À propos de la réforme du collège communiqué du mercredi 27 mai 2015

S’il existe un point commun à chaque réforme, c’est d’avoir son lot de doutes, d’incertitudes et d’interrogations. Celle-ci ne déroge pas à cette règle, d’autant plus qu’elle est porteuse d’une ambition nouvelle : celle d’une refondation de l’école de la République.

Cette ambition rejoint des préoccupations de l’APMEP présentes dans le texte d’orientation de 2010 : « L’école vise le développement du maximum de potentialités de chacun, et doit mettre en œuvre des moyens suffisants pour aider ceux qui en ont le plus besoin ». Si ce principe s’inscrit évidemment dans une dimension éthique et morale, il ne s’y limite pas. Le dernier demi-siècle a apporté des changements profonds dans le rôle assigné à l’école. La demande sociale d’éducation est en progression constante, la raréfaction des emplois non qualifiés a pour conséquence l’obligation d’une augmentation du niveau minimal attendu de connaissances, de compétences et de culture. L’école doit impérativement se transformer pour y répondre. Cette réforme nous semble prendre la mesure de cette nécessité, elle ouvre des perspectives à explorer mais certainement à compléter.

En premier lieu, nous sommes en accord avec l’idée forte de construire des liens entre les disciplines au service des apprentissages. Citons à ce propos notre dernier texte d’orientation : « La complexité du monde d’aujourd’hui, et le niveau de compétence requis pour s’y intégrer pleinement en tant que citoyen et en tant que professionnel, nous semblent nécessiter un réel " décloisonnement" des disciplines scolaires, qui, associé à un travail en équipes entre professeurs, doit permettre aux élèves de donner davantage de sens à ce qu’ils font. »

En ce sens la rédaction des deux premières parties des programmes en termes de « Spécificités du cycle  » et de « Contributions essentielles des disciplines au socle commun » est une avancée significative vers un changement de paradigme. Afin qu’elles restent au cœur de l’esprit de la réforme, il est indispensable de prévoir un accompagnement des enseignants par la formation initiale et continue. De cette façon, le troisième volet, qui contient les attendus disciplinaires et des ébauches de progressions à l’intérieur des cycles, se concevra comme une aide à la conception des enseignements et non comme une ossature prédéfinie des activités à mettre en place. Nous espérons que l’année de transition prévue entre la publication des programmes et leur mise en application permettra l’organisation de cette indispensable formation.

En deuxième lieu, comme nous pouvons le lire dans l’extrait de notre texte d’orientation, ci-dessous, l’APMEP revendique une certaine autonomie pour les établissements et pour les enseignants : « Cette "égalité des chances" ne signifie cependant pas que l’enseignement est strictement identique pour tous : l’école a en effet tout intérêt à prendre en compte la diversité des élèves (leurs cultures, leurs acquis, leurs rythmes et profils d’apprentissage, leurs personnalités et goûts, leurs environnements familiaux…). Pour tenir compte de ces hétérogénéités, il nous paraît notamment nécessaire de développer, en complément des séances de classe, des "dispositifs d’accompagnement" plus différenciés et plus personnalisés : soutien, approfondissements optionnels, aide à l’orientation, etc. ». « Les professeurs, quant à eux, partagent leur temps professionnel entre plusieurs composantes interdépendantes : séances avec des élèves, travail personnel directement lié à ces séances (préparations, corrections…), mais aussi travail en équipes d’adultes, et formation continue. Leur mission doit rester cadrée par un référentiel national, mais au sein des établissements, les équipes pédagogiques doivent avoir une certaine autonomie d’action. »

Cette autonomie nous semble garante d’efficacité. Elle est une condition essentielle d’une vraie liberté pédagogique. Mais elle ne peut pas et ne doit pas être confondue avec l’« autonomie du chef d’établissement ». Il nous parait indispensable de créer les conditions pour favoriser le fonctionnement démocratique de cette autonomie. Cela passe par un contrôle régulier, par l’institution, des orientations mises en place dans chaque établissement et par un renforcement des moyens de médiation au niveau académique.

En ce qui concerne les mathématiques, pour la première fois, cette réforme prend explicitement en compte ce que l’on appelle « les mathématiques pour le citoyen ». Les évaluations nationales (CEDRE) ou internationales (PISA) se réfèrent directement à cet objectif puisqu’elles se placent clairement dans la perspective d’une utilisation des mathématiques dans le monde réel et/ou dans le quotidien. Comme cela a été rappelé plus haut, ce nouveau point de vue faisait partie de nos revendications. Il ne s’agit évidemment pas de ramener l’activité mathématique de l’élève à cette seule composante. Mais, si, comme on le dit souvent, les mathématiques sont partout, il faut donner au plus grand nombre les outils pour en comprendre l’utilisation. En ce sens, il ne peut s’agir d’augmenter seulement la moyenne des connaissances ou des compétences, mais bien le niveau minimum de chaque élève.

Ces « nouvelles mathématiques » sont à la fois inévitables et exigeantes. Elles demandent que nous apprenions à nos élèves à les reconnaître dans le monde qui les entoure. Comme le montrent les énoncés des exercices que l’on trouve dans les évaluations PISA, elles supposent une maîtrise de la langue plus complète que celle attendue dans un contexte « intra-mathématique ». Les « tâches complexes », prémisses aux problèmes ouverts, supposent la même exigence. Plus que jamais, le travail interdisciplinaire nous paraît indispensable, incontournable.

Les mathématiques ne sont pas seulement enseignées pour « permettre de mieux comprendre le monde ». Elles sont aussi, entre autres, un formidable outil de formation au raisonnement. Dans ce cadre, l’algorithmique, qui sera enseignée dès le début du collège, arrive à point nommé. L’algorithmique remplit tous les aspects du cahier des charges : sa compréhension est nécessaire dans un monde traversé par le numérique ; en même temps, elle est un très bon moyen de préparer à un langage symbolique qui sera bientôt celui de l’algèbre ; l’écriture organisée des instructions s’inscrit dans un processus logique homologue à celui du raisonnement ; enfin, les nouveaux programmes prévoient explicitement d’en faire un enseignement partagé entre mathématiques et technologie.

Dix ans après l’arrivée du socle commun de connaissances et de compétences, la nouvelle réforme du collège vise à en renforcer la cohérence, tout en explicitant les objectifs visés. Elle nous semble supposer des changements importants de pratiques que l’institution devra accompagner. La nécessaire articulation entre des mathématiques pour tous et celles dont on aura besoin pour former des scientifiques ou des mathématiciens n’était pas un objectif premier de la réforme. Néanmoins, il nous paraît indispensable qu’elle soit préparée dans les textes d’accompagnement des programmes et qu’elle soit au centre de la future réforme du lycée.

Ainsi donc, l’esprit global de la réforme semble assez conforme aux revendications de notre association. Mais ses ambitions sont importantes et il semble évident que sans une révision profonde de l’organisation du temps de travail des enseignants, sans une formation initiale et continue à la mesure des enjeux (pour les EPI par exemple), sans de réels moyens de contrôle et d’évaluation des pratiques et de l’autonomie des établissements, ses objectifs risquent d’être très difficiles à atteindre.

 

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