Bulletin Vert n°467
novembre — décembre 2006
Éditorial du Bulletin 467
Aurons-nous encore des médailles Fields ?
Au mois d’août, à Madrid, a été décernée la médaille Fields [1]. Un de ses lauréats, il y en a eu quatre cette année, Wendelin Werner, est français. Depuis 1924, c’est le neuvième français à se voir remettre cette distinction. Les médias se sont alors empressés de mettre en avant l’excellence de l’école mathématique française. Mais Wendelin Werner a trente cinq ans ! Sa formation mathématique remonte à une vingtaine d’années. À cette époque, il a très certainement bénéficié de neuf heures de mathématiques, en terminale C. C’est pourquoi nous pouvons légitimement nous poser la question « Aurons-nous encore des médailles Fields ? ».
Les horaires de mathématiques fondent au collège comme au lycée. Entre le lycéen qu’a été Wendelin Werner et le lycéen de 2007, il y a presque deux années de formation mathématique d’écart. La conséquence la plus visible est « le brouillard algébrique », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Richeton, dans lequel baignent nos élèves. Des erreurs, telles celle-ci $\frac{2 (x-1) + 3} {(x-1)^2} = \frac{2+3} {x-1}$ sont de plus en plus fréquentes, y compris chez les élèves de première S. Mais ce qui est plus grave, est la peur de l’échec qu’éprouvent nos élèves face aux mathématiques dans les études supérieures. Nous devons retrouver des conditions d’enseignement où il est possible de prendre son temps et ce dès le collège. Déshabiller Paul pour habiller Jacques n’est pas la solution. C’est pourtant ce que vivent les collègues de collège avec les parcours personnels de réussite éducative.
Cela fait plusieurs années maintenant que nous demandons en seconde la création d’une option sciences. Ce n’est certes pas le remède à tous les maux, mais elle apporterait une bouffée d’oxygène, un début de réponse rapide et facile à mettre en place, à un moment crucial de la scolarité. Soutenue par le collectif Action Sciences, elle est depuis trois ans expérimentée à grande échelle principalement dans l’académie de Montpellier (35 établissements en 2006–2007). Obtenir sa généralisation est l’un des objectifs forts de l’APMEP. Elle semblait envisageable à court terme, mais des oppositions, en particulier de l’inspection générale de physique, ont vu le jour et la freinent.
Pourtant cette option s’adresse à tous les élèves intéressés par les sciences, même s’ils ne sont pas déjà déterminés ou passionnés, mais qui sont « curieux » et souhaitent exercer cette curiosité tout en développant leurs qualités d’imagination et de créativité. Elle est conçue pour leur permettre de mettre en œuvre et de consolider les compétences sollicitées dans les démarches scientifiques, de prendre confiance en eux. Il s’agit de permettre aux élèves de s’orienter de manière positive vers les sciences ou, s’ils ne se dirigent pas vers des études scientifiques, à avoir tout au moins une image positive de la science. Cette option pourrait être l’occasion d’affermir un projet et de convaincre des familles quelquefois indécises à engager leurs enfants vers des études réputées difficiles.
L’expérimentation, menée donc dans plus d’une trentaine d’établissements sur l’académie de Montpellier, est de taille statistique significative. Or les premières années ont amené à constater que les jeunes filles, effrayées par les options scientifiques M.P.I (mesures physiques industrielles) et surtout I.S.I (initiation aux sciences de l’ingénieur), se tournent volontiers vers l’option sciences plus généraliste. C’est de bon augure dans l’optique d’un meilleur équilibre filles-garçons dans les études scientifiques. Cela nous donne un argument supplémentaire dans le contexte actuel d’effondrement des effectifs dans les études scientifiques, délaissées massivement par les filles qui préfèrent se diriger vers les études médicales.
Face à la désaffection actuelle des filières scientifiques et pour donner envie aux élèves de poursuivre dans la voie scientifique, nous sommes en effet convaincus qu’un élève qui aura eu le temps de prendre goût à la recherche, qui sera capable de prendre des initiatives, de conjecturer, de s’autocritiquer, .… sera plus armé pour la suite de ses études scientifiques qu’un élève habitué à n’avoir en tête qu’un catalogue d’exercices stéréotypés. Il ne faut pas se voiler la face, ce n’est pas avec les horaires actuels que nous pouvons former nos élèves aux huit moments [2] d’une vraie formation mathématique tels que les avaient préconisés des militants de l’APMEP, il y a bien longtemps…, quand on avait encore 4 heures au collège, dans toutes les classes, quelquefois même dédoublées…
Le dossier de ce bulletin porte sur l’option sciences. Nous l’avons conçu pour vous donner un aperçu de ce qui s’y fait et peut-être vous donner envie à vous aussi de soutenir ce dispositif ou d’essayer de créer une option sciences dans votre établissement.