Bulletin Vert n°509
mai — juin 2014
L’analyse algébrique Un épisode clé de l’histoire des mathématiques
par Jean-Pierre Lubet et Jean-Pierre Friedelmeyer
Ellipses, collection Comprendre les mathématiques par les textes historiques
IREM — Histoire des Mathématiques - 2014
256 pages en 16,5 × 24, prix : 26,60 €, ISBN : 978-2-7298-8394-2
Cette anthologie de textes originaux mis en situation, expliqués et commentés couvre la période 1748 — 1821. Le terme « analyse algébrique » regroupe les tentatives pour « utiliser l’algèbre dans son extension maximale (en y incluant les séries) pour donner une première approche de l’analyse indépendamment des notions de limite ou d’infiniment petit ».
Entre une Présentation et une copieuse Bibliographie, l’ouvrage comporte dix chapitres :
- I. Fécondités et faiblesses d’un nouveau calcul.
- II. Euler et les fondements du calcul différentiel.
- III. Lagrange et l’analogie des puissances et des différentielles.
- IV. Le concept de fonction aux prises avec le nouveau calcul intégral.
- V. La formule de Taylor comme fondement de la Théorie des fonctions analytiques.
- VI. Le Calcul des dérivations d’Arbogast.
- VII. Les Expressions analytiques de Brisson et la résolution des équations aux dérivées partielles.
- VIII. La Séparation des échelles appliquée à la résolution des équations différentielles linéaires.
- IX. Propriétés des opérations, fondements du calcul différentiel : l’originalité des travaux de Servois.
- X.Influence et postérité de l’analyse algébrique.
Dans chaque chapitre alternent commentaires et textes originaux (traduits en français le cas échéant), sous forme d’extraits de trois à dix pages. Les commentaires ont un quadruple rôle : situation des textes dans l’histoire (chronologie, influence des auteurs les uns sur les autres, …), résumé des parties non reproduites, explication des passages obscurs, et relevé des défauts de rigueur sous un regard actuel. C’est cette exigence de rigueur qui amènera Cauchy en 1821 (texte reproduit dans le chapitre X) à sonner le glas des tentatives de concevoir l’Analyse sans le concept de limite.
Tout amateur de culture et d’histoire mathématiques trouvera bien des satisfactions dans ce texte. Il y verra par quels moyens les plus grands esprits cherchaient à ramener l’analyse à l’algèbre, algèbre élargie cependant puisque incluant les séries entières en tant que généralisation des polynômes, et les calculs portant sur des opérateurs tels que dérivation ou intégration. Il assistera à l’introduction de notations (f ’, f ’’, …) et d’un vocabulaire (fonction dérivée, distributivité, commutativité, …) qui lui sont familiers, à l’évolution du sens d’autres mots (discontinuité, …).
Il fera plus ample connaissance avec des mathématiciens moins célèbres que les Euler, Lagrange et autres Cauchy : Brisson, Servois, les frères Français, et surtout Arbogast, au rôle central ici.
Il s’interrogera sur ce qu’est la « rigueur », voyant le sens de ce mot fluctuer à travers les âges.
Je regrette cependant que la définition de l’Analyse algébrique que j’ai citée plus haut ne se trouve pas dans l’introduction, mais dans le chapitre conclusif : la lecture serait plus aisée avec dès le départ une idée-force. On peut également regretter l’absence d’un Index.