Bulletin Vert no 443
novembre — décembre 2002
Où en sont les mathématiques ?
production de la S.M.F., sous la direction de Jean-Michel KANTOR.
Éd. Vuibert, juillet 2002.
440 pages.
ISBN : 2-7117-8994-2.
Cette anthologie réunit dix-huit textes publiés de 1974 à 1997 dans la « Gazette des mathématiciens » à l’intention d’un public mathématicien non spécialiste du sujet traité ; à de rares exceptions près, les auteurs sont français. Comme toute anthologie, elle résulte de choix et ne prétend pas être exhaustive en répondant à la question posée ; mais elle permet de mesurer le chemin parcouru et la vitalité du secteur en précisant dans un commentaire inédit de chaque article l’état actuel des recherches.
- Dans le no 1 (1974, 12 p.), Pierre Samuel fait l’historique du quinzième problème de Hilbert (justification rigoureuse du calcul des nombres géométriques de Schubert) que commente en anglais Steven L. Kleiman, spécialiste de géométrie énumérative.
- Dans le no 2, « Du nouveau sur les racines de l’unité » (1980, 24 p.), John Coates et Georges Poitou étudient l’action du groupe de Galois sur les classes d’idéaux ; Pierre Colmez donne une nouvelle démonstration du théorème de Mazur et Wiles et l’extension aux corps totalement réels.
- Le no 3 (Robert Azencott, 1986, 11 p.) est consacré aux algorithmes d’approximation aléatoire dits de recuit : issus de la mécanique statistique, ils sont très performants pour la restauration d’images bruitées ; Jean Michel Morel montre la richesse actuelle de ce domaine.
- Dans le no 4 (1987, 13 p.), François-Xavier Le Dimet, traite quelques problèmes mathématiques en météorologie et Olivier Talagrand donne une bibliographie récente.
- Dans le no 5 (1990, 36 p.), Jacques Dixmier développe quelques aspects de la théorie des invariants que complète Michel Brion par de nouvelles références et quelques problèmes ouverts.
- Michel Émery présente ensuite (1990, 29 p.) un aperçu du calcul stochastique, tel qu’il s’est développé depuis vingt ans et Yves Le Jan cite des travaux très récents démontrant des conjectures sur les marches aléatoires.
- La contribution de Daniel Bennequin, « En marge de l’apologie de Witten » (1990, 30 p.), montre l’aide essentielle que la géométrie différentielle apporte à la physique mathématique (théorie topologique des champs, supercordes).
- Frédéric Charbonnier et Stéphane Fermigier présentent alors les codes correcteurs d’erreurs (1991, 16 p.) et Jacob H. Van Lint les développements récents des codes géométriques.
- Claude Roger traite des « Déformations algébriques et applications à la physique » (1991 , 35 p.), tandis que Giuseppe Dito et Daniel Sternheimer reviennent sur la genèse, le développement et les avatars de la quantification par déformation durant ces trente dernières années.
- Le no 10 ( Jean-Louis Cathelineau, 1992, 50 p.) présente le renouveau depuis une dizaine d’années du troisième problème de Hilbert (étude des congruences de polyèdres par découpage) et parcourt, à l’aide de nombreuses figures, le groupe des polytopes en diverses dimensions.
- Mark J. Gotay et James A. Isenberg expliquent ensuite (La symplectification de la science, 1992, 20 p.) autour de sept exemples pourquoi la géométrie symplectique devient un outil indispensable pour comprendre le comportement à grande échelle de systèmes complexes.
- Dans le no 12, « Une introduction à la topologie symplectique », (1991, 17 p.), Claude Viterbo présente des résultats et méthodes de topologie symplectique et quelques problèmes ouverts, puis Jean-Claude Sikorov les complète par quelques développements récents (9 p.).
- Dans le no 13, « Invariants de nœuds, catégories tensorielles et groupes quantiques », (1993, 22 p.), Christian Kassel montre comment le formalisme des catégories tensorielles permet d’expliquer les convergences de la topologie des nœuds ou des variétés de basse dimension avec l’algèbre et la physique mathématique (groupes quantiques). Le commentaire de Pierre Vogel en précise les différentes étapes.
- Dans le no 14, « Wiles’s proof of the Taniyama-Weil conjecture for semi-stable elliptic curves over Q » (1995, 20 p.), René Schoof donne le schéma de la preuve d’Andrew Wiles, puis Loïc Merel cite les travaux récents où l’on trouve la démonstration complète de la conjecture en chamboulant la structure topologique de la démonstration de Wiles.
- L’article suivant de Claude Weber (questions de topologie en biologie moléculaire, 1995, 14 p.) décrit les expériences qui permettent d’étudier deux familles d’enzymes qui modifient la topologie des molécules d’ADN dans l’espace, ce qui est essentiel pour intervenir chimiquement. Deux de ses élèves, Andrzej Stasiak et Jacques Dubochet, précisent comment depuis 1995, on a amélioré la compréhension de la physique de séparation des nœuds et des polymères noués.
- Le no 16 (Polytopes convexes entiers, 1996, 27 p.) de Michel Brion, complété par Jean-Michel Kantor est consacré aux enveloppes convexes de points à coordonnées entières. Depuis E. Ehrhart, on leur associe un polynôme qui permet de les manipuler, mais il reste des problèmes non résolus.
- Dans le no 17 (Points d’inflexion sur les courbes réels, 1997, 25 p.), Felice Runga reprend un travail de Félix Klein (1876) à la lumière de la théorie des singularités d’application. Maurice Garay donne une abondante bibliographie qui permet de mesurer la postérité de la formule de Klein en géométrie algébrique réelle.
- Dans le dernier chapitre (Rencontres avec un géomètre, 1998, 42 p.) Marcel Berger présente magistralement l’œuvre illuminée d’éclairs de Mikhael Gromov en algèbre, analyse, topologie, géométrie riemannienne et toutes les perspectives qu’elle ouvre vers l’avenir.
Voilà un volume très riche et très dense, fournissant une foule de références sur les mathématiques contemporaines ; félicitons les rédacteurs successifs de la Gazette de les avoir sollicités et publiés et Jean-Michel Kantor de les avoir choisis, complétés et rassemblés dans ce magnifique ouvrage.