Bulletin Vert n°465
bulletin spécial Journées Nationales
Caen 2006
Compétences transversales : un besoin des élèves à satisfaire.
Marie-Pascale Aubert
L’atelier devait comporter trois parties :
- une mise en situation, avec la recherche d’un petit problème ;
- le visionnement de cassettes vidéo concernant la recherche en petits groupes de problèmes-jeux par différents enfants ;
- le bilan provisoire d’un travail en cours, concernant les transvasements comme situation de recherche en classe, et le pointage des activités transparentes ou transversales mises en œuvre spontanément par ces mêmes élèves.
Une difficulté technique a limité le visionnement. Mais cela n’a pas empêché d’atteindre l’objectif fixé ou du moins de s’en approcher suffisamment.
En fait, j’ai commencé par parler de la recherche concernant les jeux de labyrinthe et les petits problèmes extraits de manuels scolaires et proposés, par mes soins, de façon tout à fait décontextualisée, à des échantillons variés d’élèves, d’étudiants, d’enseignants, et à un échantillon de la population, en 1989 et 1990. Les personnes interrogées avaient de 5 ans à plus de 80 ans. Tout le cursus scolaire était balayé, depuis la maternelle classe de grands jusqu’aux étudiants préparant une thèse de mathématiques.
Le bilan du travail avec les labyrinthes et les problèmes décontextualisés s’est révélé intéressant et permettant de mettre à jour une progression, dans l’élaboration de méthodes de résolution, selon l’âge ou le niveau des connaissances mathématiques. Réciproquement, l’utilisation des jeux et problèmes en phase de mise en condition pour un cours de méthodologie du raisonnement et de la démonstration en mathématiques, en deuxième année de DEUG scientifique, a eu un impact très positif et important sur les capacités à résoudre des problèmes de maths.
Pour les curieux, je renvoie à mes publications antérieures [1].
C’est alors que les collègues ont réfléchi à un problème de transvasement : « Aller chercher 6 litres d’eau à la rivière, avec deux récipients vides, l’un de 9 litres et l’autre de 4 litres, en effectuant des transvasements ». Ceux qui avaient vu le film « Une journée en enfer » se sont sentis au paradis, avec cette question, puisqu’ils y avaient été confrontés, mais avec deux valeurs différentes pour la contenance des récipients. Ils s’en sont tous très bien tirés et cela nous a permis de réfléchir aux capacités transversales mises en jeu dans ces activités. Capacités que j’essaie de pointer, dans des mises en situation du même genre avec des élèves et étudiants de tous niveaux. Il est possible de lire l’étude épistémologique, didactique et historique que j’ai réalisée à ce sujet [2].
Nous sommes plusieurs collègues à concevoir et à expérimenter des situations de recherche en classe (SiRC), et je recommande la lecture d’un article de chercheurs impliqués dans l’équipe « Maths à modeler » [3].
(un récipient plein et deux vides, tous trois de contenance connues), l’analyse des corpus recueillis auprès de différents publics, permet de pointer des activités que l’on peut qualifier de « transversales », c’est-à-dire que l’on trouve lors de confrontations à des champs mathématiques différents, voire non mathématiques. Ce, après les phases de manipulation, avec eau ou sable, propres au primaire. On y voit des phases de représentations à caractères variés, de dénomination, de codage.
Comme on n’a pas d’outil spécifique, il faut en créer ou réinvestir et adapter ceux qu’on connaît.
On part de tentatives de représentation des récipients, dès la maternelle classe de grands, lesquelles se précisent dans le cycle 2 où le dessin, la qualité du graphisme semblent importants. L’esthétisme est de mise pendant un certain temps.
Puis, après les représentations iconographiques — qui perdurent chez certains, jusqu’au lycée et même en Fac —, les formes s’épurent pour faire place à des schémas, puis à des lettres distinctes. On assiste à une sorte « d’algébrisation » facilitante pour le traitement de la situation.
La langue naturelle utilisée, au niveau de l’école primaire, par l’écrit, quand sa maîtrise est possible, fait place progressivement à des symboles et, in fine, à un codage positionnel, comme pour la numération. On trouve des codages différents pour la situation de départ et les états successifs de la situation, mais aussi pour signifier la nature des transvasements. Certaines opérations sont empruntées, à partir d’un certain âge, à l’arsenal mathématique ou aux habitus découlant de la pratique en classe.
Le fait de trouver une solution semble liée à ces diverses capacités qui ne sont pas le résultat d’un enseignement spécifique mais qui se développent et évoluent au cours de la scolarité… Ainsi, quelques élèves, seulement, trouvent une solution à un jeu de transvasement, en CM2 ; pour le même jeu proposé en seconde, c’est une faible proportion de l’effectif qui ne trouve pas de solution.
La forme des raisonnements évolue aussi et un apprentissage peut se faire lors des phases d’institutionnalisation qui suivent la communication des « trouvailles » de chaque groupe d’élèves, en fin de séances de recherche collective.
Il y a beaucoup de points communs avec l’utilisation des jeux de labyrinthe, mais, au niveau mathématique, il est possible d’aller beaucoup plus loin quant au nombre des champs mathématiques abordés. Nous avons, avant de nous quitter, évoqué l’existence d’autres problèmes de transvasements, puisque que nous avions, parmi nous, Guy Noël, co-auteur d’un livre où est proposé un problème de transvasements entre deux récipients contenant des liquides différents. Il s’agit alors de travailler sur les concentrations de chacun des liquides dans les deux récipients : ce qui met en œuvre d’autres connaissances mathématiques que celles répertoriées plus haut.