, 2011).
Dans une longue Introduction, intitulée Quelles connaissances mathématiques pour enseigner ? Une question ouverte , l’auteur pose et affine les questions, précise son vocabulaire et ses références : le français Brousseau, l’américain Ball et bien d’autres. Il s’appuie ensuite sur deux dispositifs bien distincts : d’une part, interrogation de 16 enseignants de deux écoles du canton de Vaud, en Suisse romande, et mise en regard de leurs réponses avec une étude préexistante, de l’américaine Liping Ma ; c’est la Partie 1 : les connaissances mathématiques des enseignants vaudois comparées à celles des enseignants chinois ou étatsuniens.
D’autre part, suivi minutieux de quatre autres enseignants, toujours du canton de Vaud, avec séances filmées et entretiens préalables et postérieurs, sur le thème exclusif de l’algorithme de la multiplication à deux chiffres ; cette étude est divisée en trois parties : Partie 2 : Quelle influence les connaissances mathématiques des enseignants ont elles sur leur enseignement de l’algorithme de la multiplication ?
Partie 3 : Quel lien entre connaissance mathématiques, bifurcations didactiques et pertinence ?
Partie 4 : Quelle est la corrélation entre les connaissances mathématiques pour l’enseignement et la pertinence mathématique ?
Dans sa Conclusion, l’auteur fait la synthèse des résultats, et aborde la question de ce que devrait être la formation des enseignants, initiale et continue.
L’ouvrage est complété par une volumineuse bibliographie, et des compléments en ligne (http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17047)
Dans ce livre, les considérations théoriques, au vocabulaire spécialisé mais néanmoins compréhensible par tous avec un peu d’attention, alternent avec des récits de séances en classe et d’entretiens, avec transcription mot-à- mot, extrêmement vivants et évocateurs.
Les nombreuses citations en anglais sont toujours traduites. Le lectorat potentiel ne se réduit donc pas aux spécialistes, mais peut englober quiconque s’intéresse de près aux premières étapes de l’éducation mathématique.
Au passage, il s’interrogera sur les conditions d’enseignement en Chine : spécialisation dès le primaire, 3 heures de cours par jour, salle disciplinaire pour travail en commun, formation continue intégrée à la vie quotidienne... mais classes de 40 à 50 élèves !
La faiblesse numérique des échantillons considérés ne permet pas de généralisation statistique ; mais les observations tendent à confirmer que la manière d’enseigner, la rigueur, la liberté d’initiative pédagogique, sont liées au niveau réel de connaissances mathématiques de l’enseignant (indépendamment des diplômes acquis et des cursus suivis). Est posé le problème des professeurs d’école qui n’ont aucune pratique mathématique depuis leurs études secondaires.
L’accent est mis sur l’opposition entre explication conceptuelle et compréhension procédurale. La mesure de l’efficacité des enseignements, à travers les performances comparées des élèves, est malheureusement évacuée vers d’autres études ; il est seulement noté que les connaissances des enseignants sur l’enseignement des mathématiques sont corrélées positivement à la réussite des élèves aux tests PISA.
Bien sûr les systèmes éducatifs, les programmes et les manuels sont différents en Suisse et en France ; mais il y a assez de similitudes pour que nous puissions tirer de cette lecture des conclusions utiles.
Notons tout de même un certain nombre de coquilles ou petites erreurs, et un défaut d’édition (phrase coupée, page 146).