Jean-Baptiste Delambre 1749 — 1822
Un Amiénois sur la Méridienne
La journée de la Régionale de Picardie a lieu cette année au lycée Michelis à Amiens. Amiens, capitale de la Picardie, est la ville qui a vu naître Jean-Baptiste Delambre, le 16 septembre 1749.
Il est le fils aîné d’un drapier (il changera son nom de famille de Lambre, qui viendrait de lambeau, en Delambre pour paraître moins aristocratique, au moment de la Révolution). Très jeune, il contracte la variole, ce qui manqua lui coûter la vie et lui laissa une vue très affaiblie, et des yeux extrêmement sensibles à la lumière.
Persuadé qu’il deviendra un jour aveugle, il dévore tous les livres qu’il peut trouver, exerçant sa mémoire à retenir des pages entières de ses lectures. Il étudie chez les Jésuites d’Amiens, où il apprend l’anglais, l’allemand et l’italien. Il publiera même un ouvrage Règles et méthodes faciles pour apprendre la langue anglaise.
Féru de littérature grecque et latine, sur les conseils de l’un de ses professeurs (des professeurs venus de Paris, recrutés par la ville d’Amiens, après l’expulsion des Jésuites du royaume et la fermeture de leurs collèges), il tente l’examen d’entrée au collège du Plessis, célèbre institution de Paris. Ne pouvant se relire à cause de sa mauvaise vue, il échoue.
Ses parents tentent de le faire revenir à Amiens, pour le faire entrer dans les ordres, comme il en avait eu l’intention initialement. Mais Delambre reste à Paris, sans un sou en poche, se nourrissant de pain et d’eau, étudiant le grec ancien, fréquentant hommes de lettres et gens du monde. Le siècle des Lumières est à son apogée.
Humaniste accompli, il ne vient aux sciences que tardivement.
Pour subvenir à ses besoins, il se place comme précepteur chez un noble de Compiègne et doit apprendre les mathématiques pour instruire le fils de celui-ci. Il revient à Paris pour être le précepteur du fils d’une personnalité d’alors, Geoffroy d’Assy, receveur général des finances. Il se fait appeler « abbé de Lambre ». Il vivra les trente années suivantes chez les d’Assy.
Passionné de littérature grecque, il étudie aussi les sciences des Grecs anciens et s’intéresse alors à l’astronomie moderne. Il lit le traité d’astronomie de Jérôme Lalande, et suit ses cours au Collège de France. Lalande est alors le plus célèbre astronome du pays, et a déjà pris sous son aile Pierre Méchain.
Alors que ce dernier entre à l’Académie des Sciences, Delambre devient l’assistant de Lalande en vue de la troisième édition de son « Traité d’astronomie ».
Au fil des années, la vue de Delambre s’est beaucoup améliorée. Ses yeux dépourvus de cils à la suite de sa maladie lui permettent un maniement plus aisé des lunettes astronomiques. En moins de dix ans, cet humaniste devient l’un des grands astronomes du pays. Calculateur hors pair, il produit de nouvelles tables de différents astres et planètes : Mercure, Saturne, Jupiter, le soleil, Uranus. Il est l’un des premiers à utiliser des formules analytiques pour ses calculs astronomiques.
Il obtient en 1789 le grand Prix de l’Académie pour son calcul d’orbite d’Uranus. Son bienfaiteur Geoffroy d’Assy lui fait élever un observatoire personnel sur le toit de leur hôtel particulier, situé dans le quartier du Marais, au 58bis, rue des Francs-bourgeois aujourd’hui, et qui est occupé maintenant par les Archives Nationales.
En 1791, il devient membre correspondant de la Royal Society et l’année suivante il est élu membre de l’Académie des sciences, dans la section mathématique, et il est à nouveau lauréat du grand prix de l’Académie.
C’est cette même année de 1792 qu’il est désigné pour effectuer avec Pierre Méchain une nouvelle mesure de l’arc de méridien compris entre Dunkerque et Barcelone (Cassini et Legendre ayant refusé la mission) pour établir une mesure rigoureuse du mètre, défini comme la 10 000 000 ième partie du quart de méridien terrestre.
Jean-Baptiste Delambre est chargé de la partie nord de l’arc de méridien, entre Dunkerque et Rodez, Méchain de la partie sud entre Rodez et Barcelone donc. Débute alors une aventure qui durera sept ans, périlleuse pour les deux hommes, qui se tiennent en haute estime et s’admirent, mais qui ne sont pas encore amis. Il leur faut parcourir la France en pleine révolution, et sous la pression des troupes des pays voisins venus défendre la royauté.
Delambre est arrêté plusieurs fois car il est suspecté d’envoyer des signaux aux troupes ennemies du haut de ses stations d’observation, et doit affronter la colère de la population de certains villages ou villes traversés au péril de sa vie.
Delambre est destitué de ses fonctions de l’opération de la méridienne en janvier 1794 sur ordre du Comité de salut public. C’est la Terreur. De grands savants pourtant révolutionnaires comme Lavoisier sont exécutés, Condorcet préfère se suicider plutôt que de tomber aux mains du tribunal révolutionnaire.
Après dix-huit mois d’interruption, la Convention vote la loi du 18 Germinal de l’an III (7 avril 1795) qui instaure le système métrique tel que nous le connaissons aujourd’hui, et autorise la reprise de l’opération de la méridienne.
Elle reprend donc le 28 juin 1795. Méchain et Delambre se trouvent de part et d’autre de Rodez à ce moment là, à quatre-vingts lieues environ (soit 320 km). Ils se retrouveront à Carcassonne en novembre 1798, après bien des tergiversations de Méchain, peu pressé de rentrer à Paris communiquer ses résultats, troublé par l’erreur qu’il a commise dans sa mesure de la latitude à Barcelone. Delambre l’ignore à ce
moment là.
Ils rentrent finalement ensemble à Paris présenter les résultats de sept années de labeur devant une conférence réunissant les plus grands savants de tous les pays de l’Europe occidentale, qui les attendent depuis déjà deux mois.
Accueillis en héros, c’est la gloire qui les attend. Delambre devient secrétaire perpétuel de l’Institut (nouveau nom de l’Académie), section mathématique, en 1803 et publie les trois volumes de l’ouvrage « la Base du système métrique décimal », chef-d’œuvre d’analyse et de rigueur scientifique.
Napoléon le fait chevalier de la Légion d’honneur. Delambre succède à Pierre Méchain, à la mort de celui-ci en 1804, au poste de directeur de l’Observatoire de Paris et à Jérôme Lalande, son maître, à la chaire d’Astronomie du Collège de France en 1807. Entre-temps, il a épousé sa compagne Elisabeth de Pommard, à l’âge de 55 ans.
Comblé d’honneurs, homme de grande valeur scientifique reconnue dans la communauté internationale, Delambre se retire de la vie publique en 1815 et meurt à Paris le 19 août 1822.
Petite bibliographie
- GUEDJ D. : Le mètre du monde Ed. Le Seuil 2000
- ALDER K. : Mesurer le monde Ed. Flammarion 2005