A propos de l’enseignement du calcul à l’école primaire III Après la lecture et la grammaire, le calcul...
A la suite de la remise le 23 janvier dernier du rapport qu’il a demandé à l’Académie des Sciences sur « la place du calcul dans l’enseignement primaire », le ministre de l’éducation nationale a fait deux annonces.
La première concerne le calcul mental. Le ministre souhaite que « dès le cours préparatoire, les maîtres consacrent 15 à 20 minutes, tous les jours, à des exercices de calcul mental pour construire patiemment ces automatismes qui manquent aujourd’hui à beaucoup trop d’élèves ». En guise de nouveauté, il ne fait que conforter ce qui est déjà largement inscrit comme priorité dans les programmes 2002 et largement développé et illustré dans un texte d’accompagnement de plus de 15 pages.
La deuxième est très inquiétante, car elle introduit une modification en profondeur de ce que proposent les programmes actuels rédigés en tenant compte des apports de la recherche en didactique et en psychologie cognitive. Il indique en effet que « les opérations doivent être introduites dès la grande section de maternelle pour qu’à la fin du CE1, les élèves sachent additionner, soustraire, multiplier et diviser des nombres entiers simples », ajoutant : « Et je ne veux pas seulement parler du « sens des opérations », mais aussi de la capacité à les poser et à les effectuer ! ». Affirmant s’appuyer sur l’avis des académiciens, il oublie leur forte incitation à la prudence, puisque ceux-ci affirment dans l’introduction à leur texte que « La complexité de la question posée, et sa déclinaison en programmes et instructions pour les inspecteurs (IEN) et maîtres, impose une grande prudence dans l’affirmation de recommandations et conclusions. Il ne serait en effet que trop aisé, dans de telles situations, de solliciter les experts au-delà de ce qu’ils sont en mesure d’affirmer ou de provoquer des incompréhensions profondes chez les maîtres. C’est pourquoi l’Académie, en formulant cet Avis, considérerait comme prudent de s’abstenir de préconisations impératives immédiates, et recommande que les observations ici présentées puissent être corroborées d’analyses plus approfondies, le cas échéant contradictoires, auxquelles elle est toute disposée à apporter son concours. Les changements préconisés devraient alors s’effectuer par paliers, et être accompagnés d’expérimentations sur le terrain, avec une attention toute particulière portée à la formation des maîtres ».
En remettant ainsi en cause les programmes actuels, le ministre fait fi de l’expertise des enseignants comme de celles des chercheurs et néglige l’avis des corps d’inspection qui, dans un rapport établi par l’Inspection générale, estiment que « Le contenu des programmes est apprécié, de même que les documents d’accompagnement dont on aimerait qu’ils soient davantage utilisés ».
En effet, s’il est tout à fait envisageable de proposer aux très jeunes enfants de traiter des situations de partage équitable qu’ils peuvent résoudre par différents moyens en fonction de leurs connaissances disponibles, il est aventureux de vouloir enseigner prématurément une opération aussi complexe que la division. Le risque d’échec ou de blocage est très fort face à des exigences formelles et techniques hors de portée de ces enfants. L’effet obtenu sera inverse de celui annoncé, davantage de difficultés et de rejet des mathématiques. Sans doute conscient de ces effets négatifs, le ministre demande in fine que soit mis en place « un apprentissage plus rigoureux, plus efficace du calcul, mais qui demeure un apprentissage vivant, attractif, et ouvert ». Les mesures annoncées feront qu’on n’aura ni l’un ni l’autre.
Il est vrai qu’il est plus facile d’annoncer de telles mesures, quitte à déconsidérer les enseignants, que de mettre en place un plan de formation ambitieux, comme le demande le rapport de l’Inspection Générale, pour aider les enseignants à mettre en œuvre des programmes qui ont moins de 5 ans d’existence.
Forte de ces arguments, L’APMEP demande au Ministre de renoncer à son projet de texte à propos du calcul.
Le bureau de l’APMEP
Notes :
- ce texte fait l’objet d’un courrier au ministre.
- Dans le prochain Bulletin Vert, Roland Charnay nous proposera une analyse fine de l’enseignement de la division et des méfaits de son enseignement prématuré.