Bulletin Vert no 464
mai — juin 2006

L’ENSEIGNEMENT ET LES SCIENCES. L’exemple français au début du 20e siècle

BROCHURE CO-DIFFUSÉE PAR L’APMEP sous le no 938

L’ENSEIGNEMENT ET LES SCIENCES. L’exemple français au début du 20e siècle

par Nicole Hulin

Éd. Vuibert. Préface de Dominique Julia.

Brochure de 228 pages en 15,4 × 24, dont :

  • une ANNEXE 1 (6 pages) : Évolution des horaires de sciences de 1902 à 1945 ;
  • une ANNEXE 2 (13 pages) : textes officiels de la Réforme Bérard (1923) ;
  • une ANNEXE 3 (38 pages) : textes officiels de la Réforme de 1925 ;
  • une ANNEXE 4 : Instructions de 1931 ;
  • une ANNEXE 5 : Le baccalauréat de 1808 à 1931 ;
  • un REPÈRE CHRONOLOGIQUE (2 pages) sur les ministres successifs ;
  • un répertoire des dates (1 page) ;
  • 3 pages d’ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES ;
  • un INDEX (4 pages) de personnes citées.

Ensemble très clairement présenté, offrant des citations (nombreuses) bien dégagées (avec leurs références en bas de page) et pas mal de tableaux bienvenus.

ISBN : 2-7117-7177-6.

Prix : public, 30 €, adhérent : 28,50 € (franco de port).

 

On croît rêver...

Tous nos problèmes d’« école unique » ou pas, de sections plus ou moins différenciées, de programmes et d’horaires, d’objectifs majeurs de notre enseignement, les voilà déjà posés et débattus, depuis plus de cent ans, singulièrement autour des réformes de 1902 et de 1923-25, puis 1930-31.

Déjà avec des mouvements pendulaires qui, de réformes en contre-réformes, ramèneront ... à peu près (!) ... 1902 en 1941.

Avec, cependant, de 1902 à 1937, une plus grande implication des hommes politiques et des Commissions parlementaires, et beaucoup plus de débats publics que de nos jours...

La toute jeune « Association des Professeurs de Mathématiques » née en 1909-1910, d’abord réservée au Secondaire, puis ouverte au Primaire Supérieur et aux Écoles Normales, y mène, de 1921 à 1937 surtout, des luttes constantes et acharnées qui font d’elle un acteur de premier plan du système éducatif français. Elle intervient avec flamme non seulement à propos de l’enseignement des mathématiques en lui-même, mais à propos des structures générales de l’enseignement et des horaires de toutes les disciplines.

Si bien que «  l’A.P.M », son Bulletin et ses militants les plus ardents (Maurice Weber notamment) sont constamment et longuement cités dans l’ouvrage de Nicole Hulin.

La PRÉFACE de D. Julia dégage, en sept pages, la trame de l’ouvrage.

En 1899, voici Alexis Bertrand qui réclame une « révolution copernicienne » faisant des sciences (et non plus des lettres) « l’ossature intérieure des études, le noyau, le centre ». Cependant que Charles Péguy souligne, en 1904, que ce sont « les crises de vie générales, les crises de vie sociales [qui] s’aggravent, se ramassent, culminent en crises de l’enseignement... ».

Tout en résumant les réformes, D. Julia s’inquiète de leur rapide succession, au gré des changements politiques et s’étonne « de la puissance [des] associations de spécialistes pour appuyer ou contester réformes et projets ». D. Julia note aussi la « force que revêt encore le modèle de l’éducation littéraire traditionnelle dans la France de la première moitié du XXe siècle, alors qu’il n’est déjà plus “ tenable ” ».

La préface analyse longuement trois échecs : de « l’école unique », des « humanités modernes », de « l’égalité scientifique ».

L’AVANT-PROPOS (2 pages) insiste sur le rôle de la guerre de 1914-18, pour la remise à l’honneur d’une hégémonie d’humanités classiques et pour une « école unique », à l’opposé de ce « qui divise et distingue ».

CHAPITRE 1 : « LA DIVERSIFICATION DE L’ENSEIGNEMENT AU XIXe SIÈCLE » (18 pages).

Face à la culture classique, l’émergence de nouveaux besoins entraîne des valses-hésitations pour une éducation plus scientifique, pour un « primaire supérieur », et pour l’instauration, au sein du Secondaire lui-même, d’un « enseignement spécial », vite combattu (1890), et pour une amorce d’« école unique » :

  1. « On donnerait à tous, en un premier cycle du Secondaire, indistinctement une même culture générale, destinée tout ensemble à développer les facultés, à en assurer l’équilibre et à jeter les premières assises du savoir qui convient au citoyen moderne[...],
  2. À cette culture générale viendraient se superposer des enseignements spéciaux [en un deuxième cycle du Secondaire diversifié selon les besoins].

CHAPITRE 2 : « LA DUALITÉ PRIMAIRE-SECONDAIRE AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE » (19 pages).

D’une dualité considérable, on évolue peu à peu vers « une primarisation » des classes élémentaires (avant la Sixième) du Secondaire, une extension à celui-ci du système des bourses et de la gratuité (d’abord réservées au « primaire supérieur »), et une « géminisation » des horaires et programmes (de la Sixième à la Troisième)...

L’A.P.M. y regrette « des différences très graves », concernant les questions de méthode, entre les Quatrième-Troisième du Secondaire et les classes équivalentes du Primaire Supérieur.

CHAPITRE 3 : « LA RÉFORME DE L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE DE 1902 » (18 pages).

Un premier cycle soit avec latin, soit sans.

Puis une « quadribifurcation » en Seconde et Première :

  • (A) latin-grec,
  • (B) latin-langues vivantes,
  • (C) latin-sciences,
  • (D) sciences-langues vivantes.

Cette réforme marque une avancée pour les langues vivantes (avec une « méthode directe »), et pour « les sciences considérées non seulement pour leur utilité pratique mais aussi comme instrument de culture de l’esprit ».

Dans la foulée, Émile Borel demande (1904) des « laboratoires de maths » dans tous les établissements...

Diverses amodiations seront ensuite proposées, notamment pour des dédoublements de D (... place aux « littéraires sans latin (!) », ...), mais non retenues.

CHAPITRE 4 : « LA RÉFORME BÉRARD (1923) ET L’ÉGALITÉ SCIENTIFIQUE » (36 pages).

La guerre de 1914-18 entraîne un retour en force de la culture classique au sein d’un enseignement secondaire qui a « le privilège de former l’élite dirigeante ». D’où Sixième et Cinquième latin, Quatrième-Troisième latin-grec et une bifurcation pour Seconde et Première entre « classique » et « moderne », avec, en toutes classes, une « égalité scientifique » (à horaires réduits !)...

L’A.P.M. s’insurge de toutes ses forces contre ce qui « ne peut être qu’une égalité dans la médiocrité et la quasi-nullité, exception faite pour quelques élèves d’élite[...] ». Son animateur Maurice Weber parle de « fraternisation dans le médiocre »... (En fait, finalement, les résultats seront fâcheux pour tous !)...

Pour les Compagnons de l’Université nouvelle, qui militent pour l’école unique, « il n’y a pas d’antinomie entre “culture commune et spécialisations prudentes ”. C’est une erreur pédagogique d’imposer une communauté de programmes aux esprits les plus divers, et la culture commune, “faite surtout de méthodes de pensée, peut être acquise avec des programmes largement différenciés” (texte de 1923) ».

CHAPITRE 5 : « LA CONTRE-RÉFORME DE 1925 ET “L’AMALGAME ” »

1925 recrée un enseignement « moderne » au premier cycle.

Et l’A.P.M. ne cesse de batailler pour retrouver quelque chose comme la « quadribifurcation » de 1902 ...,sans succès : les meilleurs élèves seraient, disent nos opposants, attirés vers les sections scientifiques (!). Par contre, triomphe « l’amalgame » qui veut réunir, pour les enseignements communs, classiques et modernes...

À noter que l’A.P.M. obtient cependant un relèvement des coefficients scientifiques aux examens.

CHAPITRE 6 : « L’ORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES » (15 pages).

J’y note des Instructions de 1925 qui, pour les mathématiques, expliquent que l’on se rapprocherait de la « bonne méthode [...] si l’exposition des faits importants et des liens qui les unissent résultaient d’un travail en commun, [le professeur] cherchant moins à imposer des résultats qu’à éveiller la curiosité et à susciter l’effort général par ses questions répétées, [...] en proportionnant la durée des étapes aux moyens du plus grand nombre [...] ».

CHAPITRE 7 : « LES MODIFICATIONS DE 1931 » (16 pages).

Sus au « surmenage scolaire » ! En sacrifiant pas mal la physique, on réduit encore un peu les horaires de maths, mais on s’attaque - un peu - au principe de « l’égalité scientifique » en transcendant horaires et programmes communs de Seconde et Première par trois sections aux sanctions différentes au bac première partie (la seconde partie distingue toujours littéraires et scientifiques).

CHAPITRE 8 : « CONSÉQUENCES ET ABANDON DE L’ÉGALITÉ SCIENTIFIQUE » (16 pages).

Cette « égalité » aboutit à un « nivellement par le bas », et, notamment sous les coups de boutoir de l’A.P.M., on se prépare à son abandon. Curieusement, ce sera fait sous Pétain, en 1941...

CHAPITRE 9 : « QUESTION DE L’ÉCOLE UNIQUE » (21 pages).

Militent pour elle les « Compagnons » (où l’on retrouve des A.P.M. tels Maurice Weber). Ils préconisent (1926) :

  • un enseignement élémentaire unifié ;
  • un enseignement (de 11-12 ans à 14-15 ans), obligatoire, dans des Collèges (avec « classique », « moderne », « technique ») ;
  • puis des lycées avec la quadribifurcation de 1902 enrichie de voies « techniques », ces dernières, dit Maurice Weber, étant autant capables, « d’une culture humaine destinée à former l’esprit et le cœur »... : « ce qui compte avant tout, c’est la méthode [...] ».
    Mais la réalisation de « l’école unique », mise en chantier, exigeait un tel chamboulement que seules des mesures préparatoires verront peu à peu le jour avant les tout autres mobilisations de 1938-39...28 pages).

MA CONCLUSION :

Nos problèmes d’enseignement : objectifs, structures, méthodes, « socles » (!), ...sont déjà au cœur de l’époque étudiée, de ses réformes et contre-réformes... Nous les vivons aujourd’hui aggravés par la « massification de l’enseignement » et, peut-être, davantage de problèmes de société... Raison de plus pour ne pas les aborder « vêtus de probité candide et de lin blanc », mais forts d’expérimentations en vraie grandeur, de 1850 à 1937, de solutions dûment argumentées autant que vite contestées..., forts aussi de propositions toujours d’actualité, présentées avec brio par l’A.P.M. d’alors ou par les « Compagnons »... Tout cela conté avec talent par Nicole HULIN en un ouvrage dont ma pourtant longue recension n’a fait qu’évoquer la densité et la richesse.

En nos temps de remises en question, il nous sera des plus utiles pour proposer et innover avec à la fois enthousiasme et sagesse, hardiesse et mesure, en une pensée à la fois plurielle et cohérente...
Hâtons nous de l’acquérir ... et de le méditer !

Henri BAREIL

 

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