Bulletin Vert no 460
septembre — octobre 2005

Enseigner et apprendre dans la « société du savoir » : enjeux et questions…

Bernard Cornu [1]

 

Le comité scientifique des IREM s’est penché lors de sa séance du 3 décembre 2004 sur les « Mathématiques en ligne ». Le fascicule issu de cette rencontre est disponible dans les IREM et sur la rubrique « Comité scientifique » du portail des IREM. L’un des intervenants, Bernard CORNU, chargé de mission TICE à l’INRP, a précisé les profonds bouleversements qu’induisent les technologies de l’information et de la communication dans la société tout entière, et particulièrement dans les façons d’enseigner et d’apprendre. Si l’article dépasse le cadre de l’enseignement des mathématiques, les processus qu’il décrit s’y appliquent entièrement.
Merci à Bernard Cornu et au Comité Scientifique des IREM d’avoir autorisé cette publication.

G. Kuntz

 

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ne se réduisent pas, au sein de l’école, à de simples outils et ressources technologiques pour mieux enseigner et pour mieux apprendre. Elles induisent des changements profonds dans la société, dans l’éducation, dans les savoirs, dans l’accès aux savoirs, dans l’apprentissage, dans le métier d’enseignant. Ce sont certains de ces changements profonds que nous allons évoquer ici. Ils conduisent à ce que certains appellent une « société du savoir », qui pose de nouvelles questions, notamment à l’enseignement et aux enseignants.
Les TIC, résultat du développement simultané du traitement de l’information et du transport de l’information, introduisent dans les savoirs des concepts comme ceux d’interactivité, de multimédia, d’hypermédia, etc. Le savoir, digitalisé, devient surabondant, il est dynamique et interactif. Mais les TIC peuvent conduire à confondre savoir et information. Il convient de préciser ces notions.
Enfin, les TIC nous imposent de préciser la conception que nous avons de l’école, de l’enseignement, de l’apprentissage, du métier d’enseignant. Dans son rapport à l’UNESCO intitulé « L’éducation, un trésor est caché dedans » (Odile Jacob, 1996), la commission pour l’éducation au XXIe siècle, présidée par Jacques Delors, proposait quatre « piliers » de l’éducation : apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble, apprendre à être. Ce sont des enjeux majeurs dans la « société du savoir ».

1. Information, savoir et connaissance

1.1. À partir du cours de Michel Develay (dans le « campus numérique FORSE »), on peut proposer les définitions suivantes :

  • L’information est extérieure au sujet. « Elle désigne des faits, des commentaires, des opinions rassemblés sous la forme de mots, d’images, de sons ». On peut la stocker, la faire circuler, l’acheter, …
  • La connaissance dépend du sujet et lui est personnelle. Elle est « le produit de la reconstruction par le sujet, en fonction de son histoire, du contexte, des informations qu’il a prélevées ». La connaissance est quelque chose que l’on a appris, que l’on a acquis.
  • Le savoir est une notion plus globale, un ensemble structuré de connaissances, s’appuyant sur un cadre théorique. C’est « une construction qui prend appui sur les connaissances et les transforme par l’élaboration et l’usage d’une formalisation théorique ».
    Les TIC donnent accès à l’information, traitent l’information ; mais elles ne peuvent faciliter l’accès au savoir que dans le cadre d’un processus d’apprentissage.

1.2. L’UNESCO invite à distinguer les notions de « société de l’information » et de « société du savoir », cette dernière incluant une dimension humaine que la première n’a pas :

  • Société de l’information : une société où l’information est une marchandise possédant de la valeur, que l’on peut échanger, acheter, vendre, stocker, transporter, traiter. La société de l’information est technologique, technocratique. La société de l’information est celle du fossé numérique [2].
  • Société du savoir : elle doit être humaine, répondre aux aspirations des hommes, permettre plus de justice, de solidarité, de démocratie, de paix. Ce sont les enjeux humains, sociaux, culturels, politiques qu’il faut prendre en compte pour une société du savoir. La société du savoir s’intéresse aux contenus plutôt qu’à la connectivité, à l’usage du savoir plutôt qu’à son stockage.
    C’est donc bien dans la « société du savoir » que nous situons la réflexion sur les nouveaux enjeux de l’enseignement et de l’apprentissage.

1.3. On ne peut confondre « savoirs » et « disciplines ». Les disciplines, notamment celles de l’école, avec leurs programmes, ne suffisent pas à répondre aux grandes questions du monde actuel. La société du savoir doit prendre en compte, outre les disciplines, une approche plus transversale, plus complexe. À titre d’illustration, on peut citer l’ouvrage d’Edgar Morin : « Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur » (Le Seuil, 1999), qui propose sept composantes pour l’enseignement :

  1. Enseigner les cécités de la connaissance : l’erreur et l’illusion. Faire connaître ce qu’est connaître.
  2. Enseigner les principes d’une connaissance pertinente. Saisir les problèmes globaux et fondamentaux pour y inscrire les connaissances partielles et locales. Saisir les objets dans leurs contextes, leurs complexes, leurs ensembles.
  3. Enseigner la condition humaine. Enseigner l’unité et la complexité de la nature humaine. Reconnaître l’unité et la complexité humaines en rassemblant et en organisant des connaissances dispersées dans les sciences de la nature, les sciences humaines, la littérature et la philosophie.
  4. Enseigner l’identité terrienne. Enseigner l’histoire de l’ère planétaire ; montrer comment sont devenues inter-solidaires toutes les parties du monde.
  5. Affronter les incertitudes. Les sciences ont fait acquérir beaucoup de certitudes, mais ont révélé d’innombrables incertitudes. Affronter les aléas, l’inattendu et l’incertain.
  6. Enseigner la compréhension, la compréhension mutuelle entre êtres humains.
  7. Enseigner l’éthique du genre humain. Réaliser la citoyenneté terrienne. Établir une relation de contrôle mutuel entre la société et les individus par la démocratie, accomplir l’Humanité comme communauté planétaire.

On peut aussi mentionner le récent rapport de Pierre-André Périssol (Assemblée Nationale, 13 avril 2005) sur « La définition des savoirs enseignés à l’école ». Ce rapport invite à ne pas opposer connaissances et compétences, et il indique que « l’approche par les disciplines n’est pas pertinente », car « elle résiste à l’adaptation rapide et constante des savoirs » et « elle laisse en outre peu de place aux finalités explicitées en termes de compétences ».
Cela ne signifie pas qu’il faille abandonner les disciplines, bien évidemment. Mais dans la société du savoir, la somme des disciplines ne saurait suffire pour définir les savoirs. La société du savoir est celle de la complexité des savoirs.

2. Une société en réseau

L’un des changements majeurs apportés par les TIC est la structuration en réseau. Nous sommes habitués à des structures arborescentes, pyramidales, hiérarchiques, nous accédons à des informations, ou nous entrons en contact avec des personnes, le plus souvent par des processus arborescents. Les TIC, et l’Internet en est l’exemple le plus frappant, nous permettent de circuler au sein de réseaux : ensembles de « sommets » reliés par des « arêtes » (par exemple, l’ensemble des pages web, reliées par la possibilité de passer de l’une à l’autre par un « clic »).
Un réseau possède un certain nombre de propriétés essentielles. Généralement, le chemin pour aller d’un sommet à un autre n’est pas unique ; il y a un grand nombre de possibilités, alors que dans une structure arborescente, le chemin d’un sommet à un autre est unique (la « voie hiérarchique »). Ainsi, si l’on n’est pas satisfait par un chemin, on peut en trouver un autre. Un réseau peut être en évolution constante : il s’enrichit, se complexifie en permanence. Bien entendu, un réseau n’est pas exempt de hiérarchies ; des sous-réseaux peuvent se constituer, des hiérarchies s’installer. La communication en réseau fait passer de la communication « un vers un » (dialogue) ou « un vers tous » (comme dans les média traditionnels) au « tous vers tous ».
Cela a de nombreuses conséquences. Non seulement l’accès à l’information se fait désormais en réseau, mais la structure de réseau devient centrale. Comment imaginer alors que, dans une société où le savoir se transmet et s’acquiert en réseau, un système éducatif puisse rester organisé de façon totalement hiérarchique et arborescente ? La relation entre élèves, entre élèves et enseignants, entre les divers acteurs du système éducatif, ne peut plus être seulement de type « hiérarchique », elle devra s’adapter au « réseau ». La structure de réseau transforme (avec des aspects positifs et des aspects négatifs) la société, l’économie, la vie sociale, les loisirs, et bien entendu l’éducation : les savoirs eux-mêmes, l’accès aux savoirs, l’organisation de l’école, du système éducatif, l’enseignement et l’apprentissage, le métier d’enseignant, etc.
Au delà du travail plus collaboratif, la société en réseau crée un espace « d’intelligence collective ».

3. Intelligence collective

Les TIC, en transformant la communication, l’accès à l’information et le partage d’informations, en induisant un travail en réseau, favorisent le développement d’une « intelligence collective ». L’intelligence d’un groupe ne se réduit pas à la somme ou à la juxtaposition des intelligences de ses membres. La dimension collective ajoute une part d’intelligence spécifique au groupe. Citons Pierre Lévy, qui a développé le concept d’intelligence collective : « …Une intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences  » (Pierre Lévy, L’intelligence collective, La Découverte, 1997), ou encore : « Internet est essentiellement un instrument, le plus récent qu’on ait trouvé, pour perfectionner notre intelligence par la coopération et l’échange… La vraie révolution d’Internet n’est pas du tout une révolution de machines, mais de communication entre les êtres humains… Internet est un instrument qui perfectionne notre capacité d’apprentissage et d’intelligence collective… Chaque communauté réalise tout d’un coup qu’elle est une des dimensions de la production de sens humain… Internet nous oblige à expérimenter de nouvelles manières d’être ensemble… L’éthique de l’intelligence collective, qui consiste à entrelacer les points de vue différents, se manifeste largement dans le cyberespace.  » (Pierre Lévy, 2000).
On peut également parler de travail collectif, d’apprentissage collectif, de mémoire collective, de compétence collective, de responsabilité collective. On peut considérer l’école comme un « système apprenant intelligent ».
Un exemple « à la mode » pour comprendre ce que peut être une intelligence collective qui ne se réduit pas à la somme d’intelligences individuelles est celui des fourmis. Individuellement, une fourmi a des capacités très limitées. Collectivement, les fourmis peuvent effectuer des tâches extrêmement complexes : construire des ponts, coopérer pour transporter des objets lourds, trouver le plus court chemin d’un point à un autre, réguler la température de la fourmilière, etc. Cela n’est pas le fruit d’un système hiérarchique (une fourmi qui saurait mieux que les autres et qui dirigerait les autres), mais d’un phénomène collectif, mis en œuvre par un processus de communication de chaque fourmi avec son environnement, la « stygmergie », au moyen de phéromones.
Les TIC, par les moyens nouveaux qu’elles mettent à notre disposition, permettent la mise en œuvre de processus d’intelligence collective.
L’école peut être un lieu d’intelligence collective, à condition de développer à la fois la dimension individuelle et la dimension collective dans l’enseignement et dans l’apprentissage. Cela nécessite que les enseignants aient non seulement une compétence individuelle, mais aussi une compétence collective. Il ne suffit pas que chaque enseignant soit compétent, il faut que les équipes d’enseignants soient collectivement compétentes et intelligentes !

4. Des exigences éthiques et déontologiques

Les transformations profondes de la société par les TIC rendent plus aiguës certaines questions déontologiques et éthiques, et en posent de nouvelles. L’école ne peut les esquiver, les enseignants doivent les prendre en compte. Les TIC, le réseau, la communication, posent désormais les questions à l’échelle mondiale, et non plus au niveau de tel ou tel pays. Les enjeux de l’éducation et de l’accès au savoir doivent être considérés à l’échelle de la planète. C’est ainsi par exemple que lors du Forum mondial sur l’éducation (Dakar, Sénégal, avril 2000), les pays de l’UNESCO ont réaffirmé l’exigence d’une « Éducation pour tous », accessible à tous et de qualité pour tous, et ont pris un ensemble d’engagements, comme celui-ci : « … nous nous engageons collectivement à assurer la réalisation des objectifs suivants : … Faire en sorte que d’ici 2015 tous les enfants, notamment les filles et les enfants en difficulté ou issus de minorités ethniques, aient la possibilité d’accéder à un enseignement primaire obligatoire et gratuit de qualité et de le suivre jusqu’à son terme ; …  ».
Et l’UNESCO indique que les TIC sont un outil majeur pour atteindre un tel objectif. Chaque enseignant et chaque équipe d’enseignants partagent la responsabilité d’un tel engagement.
Bien d’autres questions sont posées à l’école et aux enseignants. Celle par exemple de la « marchandisation » du savoir et de l’enseignement, de leur libéralisation, notamment sous l’effet des TIC. L’éducation devient un marché rentable ; cependant le savoir est un bien public, l’enseignement est un service public, et c’est aux enseignants de préserver ce bien et ce service, dans une « société du savoir ».
L’école prépare-t-elle des consommateurs ou des citoyens ?
La mondialisation est une autre question majeure, avec ses aspects positifs et ses aspects négatifs. Les enseignants ne peuvent échapper à cette question.
Les TIC risquent d’amplifier les écarts entre les plus riches et les plus pauvres, notamment avec la « fracture numérique ». Cette fracture concerne bien évidemment les pays, mais elle peut se produire aussi localement, dans chaque pays, dans chaque commune, dans chaque école. Un certain nombre de pays et de grandes villes du Monde viennent de créer un « Fonds Mondial de Solidarité Numérique » (inauguré à Genève en mars 2005), afin de tenter de réduire cette fracture. On peut citer à la fois des exemples où les TIC creusent les écarts, renforcent les inégalités et les injustices, notamment dans l’éducation, et des exemples où les TIC ont au contraire permis des avancées considérables dans l’accès de tous à l’éducation et au savoir. Michel Serres assure pour sa part qu’avec les TIC, « un nouvel humanisme universel se fait jour ; l’humanisme devient techniquement possible !  ».

5. L’enseignant, acteur de l’école du futur

L’évolution de la société, l’intégration des TIC, transforment également le rapport entre la société et l’école. Quelle est l’attitude de la société envers l’école, qu’attend- elle de l’école ? Quelles sont les missions et les objectifs assignés à l’école ? Quelle place, quel statut, quelle attractivité la société donne-t-elle au métier d’enseignant ? Dans la « société du savoir », ces questions se posent à nouveau de manière aiguë. Que deviendra l’école dans la société du savoir, les TIC vont-elles renforcer l’école ou au contraire la rendre moins utile ? L’ordinateur va-t-il détrôner l’enseignant ?
L’OCDE a tenté de proposer des réponses à ces questions. Elle a travaillé à l’horizon 2020, en considérant que le développement des TIC, l’évolution de la mission confiée à l’école par la société, et l’évolution du métier d’enseignant (avec notamment les risques de pénurie d’enseignants qui se manifestent déjà dans certains pays), sont des facteurs déterminants d’évolution de l’école. En particulier, l’école de demain est fortement conditionnée par les TIC, leur évolution, leur intégration dans la société et dans l’éducation. L’OCDE a ainsi élaboré des « scénarios pour l’école du futur » (L’école de demain : Quel avenir pour nos écoles ?, OCDE, 2001). Ces six scénarios sont les suivants :

  • a) Extrapolation du statu quo :
    Scénario 1 : « Systèmes scolaires bureaucratiques forts ». Les bureaucraties restent fortes, les institutions solides ; les « droits acquis » résistent au changement fondamental. L’école souffre de problèmes d’image et de ressources. Enseigner est considéré comme un « art individuel », une grande attention est portée au perfectionnement professionnel des enseignants.
    Scénario 2 : « Extension du modèle de marché » (développement de la concurrence). L’insatisfaction générale envers l’école conduit à remanier les systèmes publics de financement et de scolarisation ; on assiste à un essor de la valorisation et des mécanismes de validation fondés sur la demande, et à une plus
    grande diversité des prestataires et des professionnels. Cela provoque un creusement des inégalités. Apparaît une large palette de nouveaux professionnels de l’enseignement. Le marché de la formation est en plein essor. Les TIC jouent un rôle majeur dans ce scénario, permettant de nouvelles offres en réponse aux demandes.
  • b) « Rescolarisation » :
    Scénario 3 : « L’école au cœur de la collectivité » (renforcement du rôle de l’école dans la société, l’école est d’abord un lieu d’insertion sociale et de préparation des citoyens). L’école est au cœur de la collectivité et est considérée comme le centre de formation du capital social. Elle bénéficie d’une confiance marquée de l’opinion publique et d’un niveau élevé de financement public, on constate une plus grande équité sociale. Les enseignants jouissent d’un statut élevé, avec des dispositions contractuelles plus variées, une augmentation des rémunérations, et un rôle important des autres acteurs.
    Scénario 4 : « L’école comme organisation apprenante ciblée » (l’école est centrée sur les savoirs et leur transmission). L’école bénéficie d’un niveau élevé de confiance et de financement public ; les enseignants ont un rôle central, qualité et équité sont au cœur des préoccupations. Les enseignants ont un statut élevé, des rémunérations et des conditions de travail satisfaisantes ; le travail en réseau, les TIC, l’innovation, le perfectionnement professionnel, la recherche sont valorisés.
  • c) « Déscolarisation » :
    Scénario 5 : « Les réseaux d’apprenants et la société en réseau » (renforcement de la coopération). L’insatisfaction envers l’école s’est généralisée, on assiste à un rejet des systèmes scolaires organisés. Des « réseaux de formation » s’organisent dans la « société en réseau », facilités par les TIC ; la frontière entre enseignant et élève, parent et enseignant, enseignement et collectivité s’estompe. De nouveaux professionnels de l’enseignement apparaissent, recrutés par les opérateurs du marché en réseau (visites à domicile, assistance téléphonique, consultations à leur cabinet, …).
    Scénario 6 : « Exode des enseignants – la désintégration ». On assiste à une grave pénurie d’enseignants, l’école a atteint un niveau de crise et est menacée de « désintégration ». Les conditions de travail des enseignants se dégradent, le marché de « l’école à la maison » est en plein essor.

Bien entendu, ces scénarios ne sont pas la prédiction de l’avenir. Il s’agit des tendances déjà à l’œuvre, et ils invitent les acteurs du système, et donc les enseignants, à maîtriser le futur et à piloter l’évolution de l’école. N’attendons pas le futur comme une fatalité, mais engageons les actions qui permettront de maîtriser l’évolution de l’école dans la société du savoir et des TIC. Cela requiert de véritables compétences politiques pour les enseignants.
Et cela invite les enseignants, les pédagogues, les chercheurs et les innovateurs, à se préoccuper de l’institutionnalisation de leurs travaux, réflexions, expériences. Ceux- ci ne doivent pas rester dans le cercle fermé du milieu éducatif, mais doivent être transformés en « outils d’aide à la décision » pour les décideurs et les politiques. C’est au milieu éducatif que cette tâche incombe. À défaut, on verra se succéder décisions et réformes qui semblent méconnaître la réalité de l’éducation et son évolution, et les avancées de la recherche et de l’innovation.

6. Vers de nouvelles compétences ?

Dans sa réflexion en vue d’un « cadre commun européen de compétence des enseignants », la Commission européenne a souligné que le métier d’enseignant est à la fois une profession intellectuelle, une profession sociale et éthique, et une profession pratique, qui nécessite des compétences pour travailler avec des savoirs, des compétences pour travailler avec des personnes et des compétences pour travailler dans la société.
La société du savoir et les TIC imposent aux enseignants de nouvelles compétences, et notamment la compétence pour le travail collaboratif et le travail en équipe (pour mettre en œuvre et développer l’intelligence collective).
La compétence des enseignants ne peut être acquise une fois pour toutes. Elle doit être évolutive : l’enseignant doit avoir la « compétence à acquérir de nouvelles compétences » (en quelque sorte une forte « dérivée de la compétence » !).
L’enseignant doit être capable de gérer différemment le temps et l’espace de l’école (grâce aux TIC) et de mettre en œuvre des « pédagogies hybrides », combinant les activités en présence et les activités à distance, les activités en classe et les activités en petit groupe ou individuelles.
L’enseignant doit, pour lui-même et pour ses élèves, garder l’esprit de l’éducation et de la formation « tout au long de la vie ».
Non seulement l’enseignant doit posséder une grande diversité de compétences. Il doit aussi avoir une sorte d’aptitude à la diversité (diversité des élèves, des pédagogies, des outils et des ressources, diversité des accès aux savoirs, etc.).
Le métier d’enseignant doit plus que jamais être une profession ancrée dans une formation initiale supérieure fondée sur la recherche, qui requiert des compétences dans une perspective « tout au long de la vie » et un développement professionnel continu, en partenariat avec les acteurs de l’école.
L’enseignant doit posséder des compétences pour travailler avec des savoirs, … mais des savoirs en réseau, des savoirs dans leur complexité ; des compétences pour travailler avec des personnes … individuellement et collectivement, pour construire une « intelligence collective », et enfin des compétences pour travailler dans la société … une responsabilité sociale, politique, éthique.
Le métier d’enseignant est avant tout un métier de liberté intellectuelle, pour apprendre à connaître, apprendre à faire, apprendre à vivre ensemble, apprendre à être, dans la société de l’information, du savoir, de l’intelligence, de la complexité et de l’intelligence collective.

Éléments de bibliographie :

  • L’intelligence collective, Pierre Lévy, La Découverte, 1997, ISBN 2-7071-2693-4
  • Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Edgar Morin, Seuil, 2000, ISBN 2-02-041964-5
  • La « société de l’information » : Glossaire critique, La Documentation française, 2005, ISBN 2-11-005774-2
  • Quel avenir pour nos écoles ?, OCDE, 2001, ISBN 92-64-29526-7
  • Le nouveau métier d’enseignant, La Documentation Française, 2000, ISBN 2-11-004645-7
  • L’éducation, un trésor est caché dedans, Jacques Delors, Odile Jacob, 1996, ISBN 92-3-203274-0
  • Management et sciences cognitives, Alain Bouvier, PUF, 2004, ISBN 2-13-054255-7

 

Notes

[1Chargé de mission TICE, INRP. Mél : bernard.cornu@inrp.fr

[2C’est le fossé qui sépare de plus en plus ceux qui, ayant une culture de base suffisante, sont capables de se saisir des TIC pour se cultiver davantage, de ceux qui n’ayant pas ces compétences, se trouvent incapables d’en tirer parti.

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