Réforme des lycées compte-rendu de l’entrevue avec Jean-Paul de Gaudemar

L’APMEP a été reçue, à sa demande, par Jean-Paul de Gaudemar, au ministère de l’Éducation Nationale, le mercredi 1er octobre. Pascale Pombourcq et Catherine Combelles représentaient l’association.

Jean-Paul de Gaudemar, recteur de l’académie d’Aix-Marseille, est, comme on le sait, chargé du projet de réforme des lycées. L’entretien a duré environ une heure, nous le résumons ci-dessous, sous forme de questions-réponses.

Nous connaissions les grandes lignes du projet : enseignements semestriels découpés en modules de 3 heures.

En seconde, il est prévu trois types de module :

  • les « enseignement généraux », identiques pour tous, pour l’instant sont concernés par ce dispositif les maths, le français, les LV1 et 2, l’histoire et géographie, l’EPS ;
  • les « enseignements d’exploration ou d’approfondissement » au choix ;
  • les « enseignements d’accompagnement » à raison de 3h hebdomadaires pour tous les élèves.

 

Questions et réponses

  • Question :
    Quelle sera la place des mathématiques dans la nouvelle seconde ?
    • Réponse :
      La seconde est vue comme une plate-forme ouvrant sur des études plus spécialisées préparant à l’enseignement supérieur. Le lycée est actuellement trop refermé sur lui-même, il fonctionne en vase clos. L’objectif du lycée ne doit plus être la simple préparation du baccalauréat, mais la préparation à des études supérieures réussies. Nous souhaitons que les liens entre les lycées et les universités se renforcent. Il y a ici et là des initiatives intéressantes, mais elles restent insuffisantes et il faudra des mesures institutionnelles pour généraliser et élargir cette liaison.
       
      Nous évoquons alors les IREM, citons l’opération « Hippocampe » organisée par l’IREM de Marseille.
      Oui, bien sûr, les IREM pourront jouer un rôle dans cette entreprise.
      En seconde, certains élèves ont déjà fait un choix d’orientation, nous souhaitons qu’ils puissent l’expérimenter. D’autres sont encore indécis : nous souhaitons qu’ils puissent disposer d’une palette d’enseignements variés pour se décider. La seconde actuelle annonce deux options, en réalité, il n’y en a qu’une, car tous les élèves étudient une deuxième langue. Nous voulons laisser un peu plus de choix aux élèves, avec 4 modules semestriels au choix.
      Les mathématiques sont indispensables dans tous les cursus par leur universalité, elles font donc partie des « enseignements généraux » : il y aura un module de mathématiques commun à tous. Mais les mathématiques auront aussi une place dans les autres enseignements : dans les enseignements d’accompagnement, on peut penser à un travail d’aide ou de remise à niveau pour les élèves qui en ont besoin et à d’autres formes de travail, tourné vers la préparation à l’enseignement supérieur pour les autres.
      Dans les enseignements d’exploration et d’approfondissement, nous pensons à un module de mathématiques appliquées, tourné vers les autres disciplines. Le sujet est délicat car on nous reproche de vouloir recréer des secondes C ; mais nous pensons que les mathématiques ont leur place dans les trois sortes de modules.

       
      Nous rappelons la pétition massivement signée en 1999 demandant 4 heures de mathématiques pour tous les élèves dans toutes les classes du collège et en seconde, et affirmons l’opposition déclarée de toute la profession à un enseignement de mathématiques réduit à 3 heures en seconde.
  • Question :
    Dans le cycle terminal, quelle est l’articulation prévue entre l’enseignement « général » et l’enseignement « optionnel » ? Nous craignons par-dessus tout un module général où un contenu minimum serait servi uniformément à tous les élèves. Nous savons que l’hétérogénéité en mathématiques est énorme au niveau de la première, et nous jugeons à la fois impossible et inefficace de proposer un enseignement mathématique commun à tous dans le cycle terminal.
    • Réponse :
      Mais qu’est-ce qui vous fait croire qu’il pourrait en être ainsi ? Il n’en est pas du tout question. Mettre les mathématiques dans les enseignements généraux, c’est simplement affirmer que tous les élèves suivront un enseignement de mathématiques en première et en terminale : des mathématiques pour tous ne signifient pas nécessairement les mêmes mathématiques. Les modules seront différenciés en contenu comme en niveau de difficulté. Les parcours seront organisés, et bien au contraire, lorsque vous enseignerez tel module, vous saurez que tous vos élèves auront déjà réussi tel et tel autre module, et vous connaîtrez donc les prérequis sur lesquels vous appuyer.
      Les modules seront adaptés à leur public : ainsi, nous réfléchissons à la façon d’organiser les enseignements généraux pour les sections technologiques. Nous voulons qu’ils soient de bon niveau, tout en restant bien appropriés à des esprits plus concrets, et en lien avec les besoins des enseignements technologiques. La question se pose en particulier pour les élèves de profil STI.
  • Question :
    L’organisation en modules nous fait craindre un enseignement émietté en compartiments étanches. Nous en subissons déjà les inconvénients dans les enseignements de spécialité qui rassemblent pour deux heures hebdomadaires des élèves issus de plusieurs classes. Puisque vous connaissez les mathématiques, donnons un exemple précis : vous parlez de congruence en spécialité S, et vous ne pouvez pas citer les puissances de i, parce que certains élèves n’ont pas encore abordé le chapitre sur les nombres complexes. En première S comme en terminale, on pourrait multiplier les exemples de relations fécondes entre les divers contenus de programme. Nous ne voulons pas y renoncer.
    • Réponse :
      Nous avons créé les modules de 3 heures pour avoir des briques de base consistantes. Pourquoi un élève ne pourrait-il avoir deux professeurs de mathématiques ? Rien n’empêchera de toute façon les établissements d’organiser les choses comme vous le dites.
       
      Nous proposons, pour éviter ce cloisonnement d’instaurer des « super-modules » de 6 heures qui compteraient double, pour les disciplines lourdes. Nous pourrions alors conserver un enseignement cohérent dans les sections scientifiques.
    • Réponse :
      On peut penser aussi pour certains élèves à 3 modules de mathématiques.
       
      Rêvons… !
  • Question :
    Les mathématiques ont un côté artisanal, et l’apprentissage des mathématiques passe par le « faire ». Et pour accompagner cette production des élèves, nous avons impérativement besoin de travail en petits groupes. En outre, l’utilisation de l’ordinateur en mathématique prend une place grandissante dans toutes les séries, et il est impossible de faire un TP d’informatique en classe entière. Nous réclamons donc du travail en demi-groupe dans toutes les séries ainsi qu’en seconde. Le travail en section L s’est transformé et dynamisé avec l’introduction des TP d’informatique. Nous avons enfin des élèves littéraires actifs en classe de mathématiques ; ce serait une grande perte que d’y renoncer aujourd’hui.
    • Réponse :
      Chaque discipline présente ses demandes, ceci dit avec tout le respect que je dois à chacun. Je comprends votre souci, nous sommes devant un problème d’optimisation, et nous essayerons de faire au mieux. Mais nous ne pourrons pas répondre à toutes les demandes.
  • Question :
    Nous sommes très inquiets à l’écoute des rumeurs qui circulent sur l’enseignement des sciences. Il nous semble pourtant impossible qu’un lycéen du 21ème siècle puisse traverser trois années de lycée sans rencontrer un seul enseignement de sciences expérimentales. Est-ce que ce pourrait être le cas ?
    • Réponse :
      Pas du tout. Nous sommes très soucieux de la formation scientifique des lycéens : les sciences, comme les mathématiques seront au nombre des enseignements généraux de première et terminale, et tous les élèves, quel que soit leur parcours, suivront donc un enseignement de sciences en première et en terminale. Ce pourrait être un enseignement de culture scientifique pluridisciplinaire pour les élèves non scientifiques. La question que nous n’avons pas encore tranchée est celle de la seconde : il y aura de toute façon des sciences dans les enseignements d’exploration et d’approfondissement, mais nous nous demandons si nous intégrons les sciences dans les enseignements généraux ou si nous obligeons simplement tous les élèves à choisir au moins un enseignement scientifique parmi les 4 modules optionnels. Nous n’avons pas encore tranché ce point, mais tous les lycéens étudieront des sciences.
       
      Nous suggérons que l’architecture serait plus cohérente si les sciences étaient dés la seconde parmi les enseignements généraux…
  • Question :
    Quelle solution comptez-vous proposer au problème de la désaffection des filières scientifiques ?
    • Réponse :
      Nous sommes bien conscients du problème. Les filières scientifiques de l’université ont effectivement perdu 30 % de leurs effectifs en une décennie. Le phénomène est particulièrement grave en physique et en informatique. La filière S ne remplit pas actuellement son rôle, même si ses effectifs restent stables : c’est la filière la plus ouverte sur toutes les voies de l’enseignement supérieur, et c’est pour cela qu’elle attire beaucoup d’élèves qui n’ont pas de véritable appétit pour les sciences. Nous voulons sortir de ce schéma figé en ouvrant davantage les parcours et en respectant davantage les curiosités des élèves. Un élève scientifique pourra suivre un module d’économie, un élève littéraire pourra suivre un module de sciences. Les parcours seront moins étanches que dans les filières actuelles. Mais la dominante scientifique d’un parcours scientifique sera clairement affirmée par l’organisation des choix des élèves. Ces choix seront encadrés et nous ne permettront pas des parcours incohérents.

 

Conclusion

Certains points du projet semblent séduisants. D’autres nous inquiètent. Nous inquiète surtout le climat de restriction budgétaire qui donne à penser que l’objectif premier sera de faire des économies, et que les moyens seront donc mesurés avec une grande parcimonie. L’éducation nationale n’a pas les moyens d’une banque en faillite !

La transformation du lycée qui est envisagée nous semble très radicale : or elle sera comme à l’habitude décrétée d’en haut, et dans la précipitation. Un tel bouleversement réclamerait pourtant que les enseignants s’en saisissent sur le terrain, y réfléchissent, travaillent à des projets. Tout est à faire : réflexion sur les contenus, sur l’articulation entre les divers modules, sur l’évaluation, sur les productions d’élèves adaptées aux divers types d’enseignement, sur la remédiation, sur la place de l’interdisciplinarité, sur la place de l’informatique.

Le chantier est d’importance et mériterait une expérimentation sérieuse. Démarrer une mise en place en seconde en 2009 alors que personne ne s’est encore mis au travail paraît peu réaliste. Le lycée sera d’abord ce que les professeurs en feront. Il est indispensable qu’ils soient associés à la mise au point de ce projet, qui pour l’heure reste tout à fait confidentiel.

 

Les Journées Nationales
L’APMEP

Publications
Ressources

Actualités et Informations
Base de ressources bibliographiques

 

Les Régionales de l’APMEP