René Just Haüy 1743 — 1822
Un scientifique picard important mais méconnu
Saint-Just en Chaussée est une petite ville du plateau picard, au cœur du département de l’Oise. Sur la place de l’Hôtel de Ville on y voit deux statues sur le même socle. Ce sont deux personnages du 18e siècle : l’un est debout, il observe un objet qu’il tient dans sa main droite, l’autre est assis, il semble faire lire un enfant…
Qui sont-ils ?
Les noms sont indiqués sur le socle : René Just Haüy et Valentin Haüy. Valentin, le petit frère, fut le premier à faire lire et écrire des aveugles.
Nous allons nous intéresser au grand frère…
L’abbé René Just Haüy est né en 1743 à Saint-Just en Chaussée. Il est le fils d’un modeste tisserand. Il restera fidèle à sa foi catholique, mènera une vie très simple, ce qui lui permettra de traverser sans trop d’encombres presque un siècle de périodes agitées.
Très jeune, il est passionné par les sciences de la nature, mais il ne découvre la minéralogie qu’à l’âge de 35 ans, en suivant les cours de Daubenton au Muséum. Dès lors, il se plongera dans la recherche sur les cristaux et pendant une quarantaine d’années, il n’aura de cesse de perfectionner la théorie naissante de la cristallographie.
Son œuvre scientifique
Avant lui, Romé de l’Isle avait découvert et énoncé la loi de la constance des angles : « l’angle formé par deux faces adjacentes d’un cristal, quel que soit leur développement, reste constant ».
Haüy fait faire un grand pas en avant à la cristallographie par sa théorie de la « molécule intégrante ». La légende veut que, par maladresse, le bon abbé ait laissé tomber un cristal de calcite qui se brisa en une multitude de rhomboèdres aux formes identiques. Peu importe que l’anecdote soit vraie ou pas : Haüy est certes un grand observateur, mais il est aussi un grand théoricien qui développe une étude physique et mathématique de la cristallographie.
Ainsi il écrit dans l’ « Essai d’une théorie sur la structure des cristaux » (1783) : « Les recherches successives que j’ai faites pour étendre et perfectionner cette théorie, l’ont élevée à un degré de généralité dont je ne l’avais pas crue d’abord susceptible, mais qui ne peut être bien saisie qu’à l’aide du calcul analytique. »
Essayons de donner les grandes lignes de la théorie : un cristal de calcite se clive donc en petites unités qui ont la même forme que le cristal initial. Cette division a un terme défini ainsi par Haüy : « je donne à ces corpuscules, que nous isolerions si nos organes et nos instruments étaient assez délicats, le nom de molécules constituantes ». Haüy montra aussi que toutes les molécules constituantes d’une espèce dérivaient d’une forme primitive par "troncature rationnelle". Il aboutit ainsi à trois types de formes qu’il appelle "molécules intégrantes" et il en déduit que chaque face d’un cristal peut être repérée dans l’espace par des nombres entiers.
C’est la base de l’étude des réseaux cristallins.
Grâce à ces découvertes, Haüy crée la notion d’espèce minérale, identifie, classe et nomme de nombreuses roches et pierres précieuses. Il peut ainsi être considéré comme le père de la Minéralogie et de la Cristallographie moderne, si importante à l’heure actuelle par ses applications !
Sa carrière
L’abbé Haüy reste très modeste et il ne présente ses travaux à l’Académie des Sciences qu’après de multiples sollicitations. Dès lors, il est reconnu par la société savante ; Louis XVI le nomme à l’Académie. Vient la Révolution, il est arrêté deux fois (il est prêtre réfractaire) mais deux fois libéré grâce à l’intervention de ses amis scientifiques. Il est même nommé en 1793, par la Convention Nationale, secrétaire de la Commission des Poids et Mesures : il participe à la définition du décilitre et à la fabrication du mètre étalon.
Il est nommé en 1795 premier Conservateur des collections de l’École des Mines : il y donne des cours très appréciés de Bonaparte qui le nomme chanoine honoraire de Notre-Dame, lui accorde la Légion d’honneur, le charge d’écrire un ouvrage de base sur l’enseignement de la physique dans les lycées. Ce Traité de Physique eut un grand succès (3 éditions).
Après le transfert de l’École des Mines dans les Alpes, Haüy enseigne au Muséum, à la Faculté des Sciences ... Il passe ses dernières années dans son logement du Muséum avec son frère Valentin.
Et les maths dans tout cela ?
Haüy n’est pas mathématicien mais il est plongé dans la géométrie : cubes, octaèdres, rhomboèdres et autres solides n’ont aucun secret pour lui !
L’observation des cristaux peut éveiller la curiosité de nos élèves pour l’étude des solides de la Sixième à la Terminale ! L’étude d’une structure cristalline peut être un beau sujet de TPE en Première et les troncatures du cube un beau thème de travail en Seconde !
Sources
J’ai consulté les encyclopédies classiques, mais aussi le guide Solar sur les minéraux.
Sur le web, on trouve des articles assez complets sur :
- le site de l’École des Mines
- un site concernant les unités de mesure
- le site Gallica de la BNF on peut lire une partie des écrits de Haüy.