JN 2004 — Orléans
Le discours d’ouverture
du président de l’APMEP
Un grand merci aux organisateurs ...
Puisque le thème de ces journées est « mathématiques et environnement », parlons des mathématiques et de l’environnement dans lequel nous devons les faire évoluer.
Faut-il enseigner les mathématiques ? Blaise PASCAL disait que « la vie n’est bonne qu’à étudier et à enseigner les mathématiques [1] ». Évidemment, sans être aussi catégorique, vous êtes tous convaincus, comme PASCAL, du moins je l’espère, de la nécessité de les enseigner. Les supprimer de tout cursus scolaire serait une énorme erreur, dans un monde où les mathématiques, et la science en général, sont omniprésentes. Mais, avez-vous remarqué que l’environnement médiatique n’est pas favorable à notre enseignement ? Récemment, un grand hebdomadaire a présenté les mathématiques comme « l’outil le plus impitoyable d’une sélection qui ne dit pas son nom ». On a même pu lire, dans une revue pour adolescentes de 12 à 16 ans, la chose suivante : « Avec le bloc scientifique, ce n’est d’ailleurs pas l’intelligence qui est à l’honneur : des neuneus peuvent exceller en sciences, alors que dans les matières littéraires, pour eux, c’est la misère . . . » et plus loin, « avec mon 15 de moyenne en maths, je peux t’apprendre à faire le robot » ! Les auteurs de ces lignes me font penser à BOUVARD et PÉCUCHET, pour qui, les mathématiques dessèchent le cœur, mais aussi pour qui la littérature occupe les oisifs. Il est, d’ailleurs de bon ton, dans certaines sphères, d’exhiber son ignorance en mathématiques. Un ancien ministre de l’Éducation Nationale était même fier, paraît-il, de ne pas savoir résoudre l’équation 2x+3 = 5 ! ! !
Puisque nous venons de l’évoquer, parlons maintenant de l’environnement politique. Comme l’APMEP le dénonce depuis un certain temps, les horaires ne sont pas en adéquation avec les programmes. Il devient de plus en plus dur de faire correctement notre métier d’enseignant de mathématiques. Et alors que l’introduction de nouvelles technologies rend la formation continue encore plus nécessaire, les Instituts de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques sont menacés de disparition par une certaine pollution économique. Certes, cette pollution est encore limitée à l’académie de Nantes, mais nous devons la combattre afin de l’empêcher de s’étendre à tout le territoire.
Notre ministre se pose « la question du temps de formation. La nouvelle loi qu’il avait défendue et fait voter au Parlement, avant qu’il ne devienne notre ministre, permet aux salariés du privé de se former en partie en dehors de leur temps de travail en bénéficiant d’une indemnité ». Pour sa nouvelle loi d’orientation, il veut « s’inspirer de cet accord interprofessionnel signé par l’ensemble des syndicats du privé ». Je répondrais : « chiche ! ».
Mais les discours ne suffisent pas, nous attendons des actes. Les journées de l’APMEP, par exemple, ne sont-elles pas « un temps de formation en dehors de notre temps de travail » ? Si oui, pourquoi sont-elles si difficilement reconnues comme telle ? Pourquoi avons-nous tant de mal à obtenir un ordre de mission ? Et l’obtient-on encore ? Sans même parler de remboursement de frais !
L’environnement scolaire n’est guère plus accueillant. Citons trois exemples.
Les mathématiques ont encore du mal à pousser sur le terrain des IDD et des TPE. Il faut souvent se battre pour imposer des sujets où elles occupent une place à part entière.
Les bacheliers S, stressés et très souvent écoeurés par l’ingurgitation d’un programme riche en un temps trop court, se détournent souvent des études scientifiques.
Un temps supprimées des séries L, les mathématiques tentent d’y refaire leur apparition, mais la repousse est difficile, le terrain, là encore, guère propice. Certains chefs d’établissement s’arrangent pour ne pas proposer l’option, pourtant obligatoire, aux littéraires, dans la seule optique d’économiser quelques heures. Il est vrai que la mode est à la gestion « bon père de famille » si chère à Bercy. Mais que l’on prenne garde, comme le disait GALILÉE, « La mathématique est une science dangereuse : elle dévoile les supercheries et les erreurs de calcul ».
Et pourtant, malgré ces environnements hostiles, les mathématiques se portent plutôt bien. Et je ne connais guère de matières où les enseignants sont aussi dynamiques. Que l’on en juge :
En collège et en lycée, chaque année, de nombreuses activités mathématiques sont proposées aux élèves.
MATh.en.JEANS existe depuis 1989. Le « Kangourou » existe depuis 1991. 410 000 élèves, dans 5000 établissements y ont participé, en 2004. Le championnat de la Fédération Française de Jeux Mathématiques et Logiques a, quant à lui rassemblé 100 000 participants. Des rallyes mathématiques sont organisé dans plusieurs académies et connaissent, eux aussi, un très vif succès. Des olympiades académiques sont proposées aux élèves des séries S depuis 2001.
À ces activités, s’ajoutent de nombreuses initiatives locales : promenades mathématiques, journées des mathématiques, expositions de travaux d’élèves, et j’en passe. L’APMEP, souvent à leur origine, soutient, évidemment, chacune de ces actions, quand elle n’y participe pas directement.
Pour faire face à la désaffection pour les études scientifiques, en accord avec d’autres associations de scientifiques, l’APMEP propose une option sciences en classe de seconde. Cette option fonctionne déjà, avec un grand succès, dans plusieurs académies. Nous continuerons à tout faire pour que les élèves puissent avoir le choix de cette option dans tous les lycées.
Pour étudier les connaissances réelles des élèves, l’APMEP s’est dotée d’un observatoire : EVAPM, reconnu par nos institutions pour le sérieux de son travail.
Plus généralement, les mathématiques ne se sont jamais autant exposées. De nombreux livres sur notre matière paraissent chaque année. Certains deviennent même des best-seller, ce qui prouve, si besoin en est, que les mathématiques, loin de dessécher le coeur, intéressent le grand public. Les revues mathématiques connaissent, elles aussi, un vif succès : tangente, quadrature, numéros spéciaux de « pour la science », « la recherche ». Devant le nombre de plus en plus grandissant d’ouvrages mathématiques, l’APMEP, en partenariat avec l’ADIREM et l’ARDM, a créé une base de données : PUBLIMATH, accessible sur le net. Environ 6000 fiches sont actuellement en lignes. Le nombre de connexions à ce site est impressionnant.
Enfin, la réputation des mathématiques françaises n’est plus à faire à l’étranger. La dernière médaille FIELDS a été attribuée à Laurent LAFFORGUES en 2002. En 2003, Guy BROUSSEAU a obtenu la médaille Félix KLEIN, et Jean Pierre SERRE le prix ABEL. André DELEDICQ a reçu cette année le prix ERDOS, pour le Kangourou.
Ce tableau, évidemment incomplet, montre le dynamisme de notre profession. Il faut s’en féliciter. Un grand hebdomadaire a fait dire à l’un de nos collègues : « Je suis prof de maths, mais je me soigne ». Prof de maths n’est pas une maladie honteuse. Je lui rétorque et clame bien haut : « Je suis prof de maths et fier de l’être ».
Je vous souhaite de bonnes journées de l’APMEP.