Lettre au ministre Luc CHATEL lettre du 2 novembre 2010
Monsieur le Ministre,
Depuis quelques semaines, de très lourdes inquiétudes concernant la formation continue des enseignants du second degré nous parviennent de toutes les académies de France.
Nous tenons par ce courrier à vous alerter sur la disparition partielle, voire totale, des offres de stages, pourtant inscrits depuis le printemps dernier dans les Plans académiques de formation. Il apparaît que la décision de supprimer ces stages soit soudaine et repose sur l’impossibilité des académies de faire fonctionner cette formation continue, faute de moyens budgétaires dès le mois d’octobre. Un Recteur précise même dans un de ses courriers que la formation continue est supprimée afin que les moyens soient transférés à la formation des enseignants stagiaires.
Nous ne pouvons accepter cette situation.
Alors que vous affirmiez dès le début de vos prises de fonctions que cette formation était une priorité de votre action à venir, nous sommes dans l’obligation de constater l’impuissance de l’Education nationale à former ses professionnels. Les économies budgétaires à réaliser sont-elles à ce prix ?
Le colloque de l’Académie des sciences des 13 et 14 avril derniers (l’APMEP était membre du comité d’organisation) avait pour thème la formation continue. Les recommandations à venir sont très intéressantes à étudier. Les séminaires de l’APMEP des 29 et 30 mai, des IREM des 13 et 14 juin portaient également sur ce sujet. Le constat de sinistre a été à chaque fois constant et argumenté. L’idée, lancée par l’APMEP, de la création d’un Institut national de formation continue permettrait de palier aux déficiences en la matière. Elle nous apparaît de plus en plus convaincante et urgente. La communauté mathématique dans son ensemble a montré le besoin d’une formation des enseignants qui soit professionnelle et de qualité. Cela fait déjà de nombreuses années que l’APMEP alerte votre ministère sur la dégradation de l’offre de formation continue. L’aggravation soudaine de la situation rend le contexte de formation intenable. Permettez-moi de vous dire que c’est un choix dangereux pour la qualité de formation des enfants à laquelle vous êtes, comme nous, très certainement attaché.
La formation continue des enseignants reste une prérogative de l’Etat à qui incombe l’obligation de former ses fonctionnaires. Dans son rapport, au mois de mai 2009, Richard Descoings écrit : « a) Investir dans la formation continue des enseignants : Il ne peut pas y avoir de modernisation réelle des pratiques pédagogiques dans le lycée sans effort massif de formation continue des enseignants. Quelle entité, entreprise, association, organisation pourrait imaginer laisser un personnel d’importance capitale sans formation continue ? A cadre pédagogique stable, cette quasi absence est déjà contestable, mais lorsqu’il s’agit de changer le cadre pédagogique, l’absence d’accompagnement par la formation des enseignants rend les objectifs impossibles à tenir. »
Ce sont des propos qu’aurait pu tenir l’APMEP, mais Richard Descoings était à l’époque chargé d’une mission par le ministre de l’Education Nationale.
L’APMEP qui fête ses cent ans cette année, a toujours joué un rôle moteur dans les offres de formation continue. Lors de la réforme des mathématiques modernes, à la fin des années 1960, l’APMEP a proposé la création d’instituts de recherche sur l’enseignement des mathématiques (IREM). Edgar Faure alors ministre de l’Education nationale a accepté de créer ces IREM qui restent une exception dans le paysage national de formation continue et pourraient constituer un modèle à généraliser.
Nous sollicitons de votre part que vous donniez très rapidement la consigne et les moyens aux Recteurs des diverses académies, de rétablir l’offre de formation continue qu’ils avaient mise en place pour l’année scolaire en cours.
Nous sollicitons également l’ouverture de réelles concertations sur l’organisation de la formation continue des enseignants de tous les niveaux. Nous restons bien sur entièrement à votre disposition, pour que le dossier de la formation continue soit suivi de propositions constructives qui ont déjà fait leurs preuves en mathématiques.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de mes sentiments respectueux..
président de l’APMEP