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Présentation Dossier : Histoire de l’enseignement des mathématiques (III)
Résumé de l’article
Deux précédents dossiers (Bulletins 438 et 439) avaient amplement mis en évidence combien l’enseignement des mathématiques « se trouve (…) au carrefour
de contraintes d’ordre disciplinaire, épistémologique, social, idéologique,
pédagogique dont la résultante a dépendu des temps et des publics concernés [1] ».
Cela a été illustré jusqu’à présent surtout par des exemples assez proches et familiers,
tirés de l’histoire de France des trois derniers siècles, cette histoire qui a façonné
notre France contemporaine.
Le dossier qui suit pourra vous paraître plus étranger. L’article de Maryvonne Spiesser : Les manuels d’arithmétique pour les marchands dans la France du XVe siècle présente un monde bien moins familier, encore marqué par les structures et les
valeurs du Moyen-Âge, et qui pourtant s’en éloigne en développant de nouvelles
catégories sociales et d’autres lieux de pouvoir qui mettent en avant le commerce et
les valeurs marchandes. Les nombreux manuels d’arithmétique écrits à cette époque
sont à la fois le reflet et le moteur de cette évolution : « Il se forge en France, durant le XVe siècle un nouveau type d’arithmétiques qui se développent en dehors de
l’Université. Ce sont des ouvrages pédagogiques, qui reflètent la nécessité d’une
formation mathématique pour les futurs marchands ». En plus de la très riche
documentation historique sur la fin du Moyen-Âge que nous donne cet article, le
lecteur y trouvera une belle collection de problèmes d’arithmétique originaux
utilisables dans nos classes.
Plus étranger encore vous paraîtra l’article d’Arnaud Gazagnes : Un problème de
restes et sa résolution par Qin Jiushao au 13e siècle . Il vous fait plonger dans un
univers mental et culturel radicalement différent du nôtre ; un univers qui n’a pas
connu Euclide et sa marque indélébile sur toute la science occidentale ; un univers où
les mathématiques sont a priori un art mineur, ce dont Qin Jiushao veut se défendre
dans l’introduction à son Traité mathématique en neuf sections, d’où le problème en
question est extrait :
Peut-être que mes œuvres serviront comme matériel pour des hommes bien nés, à la
connaissance large, pour occuper leurs loisirs, car bien que les mathématiques
soient un art mineur, cela vaut la peine de les poursuivre. Aussi je souhaite dédier cet
ouvrage à mes collègues. S’ils disent que leur habileté dans cet art mineur est
complet, et qu’il ne convient qu’aux astronomes et aux clercs de province, et
demandent pourquoi il faut en faire usage pour tout l’Empire, cet ouvrage ne leur
montrera-t-il pas qu’ils sont dans l’ignorance ? [2]
Question que nous ne manquerons sans doute pas de nous poser en lisant cet article !
Bien que concernant une langue et un pays étrangers, en l’occurrence la Suisse
alémanique, les mathématiques présentes dans le troisième article, une fois traduites
en français, nous sont tout à fait familières car faisant partie de la culture
mathématique d’un bachelier ordinaire à l’aube du dernier siècle, celles de La copie
d’Einstein à l’épreuve de mathématiques du Bac . Einstein un bachelier ordinaire ?
En 1896, à l’âge de 17 ans et demi, Albert Einstein passe sa Maturitätsprüfung,
équivalent de notre baccalauréat, tout comme des milliers d’autres camarades de son
âge, sans qu’à l’époque rien ne le distingue, sinon une certaine indépendance d’esprit
et une originalité de caractère susceptibles plutôt de le défavoriser dans des études
secondaires alors déjà très encadrées et réglementées. Alors Einstein était–il un bon
élève au lycée ? Ferez-vous aussi bien (voire mieux) que lui pour les solutions aux
exercices qui lui ont été posés ? La comparaison entre les épreuves passées par
Einstein il y a un peu plus d’un siècle et celles passées par nos élèves peut être
l’occasion d’une réflexion fertile sur les modalités et les enjeux d’une épreuve de
mathématiques au baccalauréat.
<redacteur|auteur=500>