Bulletin Vert no 452
mai — juin 2004
LES FRACTALES
Hors-Série no 18 de Tangente. Éd. Pôle.
160 pages en 17 × 24.
Ouvrage luxueux, surtout par ses très nombreuses et magnifiques fractales en couleurs.
Bibliographie (une page). Relevé de sites Internet (une page).
No ISBN : 2-84884-014-5.
Prix : 18 €.
Ce Hors-Série inaugure une « Bibliothèque Tangente ». [1]
Il est divisé en SIX THÈMES (pour chacun, j’indique entre parenthèses le nombre d’articles et le nombre total de pages) :
- Un fractal, une fractale (8 ; 30).
- Fractals et nature (6 ; 12) : fractalité du vivant, …
- Art fractal (6 ; 16).
- Fractales déterministes (3 ; 22).
- De l’utilité des fractales (6 ; 23).
- Mandelbrot et Julia (3 ; 37).
Suivent trois pages de cinq « problèmes fractals » avec indication des sources et solutions.
Mais que sont les fractal(e)s ?
L’idée fondamentale est celle d’autosimilarité, avec un éventuel aspect aléatoire. D’Adrien Douady : « Un fractal est un objet irrégulier, dont l’irrégularité est la même à toutes les échelles et en tous les points » (p. 14).
Plus savamment, Benoît Mandelbrot définit un fractal « par le fait que sa dimension topologique est strictement inférieure à sa dimension fractale » (p. 65) : Brr ! ces dimensions sont expliquées par ailleurs, mais la « définition » d’Adrien Douady et … les exemples du chou-fleur ou des classiques Sierpinsky, Von Koch, … sont autrement parlants !
Les fractal(e)s, c’est où ?
L’ouvrage cite, sur trois pages (p. 85 à 88), un texte prémonitoire (1913) du Prix Nobel de physique Jean Perrin : Des courbes sans tangente, des fonctions sans dérivées ? Loin d’être des exceptions, elles sont partout dans la nature ! (J.P. cite l’exemple des colloïdes et de leurs flocons…). Cependant que « la notion de continu résulte d’un choix en somme arbitraire de notre attention parmi les données de l’expérience… ».
Ajoutons, avec Bernard Sapoval (p. 38) que « on peut ne pas comprendre pourquoi telle ou telle géométrie est fractale, ni en quoi sa “ fractabilité ” est pertinente et, néanmoins, trouver profit à utiliser cette propriété … ».
Vivent donc les fractal(e)s !
Complaisons-nous d’abord dans les classiques, superbement illustrées ici : longueurs des côtes, choux-fleurs, arbres et fougères, courbes et ensembles de Sierpinsky, Cantor, Koch, Julia, Mandelbrot et le « lapin » de Douady.
Le tout est clairement expliqué, avec une attention particulière à de grands outils [la sensibilité aux conditions initiales, la « chirurgie holomorphe », les A.F.C. (« attracteurs de familles de contractions ») ou autres I.F.C. (« Iterated Functions Systems »), …] aussi bien qu’à des constructions simples qui les illustrent…
L’ouvrage nous procure aussi de belles échappées sur un art fractal : de J.P. Agosti, C. Ginzburg, S. Dali, R. Voss, K. Hokusaï, … sur les figures Kolam, les fractals de Rauzy, de J.F. Colonna, …
On lira avec intérêt les pages sur un C.A.C. (boursier) fractal et, surtout, sur les fractals en physique, astrophysique, géophysique, notamment comme formes anti-bruit efficaces !
La « Galerie » finale
Avec ses merveilleux Mandelbrot et Julia, parsemée de citations des plus heureuses. En voici quelques-unes :
Jean Dieudonné salue le « paradis des mathématiciens » : les problèmes qui ont engendré des idées nouvelles allant au-delà d’eux.
Gian Carlo Rotta nous redit, parmi de splendides fractals bijoux, que les mathématiques ne consistent pas à « prouver des théorèmes » : « L’œuvre d’un mathématicien est surtout un enchevêtrement de conjectures, d’analogies, de souhaits et de frustrations : la démonstration, loin d’être le noyau de la découverte, n’est souvent que le moyen de s’assurer que notre esprit ne nous joue pas des tours ».
Et professons avec G. H. Hardy que « la beauté est le critère premier : il n’y a pas de place durable dans le monde pour des mathématiques laides ».
Ma conclusion ?
Ah, le beau livre ! À acheter, à offrir !