Les laboratoires de mathématiques et la formation continue des enseignants Journées nationales APMEP – Bordeaux octobre 2018

La mission Villani-Torossian poursuit son travail pour accompagner la mise en œuvre des « 21 mesures » présentées le 12 février 2018. Le Vademecum présenté ici est le fruit de ce travail, il ne constitue pas un cadre officiel du fonctionnement des laboratoires, c’est un outil pour les chargés de mission dans les académies, les équipes et les établissements qui souhaitent créer un laboratoire de mathématiques.

Compte-rendu des discussions qui se sont tenues dans le cadre d’une table ronde organisée pendant les « questions d’actualité » aux Journées Nationales de l’APMEP à Bordeaux le 22 octobre 2018.

La table ronde était animée par Éric Barbazo.

Intervenants et invités (par ordre de prise de parole)

  • Emmanuel Royer
    Directeur adjoint scientifique de l’INSMI (CNRS)
  • Louise Nyssen
    Vice-présidente de la Société Mathématique de France et directrice adjointe d’ÉSPÉ
  • Benoit Patey
    Inspecteur de l’Éducation Nationale en charge des lycées professionnels
  • Michel Bourguet
    Enseignant en lycée et membre du bureau de l’APMEP
  • Chantal Menini
    Directrice de l’IREM de Bordeaux et représentante de l’ADIREM

 

Présentation de la table ronde

En introduction, Éric Barbazo présente le thème de la table ronde en rappelant le rôle dévolu aux laboratoires mathématiques et leur genèse. Si l’idée n’est pas nouvelle [1], cette expérimentation s’inscrit dans le cadre de la mise en place des recommandations de la mission Villani-Torossian.

Les laboratoires de mathématiques sont appelés à devenir un lieu privilégié de la formation continue des enseignants du second degré. Dans chaque établissement et parfois au delà, les professeurs de mathématiques mènent un travail d’équipe afin de partager leurs connaissances et leurs compétences, d’en construire de nouvelles, et visent à contribuer au développement professionnel de chacun.

Ces laboratoires peuvent être un lieu de production ou de mutualisation de ressources. Des visites réciproques de classes « dans un esprit de confiance et d’ouverture » peuvent y être réalisées. La mise en place des laboratoires doit être soutenue par les chefs d’établissement et pilotée par les Rectorats. Les équipes sont incitées à se rapprocher d’universitaires, de chercheurs par exemple au travers des IREM. Le travail mené est appelé à rayonner vers les établissements voisins (collèges ou lycées).

Cette année, plusieurs expérimentations ont débuté dans les académies. Cette mise en place progressive sera évaluée durant trois ans.

 

Le rôle potentiel du CNRS

Emmanuel Royer présente le CNRS et les nombreuses ressources qu’il met à la disposition des enseignants. Celles-ci régulièrement renouvelées au travers des sites de l’INSMI, d’AuDiMath, de l’IHP et du site « Images des Maths » sont de nature documentaire. De plus le CNRS soutient financièrement des projets pédagogiques par le biais de la fondation Blaise Pascal. E. Royer encourage les enseignants à visiter les sites de ses divers organismes pour alimenter leurs laboratoires.

 

Le point de vue de la SMF et le rôle des ÉSPÉ

Louise Nyssen insiste sur un objectif contenu dans l’idée des laboratoires de maths, celui de la nécessité pour les enseignants de continuer à faire des maths au delà de celles qu’ils enseignent, à continuer à en éprouver le plaisir du partage entre pairs, dans une forme d’échange et non descendante.

Les ÉSPÉ, maîtres d’œuvre de la formation initiale des enseignants, peuvent être des interlocuteurs de ces laboratoires et participer à leur fonctionnement si nécessaire, puisqu’ils fédèrent beaucoup de compétences disciplinaire et en formation professionnelle. Mais la réforme à venir sur la formation initiale amène ces structures à se questionner sur leur avenir.

 

Les expérimentations mises en place

  • en lycée professionnel
    Benoit Patey pilote une expérimentation dans quatre lycées professionnels et quatre lycées généraux de l’académie de Lille. Il explique que si les difficultés rencontrées par les élèves sont une entrée dans la réflexion des enseignants, ceux-ci doivent regarder aussi leurs propres difficultés.
    Le pari étant que l’enseignant se développant dans sa discipline aura plus de hauteur et que le bénéfice de son investissement ira aux élèves.
    Dans son académie, la participation des enseignants devient obligatoire dès lors qu’un laboratoire est créé dans leur établissement. Il indique qu’une des spécificités des enseignants en lycée professionnel est leur ouverture au monde professionnel et que la problématique du lien avec les autres disciplines leur est habituelle.
  • en lycée général et technologique
    Éric Barbazo et Michel Bourguet témoignent des expérimentations très différentes qui ont débuté dans leurs lycées depuis juin dernier. Leurs témoignages montrent une grande disparité dans les moyens et dans le soutien institutionnel, notamment budgétaire ou financier.
    À Bordeaux, le Rectorat apporte 100 HSE (heures supplémentaires effectives) pour le fonctionnement d’un laboratoire de mathématiques, auxquelles s’ajoutent des heures données par l’établissement sur leur marge de dotation.
    À Montpellier, aucune aide financière n’est à attendre, et les marges des établissements étant très faibles, donner des HSE pour un laboratoire de mathématiques se fait au détriment d’autres dispositifs comme des dédoublements. Cependant, le soutien institutionnel est assuré par le suivi par un IPR référent de chaque laboratoire qui s’est déclaré.
    Ces disparités ont des conséquences sur les règles locales de participation : obligatoire s’il y a des heures données, facultative sinon. Les collègues y adhèrent donc plus ou moins vite et avec plus ou moins de conviction.
    Dans le cas montpelliérain, le projet a été lancé en juin sous l’impulsion notamment de l’IREM à travers le groupe GLU (groupe de liaison Lycée-Université). Les collègues du lycée où enseigne Michel Bourguet ont adhéré facilement à l’idée de laboratoire et de travail en commun. Le problème actuel est que le financement promis n’est pas garanti, même si Charles Torossian en visite dans l’académie le jeudi 17 octobre a assuré qu’il existerait bel et bien pour chaque laboratoire. Les collègues sont dubitatifs et ne veulent pas d’un investissement en formation continue dans le seul cadre du bénévolat.
    Par contre, la mobilisation de référents universitaires, chercheurs en mathématiques ou en didactique, a été immédiate.
    Les équipes ont choisi des thèmes de travail répondant soit aux besoins réels de leurs élèves, notamment la problématique de l’enseignement des maths en seconde générale, soit à des questions plus générales de formation (langage Python ou enjeux mathématiques). Les difficultés de fonctionnement sont nombreuses. Parmi elles, la possibilité de proposer dans les emplois du temps un temps commun à toute l’équipe, la jouissance d’un lieu dédié et équipé… On peut y ajouter l’attention plus ou moins importante portée par l’équipe de direction au projet.
    Par ailleurs, Michel Bourguet soulève la question du transfert actuel de missions en formation continue de la DAFPEN vers les établissements. Ce transfert devrait s’accompagner d’un transfert des moyens mais, du moins à Montpellier, les moyens de la DAFPEN semblent s’évaporer dans cette opération. Des stages de maths par exemple, proposés par l’IREM et programmés, sont actuellement « suspendus »…

 

La place et le rôle des IREM

C. Menini énonce les actions et interventions des IREM sur le territoire pour l’ouverture des laboratoires. Là encore apparaît une grande disparité dans l’avancée du travail et les fonds attribués : une implication forte à Marseille, une grande avancée des travaux à la Réunion, l’étude d’un projet IDEX fédérant l’ensemble des acteurs à Grenoble, un investissement dans une mission de communication à Montpellier et à Nantes… On puise dans les fonds propres des établissements ou des fonds universitaires sont octroyés. Le Conseil Scientifique des IREM soutient le projet et demande la mise en place d’un financement avec cadrage national.

 

Les questions et réactions de l’assemblée

  • René Cori réaffirme son soutien au projet de création de laboratoires de mathématiques depuis la proposition de J. P. Kahane. Mais il s’insurge contre l’idée que les laboratoires remplaceraient la formation continue. Il déplore l’état actuel de la formation continue qu’il juge sinistrée. Il rappelle que selon les mots de Cédric Villani, les programmes sont secondaires en regard de la formation continue des enseignants. Il signale comme dérives possibles le risque d’inégalité et de concurrence entre les établissements, et celui d’une accession à un financement ponctuel suite à de pénibles démarches administratives. Il déplore le désengagement de l’état sur ses missions régaliennes.
  • En comparant avec la proposition de J.P. Kahane, on se demande quelle sera la participation des élèves au sein de ce nouveau dispositif. On peut imaginer y recevoir les élèves, pour des manipulations comme on a pu le voir dans l’académie de Lyon sur le thème du pavage.
  • Le laboratoire de mathématiques ne serait-il pas à destination des enseignants comme le club de mathématiques s’est ouvert pour les élèves ? Ne doit-on pas se réjouir pour une fois qu’on pense aux professeurs ?
  • Ne serait-ce pas un moyen pour impliquer les enseignants qui ne vont jamais en formation pour de multiples raisons, par exemple l’éloignement géographique ?
  • Dans l’académie de Créteil, les ANT (aides négociées territoriales) ont pour but d’aider les professeurs qui ne peuvent pas aller en formation. Là, la formation est basée sur l’échange sur les pratiques.
  • L’échange de pratiques OUI. Mais encadrée par un tiers extérieur.
  • Dans les laboratoires on ne fait pas qu’échanger sur les pratiques. C’est surtout un lieu pour faire des maths.
  • On attend le Vade-mecum promis par Charles Torossian.
  • Une raison pour laquelle les professeurs de l’académie de Grenoble et de Dijon ne vont plus en formation, outre l’éloignement géographique, est qu’ils se sont lassés de ces demi-journées sur les TICE puis sur les Statistiques. Le temps de formation est restreint à une demi-journée pour faire des économies.
  • Comment et quand mettra-t-on en place une formation des enseignants au grand oral du baccalauréat ?
  • Le lycée ne deviendrait-il pas un micro-IREM ? Les IREM sont des acteurs majeurs de la formation continue en mathématiques. Leur participation au fonctionnement de laboratoires dans les établissements ne doit pas se faire au détriment de leurs activités actuelles. Plus généralement, l’apport des laboratoires pour la formation des enseignants, ne doit pas se faire au détriment d’une formation continue par ailleurs.
  • Les collègues accepteront-ils de donner gratuitement leur temps pour la formation ?
  • Il ne faut plus que la formation soit faite sur le temps d’enseignement au détriment des élèves.

 

Conclusion

Même si l’idée des laboratoires de mathématiques trouve un bon accueil en général, l’inquiétude par rapport à une formation continue qui est de plus en plus sinistrée se révèle importante. La question de la pérennité d’un dispositif qui coûte cher et qui va demander un investissement important aux enseignants est posée.

Ces laboratoires de mathématiques peuvent se révéler être une très bonne initiative pour un axe de formation continue mais ne peuvent en aucun cas devenir le seul moyen de cette formation. Il sera donc important de suivre leur mise en place dans les différentes académies dont les divers témoignages ont montré l’hétérogénéité des organisations.

 

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