Bulletin Vert n°468
janvier — février 2007
Échanges entre CM2 et Sixièmes
Le collège où j’enseigne (Louise Weiss à Nozay dans l’Essonne) recrute sur trois écoles situées dans deux communes du 91. Connaissant la directrice de l’une d’entre elles, il a été facile d’être présentée à la collègue du CM2. Mes objectifs : mettre en place un échange régulier entre mes élèves de Sixième et ceux de CM2, favoriser une liaison CM2/Sixième inexistante en mathématiques. Suite à une sympathie réciproque lors de notre première rencontre a débuté une expérience qui, depuis, continue et s’enrichit…
La première année, nous nous sommes mises d’accord pour organiser un mini rallye en quatre manches (automne, hiver, printemps et finale), notre objectif commun étant la résolution de problèmes. Cela a nécessité des rencontres fréquentes pour élaborer les sujets (extraits de divers rallyes, aide des brochures Panoramaths) ; nous aurons pu voir comment aborder certaines notions, à quelles difficultés remédier et comment y remédier en CM2 puis en Sixième. Ceci n’est pas l’objet de cet article ! Nous avons poursuivi l’année suivante en ralliant des collègues de CM1 et en organisant des échanges réguliers de problèmes entre nos élèves. Ce sont ces échanges qui ont le plus motivé nos élèves d’où l’envie d’axer notre liaison dans ce sens. L’article va détailler ce qui s’est mis en place en 2005/2006 et qui se poursuit cette année.
Objectif : faire en sorte que les élèves se rencontrent pour faire des maths !
La première semaine de septembre, les CM2 ont réalisé des cartes d’identité collées sur trois affiches pour se présenter individuellement et ont rédigé une lettre dans laquelle ils proposent aux Sixièmes d’être leurs correspondants. Les affiches ont été exposées aux Sixièmes en cours de français (la collègue ayant adhéré au projet) ; les Sixièmes ont lu les « cartes d’identité » et chacun d’eux a choisi un(e) voire deux correspondant(e)s (il y a 30 élèves de CM2 pour 25 élèves de Sixième) en fonction surtout des traits de caractères et des pratiques extrascolaires décrits. La collègue de français a fait travailler les Sixièmes pour, qu’à leur tour, ils se présentent en quelques lignes ; en maths, je leur ai fait réaliser une frise qui encadrera leur présentation (cf. Annexe 2). Ces fiches seront adressées aux CM2 qui découvriront ainsi leur(s) correspondants.
Troisième semaine de septembre, les CM2 se déplacent au collège ; ils arrivent au moment de la récréation et sont très intimidés, les Sixièmes les attendent (pas peu fiers de jouer aux grands) et les binômes constitués sur papier se forment. Fin de la récré ; nous nous retrouvons dans l’unique salle du collège permettant aux 55 élèves d’être assis (chaise avec tablette intégrée). Je me présente aux CM2, ma collègue Françoise Coumes aux Sixièmes, puis nous distribuons le travail : un message codé (voir Annexe 3 extrait de jeux 6) à décoder par binôme. Une fois la consigne explicitée oralement, les binômes se mettent au travail… Les tables de multiplication ne sont pas toujours sues, des CM2 dépannent des Sixièmes et vice versa. Arrive assez vite une doléance des CM2, vite reprise par les Sixièmes : « la table des 12, on ne l’a pas apprise ». Certains binômes avaient commencé à l’écrire soit en posant les multiplications en colonne soit par addition réitérée ; un moment collectif permettra de voir la table des 12 comme le double de la table des 6 (notion qui sera reprise par la suite dans nos cours respectifs et qui permettra de revisiter les tables) et voir également 6 × 12 comme 6 × 10 + 6 × 2.
Ce message codé n’a pas été choisi au hasard : il permet de travailler les homonymes ; ma collègue de français poursuivra ce travail dans ses cours et ce sera l’occasion d’échanges écrits sur ce thème (cf. Annexe 1).
Nous ne voyons pas l’heure passer, les élèves non plus, assez surpris de devoir se quitter. Tous nous réclamerons régulièrement la date de la prochaine rencontre… En attendant, ils ont à coder un message pour leur correspondant (cf. Annexe 4) ; je vérifie l’orthographe du message à coder mais pas le codage, les CM2 s’en chargeront. Un élève de Sixième dont le frère est scolarisé dans l’école joue au facteur et permet d’échanger les productions.
Un premier bilan : des élèves qui n’ont pas vu le temps passer, qui s’étonnent d’avoir réfléchi autant sans se fatiguer et qui s’empressent de demander la date du prochain rendez-vous. C’est la possibilité de réviser (les tables de multiplication ici) sans que cela soit rébarbatif pour les « bons » (vive les brochures Jeux !).
Nous nous sommes retrouvés neuf fois au cours de l’année. Les thèmes abordés ont été :
- Autour du cube :
recherche des patrons de cube avec le matériel « polydron »/trouver les pièces du cube Soma (Jeux 5) et les dessiner sur papier pointé (travail sur la perspective et les calculs de volumes). - Trio infernal :
travail sur les quadrilatères. - Pentatexte :
recherche de tous les pentaminos puis élaboration et échange de pentatextes (voir article de François Drouin dans PLOT 4) avec comme messages des règles de calcul mental uniquement (voir Annexe 5). - Mots en vrac (extrait de Jeux 5)
pour réviser le vocabulaire de géométrie puis élaboration et échange de programmes de construction.
Tous les élèves ont un cahier classeur réservé à cet échange dans lequel sont rangés leurs brouillons (maths et français) et les écrits reçus de leurs correspondants.
Pour clôturer l’année, deux actions passionnantes mais toutes deux épuisantes pour les enseignantes !
Une sortie au salon des jeux (voir PLOT 9) pour les deux classes. Nous avions élaboré plusieurs parcours dans le salon et réservé quelques stands : celui de l’APMEP a eu beaucoup de succès ! Une grande satisfaction : des élèves ont convaincu leurs parents d’y retourner le week-end.
Une soirée (3 heures intenses) avec toutes les familles (sauf une, soit 54 familles représentées), la visite de la Principale du collège et de la directrice de l’école au cours de laquelle les élèves ont fait « jouer » les adultes présents avec les différentes activités proposées tout au long de l’année : chaque binôme avait la responsabilité d’un stand durant 30 minutes (affiches et consignes réalisées par les CM2 dans le cadre du B2i). Les parents ont joué le jeu, acceptant parfois de ne pas trouver (trio infernal, pentatexte) mais découvrant une autre façon de faire des maths. Les élèves étaient manifestement heureux de voir leurs parents ne pas trouver du premier coup ; pour certaines familles, c’était peut-être même la première occasion de jouer ensemble…
Étaient exposés des classeurs d’élèves avec les échanges de l’année, les productions réalisées en français ; les photos prises au cours de l’année (mises régulièrement sur le site du collège) défilaient sur l’écran de mon portable.
Bilan : beaucoup, parfois trop d’énergie nécessaire pour mener à bout ce projet mais que de récompenses ! Des élèves motivés, des maths pour le plaisir, des parents impliqués, des échanges écrits entre élèves, … Si bien que nous recommençons cette année avec des activités différentes de sorte que les CM2 passés en Sixième n’aient pas l’impression de « redoubler » avec en parallèle le « Mathador (voir PLOT 13) qui concerne plusieurs Sixièmes et bientôt les CM1 (lorsqu’ils auront abordé la division). Les idées ne manquent pas, les brochures de l’APMEP et des IREM constituent un vivier très riche.
Annexe 1
Dans le cadre de cet échange CM2/Sixième, voici un exemple du travail mené avec Céline Caruel, professeur de français, à la suite du message codé faisant intervenir des homonymes.
Première étape (Lecture) : lecture avec les élèves des extraits du livre « Contes du miroir » de Yak Rivais (Éditions école des loisirs). Les élèves ont eu à trouver la règle du jeu sur laquelle l’auteur a bâti son texte : les mots figurant en capitales d’imprimerie sont mal orthographiés. Pour reconstituer le texte d’origine, il faut choisir l’homophone qui convient.
Exemple : Il était une FOIE un bûcheron qui avait SCIES enfants.
Deuxième étape (Orthographe) : les extraits étudiés ont été réécrits avec les homophones qui conviennent.
Troisième étape ( Création) : chaque élève rédige un conte très bref puis remplace certains mots par l’un de ses homophones, qu’il écrit en capitales d’imprimerie. Ce travail peut se faire à l’aide d’un traitement de textes.
Le texte est adressé au correspondant, précédé de la consigne suivante : « Pour chaque mot en capitales d’imprimerie, trouve l’homophone qui convient. Tu découvriras ainsi le conte que j’ai inventé. ». L’élève émetteur signale les éventuelles erreurs de la version proposée par son correspondant et délivre la version correcte. Dans certains cas, on peut illustrer le texte par un dessin qui prendrait en considération l’homophone erroné : l’absurdité — parfois amusante — du texte est alors évidente.