Bulletin Vert no 444
janvier — février 2003

La didactique des mathématiques au travers d’un récit de vie. entretiens avec Georges Glaeser

Par Jean-Claude REGNIER et Françoise PERRIER.

IREM de Strasbourg, 2002.

128 pages

Prix : 10 €.

 

Le titre peut intriguer ou faire sourire un ignare des Sciences Humaines comme moi.
En réalité, et Françoise Perrier s’en explique longuement, le récit de vie, ou encore l’histoire de vie, peut se concevoir comme une méthode de recherche qualitative. Neuf ans d’entretiens de 1992 à 2001 avec Georges Glaeser ont permis de construire son récit de vie, c’est-à-dire quelque chose qui permettra non pas d’aller vers une biographie, voire une autobiographie, mais de générer des hypothèses explicatives quant à l’émergence de son intérêt pour les mathématiques, puis pour la didactique des mathématiques. L’intérêt d’une telle entreprise est de saisir les médiations entre fonctionnement individuel et fonctionnement social, et de rompre ainsi avec le clivage épistémologique entre champ psychologique et champ social.

Pour nous, enseignants de mathématiques, le récit de vie de Georges Glaeser et son analyse sont passionnants à plus d’un titre :

  • Il s’agit d’un mathématicien dont la période d’activité scientifique se situe à une époque particulièrement riche pour les mathématiques françaises : il a été assistant à Nancy à partir de 1947 auprès de mathématiciens comme Laurent Schwartz, Bruhat, Hervé. C’est là qu’il a soutenu sa thèse consacrée aux algèbres de Banach. Par la suite, lui qui disait avec franchise et clairvoyance : « Je ne suis pas un grand, mais je suis tout de même un mathématicien ! » a su assumer une place modeste dans l’ombre des grands comme Laurent Schwartz, Jean-Pierre Serre, Dieudonné, Thom, Malgrange et de s’enrichir auprès d’eux.
  • Il s’agit d’un mathématicien qui s’est de plus en plus intéressé à l’enseignement des mathématiques jusqu’à infléchir, à partir des années 70, complètement sa vie de chercheur et de professeur vers la didactique des mathématiques.
  • Il a su former, à Strasbourg, dans le cadre de l’IREM qu’il a dirigé dès 1972, puis dans le cadre du DEA de didactique des mathématiques, nombre de didacticiens, mais il a aussi influencé bien des professeurs de maths alsaciens par son action quotidienne à l’IREM.
  • Il a été un des acteurs principaux du débat autour de la didactique des mathématiques et ses affrontements idéologiques et néanmoins amicaux avec les autres « pères » de la didactique des mathématiques française, Chevallard, Brousseau et bien d’autres, restent des moments forts, en particulier quant à la conception et à l’évolution de notre enseignement.
  • Enfin, après « Mathématiques pour l’élève professeur » paru en 1971 et véritable bible de la formation des professeurs durant de longues années, il a publié nombre d’articles, en particulier dans notre bulletin, pour terminer, en 1999, par la reprise organisée de ses principaux textes sous le titre « Une introduction à la didactique expérimentale des mathématiques ». Son récit de vie éclaire donc avec beaucoup d’acuité tous ces moments décisifs qui l’ont amené tout d’abord à s’intéresser aux mathématiques, à en entreprendre leur étude, à faire de la recherche, à rentrer dans l’enseignement supérieur, à basculer vers la didactique. On sent à travers ses dires, le plaisir intellectuel qu’il a pris à reformuler ses choix, ses activités, son positionnement, sans aucune fausse modestie, mais aussi avec une très grande clairvoyance. Sa fidèle amitié avec Laurent Schwartz est l’occasion d’évoquer des échanges très francs. Ainsi Schwartz, après avoir critiqué, à propos d’une démonstration, l’impulsivité et le manque de rigueur de Glaeser lui laisse entendre qu’il ne sera jamais un grand mathématicien, mais : « Tu peux finir en bon Inspecteur Général de maths ! ».

De lecture très agréable, cette brochure éditée par l’IREM de Strasbourg, intéressera tous ceux qui au-delà d’une approche purement rationaliste des mathématiques, se demandent ce qui dans la vie privée, dans le contexte social, déterminera tel ou tel choix, ce qui renforcera ou annihilera telle ou telle conviction.
Merci à Jean-Claude Régnier et à Françoise Perrier d’avoir su ainsi nous « disséquer » la vie de Georges Glaeser et d’en tirer les lignes de force de sa carrière scientifique.

 

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