Bulletin Vert no 427
mars — avril 2000
Matériaux pour une documentation
1. MATHÉMAGIE DES PLIAGES, par D. Boursin et V. Larose. Éd. ACL-Éd. du Kangourou.
Ouvrage cartonné de 48 pages en 205 × 275. Très belle édition illustrée avec goût et efficacité. No ISBN : 2-87694-962-0. Prix : 56F.
Tous les pliages proposés l’ont été :
- à des élèves, du CP à la Troisième,
- à des enseignants d’école et de collège en formation continue.
Ils permettent aux « enfants », dit l’Introduction, « d’avoir une image mentale de l’objet mathématique construit » et « d’acquérir des notions mathématiques (vocabulaire, logique et raisonnement) sans s’en rendre compte ! » (en somme, des « maths subliminales » !..., mais j’y crois fermement !).
Après « Un solfège des plieurs de papier », viennent :
- huit activités conduisant à des jeux de cubes,
- cinq à des pyramides,
- quatre à des étoiles et autres polygones.
Il y a aussi un « Patchwork de papiers », des ribambelles, des napperons, des « Pop up » (cartes animées), des flexagones.
Une autorisation de photocopier concerne quatre pages. Chaque activité mobilise généralement deux pages, parfois une, rarement trois.
Pour chaque activité, il y a presque toujours deux parties :
- une pour « les enfants » avec, notamment, de beaux films de pliages,
- une pour « les adultes » (explications supplémentaires, conseils pédagogiques, ouvertures, ...), évidemment également profitables aux enfants selon leur âge.
J’ai relevé deux intéressants « défis » : d’empilement, de coloriages, et il y a une petite bibliographie à peu près réduite aux pliages.
Un beau livre, un livre utile et un beau cadeau possible !
2. « JEUX MATHÉMATIQUES ». No exceptionnel, mai-juin 2000, de « La Recherche » en coopération avec « Tangente ». Rédacteur en chef : Gilles COHEN, assisté de Michel CRITON.
114 pages en 225 × 295, abondamment illustrées, bien présentées. 42 F. Vente exclusive en kiosque jusqu’au 15 juillet. Ensuite, s’adresser à Tangente, Éditions Archimède, 5 rue Jean Grandel, 95100 Argenteuil.
Cette remarquable brochure concerne des jeux tantôt déjà parus dans « La Recherche », tantôt inédits, tantôt classiques. Elle entrelace :
- 13 « histoires », dues à 11 auteurs : « Les jeux et les maths », historique d’un ancien almanach anglais de jeux, pavages de Penrose, la tradition arabe médiévale...
- 16 doubles pages de jeux mathématiques par thèmes (dues à G. Cohen, E. Busser, M. Criton, L. Thépault, ...) aux solutions disséminées dans la revue.
- 11 « portraits », par Jean-Michel Cantor : Ozanam, Sainte-Lagüe, Lucas, Dudeney, Sam Loyd, Gardner, Smullyan, L. Caroll, Euler, Erdös, Conway.
L’ensemble est instructif et agréable à souhait. Excellent !
3. Dossier « UN PEU DE MATHÉMATIQUES » du numéro de mars 2000, de la revue « DÉCOUVERTE » du Palais de la Découverte.
42 pages sur environ 80, en 154 × 235. Très belle présentation, illustrée en couleurs. Numéro disponible, pour 31 F franco (DOM : 34 F ; Étranger : 39 FF). Chèque à l’ordre du Palais de la Découverte. Délégation à l’écrit. Avenue F.D. Roosevelt. 75008 Paris.
Dans l’introduction du dossier, Jean Brette, s’opposant à « une vision très distordue de l’activité mathématique » - cause profonde de notre mauvaise image de marque éventuelle -, souligne « les deux attitudes de natures très différentes, exercées alternativement ou conjointement » qui devraient la constituer. « La première, floue et diffuse, est affaire de goût, de curiosité, de culture mathématique, d’imagination et d’intuition. La seconde, rigoureuse, est affaire de logique et de démonstration »... Jean Brette analyse ensuite les objectifs des articles proposés.
- Nombres figurés (5 pages) où des problèmes de sommes d’entiers, d’entiers impairs, de cubes, de carrés, « prennent des couleurs géométriques propices à l’obtention du résultat ».
- Le théorème de Pythagore (4 pages) : un peu d’histoire, un puzzle et une superbe réflexion sur tout ce qui est supposé vrai pour valider cette « monstration ». Une autre monstration, moins classique, utilise admirablement la propriété des « dilatations » : si les longueurs sont multipliées par k, les aires le sont par k2. À elle seule, cette méthode vaudrait le détour. Surtout avec la mise en évidence d’une condition de validité qui fait soupçonner que la sphère ne sera pas le champ d’élection du théorème de Pythagore !
- Triangles sphériques (2 pages). Pierre Audin nous met en présence d’une contradiction, dénouée par une jolie étude et sa conclusion : la somme des angles d’un triangle sphérique dépend de leur taille..., elle diffère de ¼ de T/R2 où T est l’aire du triangle et R le rayon de la sphère... Donc, pour les triangles « plans » de nos feuilles...
- La méthode de la descente infinie (3 pages). Due à Fermat, elle est remarquablement illustrée ici par Jean Brette, à propos de polygones aux sommets sollicités par les nœuds d’un quadrillage.
- Planter des choux (2 pages). Pierre Audin nous y intéresse, par le biais d’un problème d’alignement de Sylvester, à une méthode générale.
- Cherchez un invariant (4 pages) : Des nœuds, des polyèdres (invariant de Dehn), l’évolution d’une population soumise à deux aléas : un régal proposé par Jean Brette...
- Au-delà du compas : la géométrie des courbes (2 pages) : Jean Brette y présente l’exposition signalée dans notre Bulletin 427, page 208.
- Math en jeans : 10 pages de P. Audin expliquent le fonctionnement de cette structure « pionnière » où « l’on peut faire des maths autrement avec les élèves en les mettant en situation de recherche active, sur des problèmes ouverts »... Adresse au Palais de la Découverte. Mél : herve.grac@wanadoo.fr
- Analyse statistique des séquences génétiques (10 pages) par B. Prum.
Ce dossier, à la fois attrayant et instructif, est un joli bijou.
À noter, parmi les hors-dossier de ce numéro, 15 belles pages de Jean Audouze et Michel Paty sur « Les particules à la rencontre de la cohomologie ».
4. ALGÈBRE ET FONCTIONS, par le « Groupement national d’équipes de recherche en didactique des mathématiques ». Éditeur : Ministère de l’Éducation nationale, Desco A 11.
58 pages en A4, non disponibles. Mais, sur simple demande par mél à « jean.mativet@education.gouv.fr », le document sera envoyé sous fichier WORD (754 ko).
Cinq parties.
L’Introduction (I) précise l’objectif : « fournir une vision synthétique des principaux acquis didactiques » concernant les deux domaines étudiés.
Les chapitre IV et V traitent d’exemples de travaux ou de recherches.
Je me contenterai de relever des points forts, à mon sens, des chapitres II et III :
Chapitre II : L’apprentissage de l’algèbre au collège (9 pages).
- L’algèbre « met en jeu, dans ses rapports à l’arithmétique (de l’école élémentaire), une double rupture épistémologique » avec glissements, décalages, nouveaux usages, ... de l’égalité, des lettres, ... Les auteurs soulignent des « fausses continuités et discontinuités ».
- « Le statut des expressions algébriques » ouvre ainsi sur l’incitation à compacter, par exemple x + 1, provoquée par la prégnance du fait qu’en arithmétique un signe veut faire exécuter un calcul.
Le traitement des expressions algébriques peut être analysé, selon Ph. Drouhard, en s’appuyant sur les concepts de sens, dénotation (égalité, mais avec des formes différentes, ainsi (x - 2)2 + 1 et x2 - 4x +5), interprétation, connotation. - L’initiation à l’algèbre se fait parfois à travers des problèmes simples que les élèves sauraient traiter par l’arithmétique : « cette stratégie n’est pas sans inconvénient : d’une part, elle tend à présenter l’algèbre comme une simple généralisation de l’arithmétique, d’autre part il n’est pas facile de convaincre les élèves [des mérites du calcul algébrique] ». « Il est donc impossible de poser des problèmes [...] où l’outil algébrique s’impose », ainsi, comme le souligne G. Vergnaud, ceux qui relèvent de « ax + b = cx + d » (et non ceux « des formes x + a = b ou ax = b qui sont privilégiés au début du collège »).
- C’est en terme d’équilibre entre la construction du sens et la familiarité technique des algorithmes que se conçoit l’apprentissage de l’algèbre « (R. Douady).
- » La familiarité du calcul algébrique suppose précocement l’emploi de paramètres « (Y. Chevallard).
Chapitre III. L’entrée dans la pensée fonctionnelle au lycée (7 pages).
Ce chapitre est, pour l’essentiel, l’occasion d’un rappel très succinct, mais bienvenu, d’apports généraux de la didactique :
- dialectique outil-objet et changements de cadres (R. Douady),
- étapes de Sfard (cf. aussi Bulletin no 427, p. 259-260),
- processus ternaire de modélisation d’Yves Chevallard,
- théories de R. Duval, G. Vergnaud, C. Laborde, sur les schèmes, registres et codes...
- et, pour » la problématique des environnements « , thèses de N. Balacheff, M. Artigue et L. Trouche avec la nécessité » d’une triple prise en compte, par l’enseignant, de la connaissance à enseigner, de l’instrument, et de la diversité des élèves « .
5. A History of Mathematics : an Introduction, par J. KATZ. Second Edition, Addison Wesley, USA. 864 p.
On peut le commander par internet sur : http ://bookshop.blackwell.co.uk
Ce livre remplit le rôle annoncé par son titre : riche de références, il est d’une utilisation aisée grâce à un index complet et bien conçu. Les mathématiques arabes, indiennes, chinoises, et même les mathématiques précolombiennes ont une place de choix dans ce récit très bien structuré. L’accent est mis sur la transmission des savoirs mathématiques entre les diverses cultures, ce qui permet de dresser un panorama à la fois historique et géographique du développement des idées.
Les exercices proposés, et souvent corrigés, sont nombreux et très féconds : on apprend ainsi, par exemple, à utiliser les méthodes d’Apollonius, d’Al-Kashi ou de Newton. Le livre est spécifiquement conçu pour des enseignants ; on nous demande, en exercice, de préparer des leçons pour présenter un sujet du point de vue d’un mathématicien célèbre (par exemple, la trigonométrie plane et sphérique d’après Ptolémée), ou encore de réfléchir aux possibilités d’une présentation historique d’un sujet déterminé (par exemple, la méthode égyptienne et chinoise de résolution des systèmes linéaires). Bien sûr, toute la documentation nécessaire pour la résolution de tels exercices se trouve dans le corpus du texte, mais si on désire approfondir une notion, la bibliographie, commentée et classée par chapitre, est extrêmement complète et pertinente.
En résumé, c’est un livre idéal pour les professeurs de tous niveaux qui veulent donner à leurs cours un aspect original par le biais de l’histoire.
6. QU’EST-CE-QUE LES MATHÉMATIQUES ?, par Norbert VERDIER. Collection » Quatre à Quatre « . Éd. Le Pommier-Fayard, avril 2000.
160 pages en 134 × 200. 85 F. No ISBN : 274650032-9. Bibliographie (décevante). Glossaire. Répertoire des symboles élémentaires. Index.
La collection se propose quatre ouvrages par an, pendant quatre années, dans la discipline abordée. Trois autres brochures sont ainsi prévues cette année : » La Géométrie classique : objets et transformations « , » Le Monde des nombres « , » La Logique ou l’art de raisonner « . Ainsi se constituerait un » premier niveau « .
L’actuel ouvrage est un préliminaire, un » voyage initiatique « , panorama des branches des mathématiques, aperçus sur quelques » grands problèmes « , évocation de quelques grands mathématiciens. Cela en cinq chapitres.
Chapitre I. Inventaire (28 pages).
Il présente successivement six branches fondamentales des mathématiques à partir de leurs origines, avec quelques brefs coups de projecteurs sur leur histoire, afin d’en dégager lignes générales ou idées-forces :
- La géométrie, avec exemples de mesures (empruntés à Eratosthène ou Jules Verne), de théorèmes (Pythagore) ou de démonstration (niveau Sixième).
- La logique : le syllogisme, le » si ... alors ... « , les connecteurs et quantificateurs, le binaire.
- L’arithmétique : nombres premiers, bases, conjectures...
- L’algèbre : des arabes à Descartes...
- L’analyse : fonctions, intégration et aires, balistique et calcul différentiel...
- Les probabilités et statistiques : des arbres aux probabilités des assureurs ou de la physique quantique...
Chapitre II. Galeries de portraits (20 pages).
- Évocation de quelques mathématiciens (surtout de Galois, en ouvrant sur les groupes, de Gerbert, avec aperçu sur la numération de position » indo-arabe « , de Sonia Kovaleski) ou » d’écoles « (Pythagore, Bagdad, Bourbaki, IHES et médailles Fields).
- Aperçus sur » art et mathématiques « (poésie d’Omar Khayyâm, Oulipo, musique et maths).
Chapitre III. Au jour le jour (30 pages).
Six activités dominent : raisonner, calculer, mesurer, transformer, synthétiser, économiser. Elles permettent à l’auteur quelques jalons : raisonnements déductif, inductif, par récurrence, distances et distance ultramétrique généalogique, interpolations et extrapolations, groupes de transformations et invariants, cryptographie, numérisation, classifications : topologie, ordre, tris, bijections, simulations, problème du voyageur de commerce...
Chapitre IV. Morceaux choisis (25 pages).
Ils évoquent de grands problèmes :
- tracés à la règle et au compas, nombres constructibles, ...
- géométries non euclidiennes (sphérique et invariance d’échelles, ...),
- fractals,
- ponts de Königsberg, graphes et topologie,
- théorème des quatre couleurs,
- thème de l’infini et ensembles de nombres,
- décomptes de trajets.
Chapitre V. Les mathématiques en questions (25 pages).
Ici s’amorce une réflexion à partir des crises (des irrationnels, du non-euclidien, des » fondements « , ...) avec évocation du programme d’Erlangen, de travaux de Cantor, du formalisme, de l’intuitionnisme (Brouwer) et du constructivisme.
Quels sont les liens ou coupures entre maths et réalité ? L’auteur insiste sur le triptyque de Desanti » Objets/ relations/propriétés « , et adhère aux conceptions de Borel : » De plus en plus, les mathématiques apparaissent comme la science qui étudie les relations entre certains êtres abstraits définis d’une manière arbitraire, sous la seule condition que ces définitions n’entraînent pas contradiction. Il faudrait toutefois ajouter, pour ne pas risquer de confondre les mathématiques, ni avec la logique, ni avec des jeux comme le jeu d’échecs, que ces définitions arbitraires ont été tout d’abord suggérées par des analogies avec des objets réels : tel est le cas pour droite, cercle [...]. Mais les nombres imaginaires ou transfinis, bien d’autres êtres mathématiques, sont de pures créations de l’esprit humain. Elles sont justifiées par le fait qu’elles ont permis de résoudre plus facilement des problèmes que se posaient les mathématiciens ou les physiciens, et d’éclaircir des difficultés qu’ils avaient rencontrées. «
Mais il y a les mathématiques et leur propre réalité, édifice bâti par les siècles. Après avoir évoqué les apports de la neurobiologie ou de Piaget quant à l’acquisition des concepts, N. Verdier épilogue sur » le terrible fiasco « de la réforme dite » des maths modernes « , en lui opposant l’objectif » d’apprendre au citoyen à se forger petit à petit un idéal profondément démocratique, car dénué de tout argument d’autorité « , puis il prône, citant Denis Guedj, » la capacité des mathématiques à ne pas renier leur passé « : » En mathématiques, les révolutions [...] se font en construisant de nouveaux univers qui soit englobent les précédents, soit se placent à leurs côtés. Les nouveaux êtres jamais n’annihilent les anciens... «
Conclusions :
De l’auteur : » Nous voici parvenus au terme de notre voyage initiatique [...]. Nous avons appris à parler des mathématiques, à les qualifier, à les appréhender, etc. : il est temps d’apprendre à en faire « .
La mienne : Cet ouvrage ne peut que donner envie d’aller plus avant dans les maths ! À recommander en toutes classes de lycée, toutes sections et pour tout » honnête homme « de notre temps.
7. HOMO MATHEMATICUS : » Les mathématiques et nous « , par Jean-Pierre BOUDINE. Éd. Vuibert.
Brochure de 208 pages. Présentation dense, mais claire et illustrée. En fin du livre : des » bonnes adresses « (d’associations), » quelques sites mathématiques « , 21 brièvement présentés, des » Orientations bibliographiques « et une chanson de Guy Béart : » La Vénus mathématique « . Pas d’index.
No ISBN : 2-711752-65-8. Prix 110 F.
La mathématique, dit l’auteur, » est constituante de notre nature « . Sa » démonstration « est à la fois solide, brillante, captivante, tant par le fond, riche de savoirs étendus, que par la forme, servie par un style clair et serti d’humour.
Les deux premiers chapitres : » L’ART DE PYTHAGORE « (26 pages) et » LA POSTÉRITÉ D’ARCHIMÈDE « (60 pages) ont pour trame l’histoire des mathématiques, des premières civilisations à nos jours. On y rencontre, bien sûr, tous nos grands savants, en des biographies pleines de vie et de saveur, émaillées, de façon à la fois concise, précise, abordable, par leurs s essentielles. Mais il y a aussi tous ceux qui ont joué un rôle un tant soit peu important dans l’approche ou l’application de celles-ci. Ainsi, pouvons-nous faire connaissance avec Gérard de Crémone (1114-1187) (traducteur, en équipe, de 80 textes latins), John Harrisson (qui, en 1761, produit une horloge à la précision décisive pour la mesure du temps), Al-Aytham (965-1039) (physicien arabe qui va contribuer à refondre l’optique), ... et une foule d’autres.
Mais, en une architecture d’ailleurs harmonieuse, les étapes chronologiques sont traversées par des coupes verticales. D’abord pour les grands problèmes qui ont tant contribué à faire les mathématiques(*) :
- les classiques » impossibles « : les trois » grecs « , la démonstration de l’axiome euclidien des parallèles, des formules de résolution par radicaux des équations de degré „ 5,
- le grand théorème de Fermat,
- le repérage géographique et la mesure du temps,
- la géode,
- les conceptions de l’infini,
- ...
Ensuite pour de remarquables phénomènes peu à peu perçus, analysés, expliqués. Ainsi pour l’arc-en-ciel, les vibrations... On suivra avec passion » le cas du soliton « , de 1834 aux années 1970-75, en quatre actes aux imbrications maths-physique...
Enfin, pour des réflexions sur l’âme même des mathématiques, sur ses ressorts internes :
- maths et jeux,
- pourquoi la Grèce à l’origine de notre mathématique,
- variations sur évidence et rigueur,
- apprendre à voir,
- tendre l’oreille,
- chausse-trapes logiques,
- indépendance, stabilité et spécificité,
- démonstration et argumentation,
- démonstration et appel aux ordinateurs,
- notion de vérité et travaux de Gödel (incomplétude, indécidabilité, ...),
- qu’est-ce-que l’activité mathématique ?
- ...
Chemin faisant, l’auteur insiste sur une symbiose maths-langage : avec Euclide, » la preuve s’éloigne de l’expérience et ses ressorts ne relèvent plus que du suivi de contraintes internes au langage, ce qu’on appelle la logique « . Or, selon Lacan, » le langage n’est certes pas une « superstructure », c’est un constituant de l’être « .
Il souligne aussi un aspect trop méconnu : celui de l’absence d’une clôture de pensée en mathématiques : » Quand arrive le moment de la Renaissance, c’est un nouveau printemps pour la philosophie, la physique, l’astronomie, les mathématiques, la médecine... « . Cela se fait généralement contre des » autorités « : Aristote, Ptolémée, Galien, les interprétations d’alors de la Bible, Or une telle révolte n’a pas lieu en mathématiques... Elle eut été sans objet : » la mathématique exige ... une appropriation actuelle et personnelle. La preuve doit être appréciée ici et maintenant. ...] Il n’y a pas de voie royale, mais pas non plus d’édit princier « .
Mais voici le Chapitre III : » LA FÉE MATHÉMATIQUE « (18 p.). » Dès aujourd’hui elle promet autant et plus que sa devancière « . » Ce que fut l’électricité pour le XXe siècle, les mathématiques vont l’être pour le XXIe « .
» Nous sommes entrés dans l’ère du « tout mathématique » à peu près au cours des années soixante-dix « . Des raisons :
- le développement des autres sciences,
- des mathématiques assez développées pour modéliser les phénomènes alors émergents,
- une puissance des ordinateurs suffisante pour conduire à des résultats explicites,
- les besoins sociaux.
Jean-Pierre Boudine évoque notamment :
- les signaux, les profils, les robots, les codages et décodages,
- la » mathématique à la corbeille « (!) avec sa formule - douteuse ! -, de » Black et Sholes « tellement crue que » sa prédiction peut modifier tant la pluie que le beau temps (boursiers) !,
- le calcul, avec une puissance des ordinateurs qui, loin d’être la fin des maths, « exige beaucoup de théories nouvelles »,
- l’étendue et les incidences des modélisations, avec « le rôle envahissant de la théorie des probabilités » pour en cerner validité et contours. Avec, aussi, une vision renouvelée des mathématiques : à partir de la revue « Matapli », J.-P. B. cite 18 titres de colloques et 31 sujets de thèses qui se situent « loin des constructions théoriques extrêmement générales qui ont fait la fierté des » bourbakistes « ... [...]. Au contraire, il s’agit là du spécial et du particulier. [...]. Il faut envisager que de telles mathématiques soient en tout cas aussi légitimes que les autres, et, le cas échéant, intéressantes et belles ».
J.-P. B. médite ensuite sur les avatars, au long des siècles, des constituants de « la richesse des nations ». Aujourd’hui, dit-il, « la discipline stratégique », c’est la mathématique. Mais « le » tout mathématique « ne dispensera jamais l’homme de juger avec sa tête, son cœur, son intelligence, son caractère et son sens moral ».
Le Corbusier introduit le Chapitre IV : « LA PRÉSENCE D’UNE ROYAUTÉ » (38 p.), « loi d’infinie résonance, consonance, ordonnance » de la mathématique au sein des arts. J.-P. B. y déploie, pour notre bonheur, une vaste culture relative au dessin et à la peinture, à l’architecture, à la musique... : surfaces minimales, gammes, groupes de frises à Grenade ou chez Brahms ou Chopin, musiques « stochastiques », « algèbre » de Kandinsky, trouvailles de Mondrian, J.-Cl. Oriol, Escher, Penrose, etc., avec, bien sûr, les ballets du nombre d’or...
D’une culture aussi sûre, J.-P. B. nous régale ensuite des maths en littérature, avec, notamment, R. Daumal, Queneau et l’Oulipo, J.-L. Borgès, des textes classiques de Stendhal, Dostoïevski, Lautréamont, du dénigrateur Chateaubriand, et, longuement, d’un Michel Tournier rebelle « aux vérités mathématiques » traitées avec un bel humour !
Lacan est aussi de la fête avec son attirance pour les mathématiques (trait fondamental de son « parlêtre »), ses utilisations du ruban de Möbius, de la bouteille de Klein, de la théorie des nœuds, de la compacité, etc., et son « best », son « idéal » : « la formalisation mathématique, [...] seule capable de se transmettre intégralement ».
Suit l’éloge de René Thom, philosophe et mathématicien, avec sa théorie des catastrophes et sa relance du débat autour de « qu’est-ce qu’expliquer ».
Le chapitre VI, « LE SOUCI DE CONDORCET » (44 p.) est un texte « engagé » concernant, pour la France et notre temps, l’enseignement des maths et les réformes successives (celle dite des « maths modernes », et ses suites, occupe quelque huit pages).
« Homo mathematicus passe, en France, beaucoup de temps à l’école. Entre le quart et le huitième de sa vie... ». Est-il judicieusement employé ?
D’après J.-P. B., « notre système scolaire va mal, mais c’est un des meilleurs », ce qui suppose que l’on se garde d’en copier de plus atteints ! Attention : l’état de ceux-ci pourrait préfigurer notre avenir... Mais le traditionnel débat sur le niveau de l’enseignement est une notion bien trop statique. « La société, le monde, l’école, ne sont pas immobiles. Plus que du niveau, il faut se soucier d’évolutions relatives, de ruptures d’équilibres, de turbulences. Les enseignants sont confrontés à une réalité interne au système éducatif, son trop faible rendement » (celui-ci évalué non à l’aune des examens, mais de ce que les élèves acquièrent vraiment). Or, Condorcet s’inquiétait : « la démocratie plus l’ignorance populaire, c’est le plus court chemin vers le despotisme, via la démagogie ».
Après avoir repris l’analyse de démarches mathématiques et de réactions face à elles,
J.-P. B. nous entraîne dans « l’archipel des polémiques concernant l’intelligence »... À Babeuf (l’intelligence est un privilège source d’une inégalité à combattre), il oppose Condorcet qui compte sur l’éducation.
Notant que les deux conceptions lui semblent coexister aujourd’hui, J.-P. B. fustige un long refus de sélection dont un avatar ultérieur est la sélection par l’échec, « bien plus importante et totalement occulte, sous la toge virginale de l’égalitarisme » [...], qui « permet la sélection - sociale - d’un » dessus du panier « »... « Compétition, sélection, choix, devraient à nouveau être reconnues comme des dimensions indispensables de tout grand système éducatif, y compris dans sa mission de formation culturelle et professionnelle de l’ensemble des citoyens » avec un « correctif » : pas de sentiment d’inégalités irréversibles, des « passerelles », un côté « provisoire » (mais comment ?) des sélections...
J.-P. B. déplore aussi, au sein du cycle long, des orientations trop tardives. On peut souhaiter une culture générale tous azimuts, mais comment y faire réellement face ? Il dénonce une prétention à l’universalité « quelque peu mystifiante » et lui oppose l’intérêt « d’avoir beaucoup travaillé sous l’aiguillon d’une passion particulière ». Initier, oui, et, à partir de là, orienter plus vite, par exemple, en maths, « avec une option renforcée dès la Quatrième ».
J.-P. B. déplore la voie d’excellence « raréfiée » : la section la plus matheuse, choisie et réussie même par de médiocres matheux... et suggère d’autres filières d’excellence en étendant à d’autres domaines la « vertu d’exigence » des maths. D’autant que, répète J.-P. B., « les grands problèmes de notre époque ne sont pas seulement des problèmes scientifiques » : ainsi pour « la vie collective des êtres humains, leur relation avec l’environnement, [...], le chômage, la misère, les guerres, les épidémies, ... ».
J.-P. B. conclut en appelant à un traitement sérieux de ces problèmes-là. La mathématique « manifestation d’un certain genre d’unité de l’esprit humain (unité de l’intelligible) ne pourrait en être absente ».
Capable de citer Saint Augustin, Maimonide ou Spinoza aussi bien que Poincaré, Gödel ou Hilbert, Boole ou Lewis Carroll aussi bien que César Franck ou Debussy..., J.-P. B. fait preuve en son livre d’une rare culture, jamais écrasante, au contraire. Par exemple, s’il cite l’axiome du choix, l’hypothèse du continu, les théories de Gödel, les 26 groupes sporadiques..., tout est clairement expliqué...
J.-P. B. sait, aussi, laisser des problèmes ouverts, par exemple, à propos du « genre d’être » des objets mathématiques, et en disant pourquoi...
Oui, ce livre est un intelligent, superbe et séduisant panorama de ce qui fait l’Homo Mathematicus, des merveilles produites au cours des siècles et de l’espérance qui l’habite pour que la mathématique soit toujours plus « - pas la seule -, une bonne école de pensée ». Un livre de conviction et de talent. Un vrai plaisir.
8. MERVEILLEUX NOMBRES PREMIERS par Jean-Paul DELAHAYE, Éditions BELIN.
No ISBN : 2-84245-017-5. 336 pages. 155 F.
Kronecker aurait dit : « Dieu a fait les nombres premiers, tout le reste est l’oeuvre des hommes ».
Il l’aurait dit s’il avait lu ce nouvel ouvrage que Jean-Paul Delahaye, après son « Fascinant nombre ¼ » propose à tous les publics. Sauf les analphabètes, et encore... Car même pour eux, qui peuvent le faire lire par quelque parent ou ami, il y a motif d’émerveillement, et peut-être d’émulation, par l’exemple, entre autres, de ces tout jeunes prodiges (p. 92 et suiv.) factorisant sans écrire des nombres impressionnants.
Le voyage à travers cet univers des nombres premiers est conduit par un guide patient, prodigieusement documenté, familier mais rigoureux. Aucune bibliothèque d’établissement scolaire ne peut omettre de le présenter en de multiples exemplaires, et aucun professeur, quel que soit son domaine, ne renoncera à y puiser des sujets de recherche ou de discussion. Quant aux étudiants de niveau Bac + n, ils seront étonnés d’y trouver une foule de propriétés qu’ils ne soupçonnaient même pas, là même où ils croyaient tout connaître.
Trois cents pages, c’est peu, sur un tel sujet. Nul doute que l’auteur a dû se soumettre à des renoncements déchirants, mais il n’en laisse rien paraître. Démarrant au niveau de l’école communale, (comment on y calcule le quotient et le reste d’une division... !), il guide le lecteur à travers l’exubérance d’un paradis numérique prodigieux où tout ce qui pouvait être démontré en termes simples n’en est pas moins rigoureusement établi. Le spectaculaire surgit presque à chaque page : il n’est pas question de tout prouver, évidemment, et, d’ailleurs, on est loin de le pouvoir, mais le lecteur est poussé à désirer en savoir davantage.
Un chapitre est consacre à l’Histoire des nombres premiers, mais les repères historiques abondent partout, les anecdotes piquantes allègent la lecture sans pour autant détourner l’attention, il y a des tours de magie, des jeux, des paradoxes, des histoires farfelues (une en passant : ce mathématicien qui ne dormait avec sa femme que les jours du mois dont le numéro est un nombre premier...), l’histoire de Marcel Pagnol qui pensait avoir découvert LA formule donnant tous les nombres premiers !
Beaucoup de dessins, de tableaux, une permanence d’illustrations humoristiques (de Leila Bellon), la collaboration d’un grand nombre de collègues mathématiciens, le soin minutieux d’un grand éditeur, tout concourt à la réussite totale.
Les neuf Chapitres traitent tour à tour des premières définitions, des résultats fondamentaux, de troublantes curiosités, de l’Histoire, des formules de nombres premiers, de leur densité et de leur répartition, des écarts, de la cryptographie, et enfin des nombres premiers les plus morphologiquement disparates.
Vous avez dit « disparates »... Comme c’est disparate ! Des nombres premiers économes, prodigues, raccourcissables, palindromiques, permutables, circulaires, et autres « primévaux »... vous n’appelez pas ça « disparate » ? Et de surcroît, si certains sont seulement là pour le coup d’oeil, d’autres n’en constituent pas moins des matériaux ressortissant à de solides théories, ou promis à des utilisations spécifiques.
Naturellement, l’auteur étant informaticien, il ne manque pas d’entraîner son lecteur à la recherche d’algorithmes : calculatrices de haut niveau et ordinateurs seront sollicités pour la vérification ou la recherche d’une foule de propriétés surprenantes, pendant que les lecteurs plus candides resteront pantois devant des réalités insoupçonnées...
Une bibliographie abondante d’une centaine de titres, les uns accessibles à tous, d’autres disponibles en bibliothèques spécialisées, permet d’explorer plus profondément ce que l’ouvrage n’a pu qu’évoquer.
L’index est minutieux, on y retrouve rapidement les auteurs et les notions.
« Voyage au cœur de l’arithmétique », dit le sous-titre. Voyage parfaitement organisé qu’on voudra refaire cent fois : une lecture ne suffit pas, c’est sûr, et même si on retient tout, si on assimile tout, on ne se lassera pas du style, qui fait de chaque paysage déjà vu un paysage nouveau.
NDLR : Vous pouvez consulter sur le site de « Pour la Science » l’analyse de l’éditeur : http://www2.pourlascience.com/bouti...
9. La Recherche de la Vérité, par Michel SERFATI et autres. ACL-Les Éditions du Kangourou, décembre 1999.
No ISBN 2-87694-057-4. 336 pages. 147 F.
Depuis de nombreuses années, Michel Serfati anime à l’ENS un séminaire de l’IREM de l’Université Paris VII consacré à l’histoire et à la philosophie des mathématiques. Avec ce nouveau volume, les Éditions du Kangourou ouvrent une collection dédiée à l’écriture des mathématiques et reprennent la publication de textes à caractères épistémologiques.
Dans une introduction de 25 pages qui s’ouvre par une citation de Descartes : « avancer en la recherche de la vérité ... c’est en cela que consiste mon principal bien en cette vie », Michel Serfati présente la ligne directrice de l’ouvrage, motif de ses choix : la recherche opiniâtre de la vérité tant historique qu’épistémologique.
Dans le premier article « Le secret et la règle », il développe en quarante pages, à propos de la procédure de résolution des équations du troisième degré et de la querelle entre Cardan et Tartaglia, quatre centres d’intérêt : l’analyse des techniques algébriques, la question ontologique des radicaux de négatifs, la priorité scientifique, la question éthique du statut d’un serment.
L’article suivant, de Michel Waldschmidt, « Les débuts de la théorie des transcendants », décrit, en 26 pages, leur histoire de 1844 à 1900. La préhistoire est marquée par les apports de Leibniz, Euler, Lambert et Lagrange, mais c’est Liouville qui, en 1844, exhibe le premier transcendant comme lieu approché par des rationnels, Hermite qui en 1873 démontre la transcendance de e, Lindemann qui établit celle de ¼ en 1882, ce qui clôt la recherche de la quadrature du cercle, et Hilbert qui, en 1900, reformule la conjecture d’Euler dans son septième problème (l’irrationalité de l’exposant entraîne la transcendance de l’exponentielle).
Le troisième « Une application de l’algèbre linéaire : le calcul des probabilités », de Marc Barbut, reprend en vingt pages un texte publié dans notre Bulletin il y a une trentaine d’années, développant, comme Pascal, le calcul des probabilités à partir d’une théorie élémentaire de la décision privilégiant l’espérance mathématique comme concept premier.
Dans le quatrième, « La petite musique de la géométrie intégrale », Rémi Langevin, en trente pages abondamment illustrées, présente les résultats les plus récents de sa spécialité, après une introduction historique (aiguille de Buffon, paradoxes de Bertrand, travaux de Poincaré après l’apport de Cauchy, Crafton et Grassmann sur la mesure d’une famille de droites).
Dans le cinquième, « La dialectique de l’indéterminé, de Viète à Frege et Russell », Michel Serfati traite en trente pages une question centrale de l’écriture des mathématiques : la représentation du « donné » dans le texte symbolique, innovation majeure de la fin du XVIe siècle due à François Viète - c’est lui qui dégage le concept d’" indéterminé « , bientôt habillé par Leibniz d’un terme commode, mais ambigu, de variable -. La polémique entre Frege et Russell au début de notre siècle montre que le statut de la variable n’était pas encore réglé.
C’est à une vaste fresque pédagogique d’Euclide à Zermelo et Hilbert que nous convie en quarante pages Patrick Cigielski dans » Un fondement des mathématiques « qui expose les cheminements historiques millénaires et les ressorts profonds qui nous ont conduits depuis Euclide et Aristote à l’élaboration d’un fondement incarné au début de notre siècle dans l’axiomatique de Zermelo-Fraenkel (désignation qui exclut injustement Skolem).
Tout le monde connaît l’énoncé du » problème des quatre couleurs « , posé il y a plus de 150 ans et résolu à l’aide d’un ordinateur en 1976. Olivier Huduy propose ici en trente pages un tour d’horizon : après l’histoire de la conjecture et des démonstrations fausses (certaines résistèrent onze ans !), il montre l’apport de la théorie des graphes à la reformulation du problème, la technique de démonstration et le débat sur la validité de l’utilisation de l’ordinateur qui s’en suivit.
L’article suivant, de Michel Paty, » La création scientifique selon Poincaré et Einstein « (40 pages), analyse la description par Poincaré de la découverte des fonctions fuschiennes (qui sont à la géométrie de Lobatchevski ce que les fonctions doublement périodiques sont à celle d’Euclide) et le rôle de l’intuition et des analogies ; il décrit ensuite la démarche d’invention des théories de la relativité par Einstein. Il en conclut que, pour ces deux savants philosophes, » les idées scientifiques sont de libres constructions de la pensée « .
Dans le neuvième exposé, Yuri Matiassevitch pose, à propos du dixième problème de Hilbert, la question » Que peut-on faire des équations diophantiennes ? « . Posé par David Hilbert au Congrès des mathématiciens en 1900, ce dixième problème peut s’énoncer ainsi : » trouver un algorithme permettant de décider si toute équation diophantienne admet des solutions entières « . Matiassevitch répondra de façon définitive que ce problème est indécidable en 1971. Il décrit ici en une trentaine de pages les étapes de la résolution s’appuyant sur les travaux de Gödel, Türing et Church en théorie de la calculabilité.
Le dernier article de Jean Benabou présente en trente pages » Une analogie en théorie des catégories « , cherchant à convaincre le lecteur de tout ce que l’on peut tirer d’une analogie bien choisie. Il fournit une modélisation convaincante du concept d’observation, regrettant que la théorie des catégories ne soit pas assez connue des mathématiciens malgré les nombreux ouvrages fondateurs publiés entre 1952 et 1958.
Cette longue présentation, ne peut donner qu’un aperçu sommaire de la richesse et de la variété de l’ouvrage. Par sa diversité, il peut être abordé de bien des points de vue et constitue une mine d’exemples et de situations pour qui veut comprendre et enseigner l’histoire de notre discipline et analyser les démarches de recherche et d’explication des concepts.
10. » BOURBAKI. Une société secrète de mathématiciens. « . Collection » Les Génies de la Science « . No trimestriel Fév.-Mai 2000 de » Pour la Science « dû à Maurice MASHAAL.
96 pages, illustrées, bien présentées en 210 × 280.
Table des matières :
- Qui est Bourbaki ?
- Un groupe se forme (le 10-12-34...).
- La saga d’un nom.
- Jeunes Turcs contre pontifes sclérosés (le fossé de 14-18, ...).
- Les » Éléments de mathématiques « (déjà 7000 pages, de 1939 à 1998).
- Cap sur l’axiomatique et les structures.
- Bribes bourbachiques : les filtres (inventeur : Henri Cartan, 1937).
- Le(s) séminaire(s) Bourbaki (864 exposés).
- Potaches, subtils et austères (deux visages...).
- » Pour l’honneur de l’esprit humain « ? (titre d’un ouvrage de J. Dieudonné, issu de C. Jacobi)... avec quelques aveuglements et refus.
- Les » maths modernes « à l’école (... au pessimisme final à mon avis exagéré).
- Un mathématicien immortel ? (Attention, dit J.-P. Kahane : » L’unité des mathématiques n’est pas fondée sur une racine, la théorie des ensembles, comme le prônait Bourbaki, mais sur le fait que les différents rameaux communiquent entre eux ".
L’ouvrage est à la fois très documenté, solide, aussi objectif que possible, et plaisant. Un excellent outil de culture.
NDLR : Vous pouvez aussi consulter le dossier qui se trouve sur le site de « Pour la Science » : http://www2.pourlascience.com/genie...
11. Les aléas de la Raison : de la théorie des jeux à la psychologie, par Lászlò MÉRÖ. Éditions du Seuil, mars 2000.
No ISBN 2-02-033924-2. 334 pages. 138 F.
Il s’agit de la traduction française d’un ouvrage publié en hongrois en 1996. L’auteur, mathématicien de formation, travaille maintenant à l’Institut de psychologie expérimentale de Budapest après un passage à celui d’informatique.
Ce livre a pour thème la pensée rationnelle et développe la thèse que, pour l’essentiel, la pensée humaine n’est pas rationnelle, y compris dans la résolution de problèmes où les outils de la logique pure seraient les plus adaptés. Bien que contenant des éléments pouvant faire l’objet d’un cours universitaire, il se veut un essai écrit pour le lecteur à l’esprit curieux et destiné à provoquer débats et nouvelles approches.
L’ouvrage est divisé en trois parties. À travers divers jeux et situations de la vie quotidienne, la première (Jeux moraux) expose les principes de base de la Théorie des jeux articulée autour des théorèmes de Von Neumann (1947) et de Nash (prix Nobel d’économie 1994) sur des exemples élémentaires :
- enchères et face à face (la boxe est un sport où même le vainqueur est sévèrement battu),
- le héros est une brute (si tout le monde raisonnait de même, les courses de chevaux n’auraient plus d’intérêt),
- le dilemme du prisonnier (qui se trouve face à des barreaux n’est pas forcément prisonnier, il a des chances d’être dehors),
- la règle d’or (agir différemment peut revenir au même),
- le bluff (certains yogis sont capables de transpercer leur thorax d’une aiguille. En fait, ils trichent : ils commencent par écarter leur cœur).
L’auteur inclut formule et outillage mathématiques, ce qui entraîne quelques redites et longueurs. En fait, les jeux décrits peuvent servir de modèle aux grandes compétitions économiques et stratégiques contemporaines et permettent de classer les approches psychologiques et morales.
La seconde partie (Aux sources de la diversité), un peu plus difficile, montre comment les principes de la théorie des jeux peuvent se manifester à travers cinq domaines scientifiques :
- la théorie des jeux de John Von Neumann : c’est un fait mathématique, dans de nombreux cas, la décision la plus rationnelle possible se prend à pile ou face ;
- la psychologie : compétitions dans un même but (l’honnêteté est impardonnable) ;
- la biologie de l’évolution : faucons et colombes (l’altruisme sert en premier lieu son propre altruisme). ;
- l’économie : socialisme et libre entreprise (pendant que d’autres se disputent le butin, tu peux t’en emparer) ;
- la physique quantique : à quoi jouent les particules élémentaires (souvent particule vraie, bien fol qui s’y fie).
La dernière partie (psychologie de la rationalité), au cœur de la démonstration, est une analyse psychologique de la pensée rationnelle à ne pas confondre avec la pensée logique :
- à la folie, pas du tout (qui effeuille la marguerite cherche bien à savoir s’il est lui-même amoureux),
- un irrationnel raisonnable (mon cerveau a beau comprendre, je n’y arrive pas),
- rationalité collective (c’est dans la meilleure cachette qu’on te cherchera d’abord),
- diversité de la pensée (en définitive, il est rationnel que la pensée humaine soit irrationnelle),
- bien des voies mènent au nirvana (nous n’avons qu’une manière d’être tous différents).
L’ouvrage est complété fort utilement par les références précises des citations et une très abondante bibliographie dont on regrettera seulement qu’elle ne donne comme date que celle de la réédition la plus récente, ce qui facilitera l’accès à la référence, mais ne permet pas de la situer historiquement.
La longue énumération des sous-titres montre l’humour parfois provoquant de l’auteur qui a, en outre, agrémenté chaque chapitre de petits dessins ; tout cela rend bien agréable la lecture malgré l’austérité de certaines questions. L’enseignant de mathématiques pourra présenter quelques-uns des jeux et des situations dans sa classe de collège ou de lycée en liaison avec ses collègues d’économie ou de sciences de la vie.
12. Statistiques et probabilités pour les sciences économiques et sociales, par Maurice COMTE et Joël GADEN. Presses Universitaires de France, Collection Major.
No ISBN 2 1304 9682 2. Mars 2000. 259 F. 517 pages.
Écrit par deux enseignants de l’Université de Lyon 2, ce livre est destiné aux candidats des CAPES, interne et externe, de Sciences Économiques et Sociales et recouvre assez largement les programmes des séries S et ES.
Chaque chapitre comporte un grand nombre d’illustrations et d’exemples et quelques exercices corrigés en détail.
Regrettons toutefois qu’il ne comporte ni bibliographie, ni index, ni indication sur les sources des exercices et leur relation avec les problèmes et questions effectivement posés aux concours.
13. MATHÉMATIQUES FINANCIÈRES, par Marie Boisonnade et Daniel Fredon. Collection Express : Objectif : « Réviser la question ». Éd. Dunod.
Brochure de 156 pages en 150 × 210. Bonne présentation, claire. Index.
No ISBN : 2-10004318-8. Prix : 74 F.
Public visé : BTS et IUT tertiaires, DPECF no 3, Deug économie et gestion, AES, IEP, écoles de commerce et de gestion, ...
L’ouvrage est conçu sous forme de fiches. Chacune comporte quatre rubriques : concepts généraux, l’essentiel à savoir, compléments, applications (3 ou 4 exercices corrigés).
Six fiches concernent les « notions de base » : en maths, sur l’usage des calculatrices et tableurs, sur les intérêts, simples ou composés, les taux (" proportionnel « , » équivalent « , actuariel).
Huit fiches traitent des » emprunts et investissements « : les divers types d’emprunts et de remboursements, le prix d’une obligation, ...
Enfin huit fiches étudient des cas : Plan d’épargne logement, emprunts à paliers, renégociations, ..., revenus trimestriels et portefeuille obligataire.
Bien fait, à la fois complet, simple et clair, l’ouvrage peut convenir à des apprentissages aussi bien qu’à des révisions. Et, au » public visé ", j’en ajouterai un autre : celui des épargnants ! S’ils ont quelques bases de maths, ce livre leur permettra de comprendre aisément les mécanismes financiers usuels !