Bulletin Vert no 463
mars — avril 2006
Des examens sans calculatrices personnelles ?
Dans quelques années, les calculatrices personnelles seront très probablement interdites au baccalauréat. Les progrès techniques réalisés dans le domaine des capacités de communication des machines entre elles, rendront en effet impossible l’organisation d’épreuves équitables.
Pour contrer cette évolution inéluctable, la fabrication de calculatrices « officielles » bridées, conçues spécialement pour l’examen, serait envisagée. La solution est déjà adoptée dans certaines épreuves de première année de Médecine.
Mais son extension aux plus de cinq cent mille candidats au baccalauréat se heurte à de graves difficultés.
Quel fabricant prendra le risque de mettre en circulation des machines de base peu coûteuses, et de voir s’effondrer ainsi les ventes des calculatrices haut de gamme, source de sa fortune actuelle ?
D’autant que, face à l’énorme marché potentiel, de « géniaux bricoleurs » sauront dissimuler sous le capot officiel, les fonctions de communication propres à assurer la réussite… Qui expertisera, à l’entrée des salles d’examen, les calculatrices « autorisées » ?
Quant au « brouillage » des innombrables centres d’examen, on en mesure les difficultés et les inconvénients…
L’épreuve sans calculatrice conduira à des révisions déchirantes.
Elle marginalisera, au Collège et au Lycée, les démarches formatrices et subtiles que les calculatrices rendent possibles et dont de nombreux élèves avaient fait leur miel.
Des pratiques essentielles pour la formation personnelle, professionnelle et citoyenne. Car on ne perd pas de temps, en classe, en démarches non évaluées à l’examen.
Elle révélera aussi les dégâts de l’utilisation sauvage, dès l’école élémentaire, de ces merveilleux outils. Trop d’élèves, dépassés par les évènements, ont remplacé (avec une grande efficacité) l’apprentissage des mathématiques par celui de procédures techniques permettant de répondre à des questions mathématiques sans les comprendre ! Enlevez l’outil, le roi est nu ! Il faudra de douloureuses adaptations pour retrouver des pratiques moins absurdes.
En attendant, les experts du barème assureront les réussites exigées…
L’épreuve « sans calculatrice » sera probablement complétée par une épreuve de « travaux pratiques », avec calculatrice personnelle. Histoire de ne pas trop heurter l’opinion et d’assurer, comme c’est déjà le cas en physique et en biologie, trois points (sur quatre) aux candidats… Question d’équité sans doute ?
Les calculatrices personnelles ont toutes les chances de disparaître des examens de masse, dans toutes les disciplines. Car si on peut (sans état d’âme excessif) fermer les yeux sur les inégalités qu’elles introduisent par leurs capacités de traitement, on ne pourra pas transiger sur la communication (entre candidats et avec l’extérieur) qu’elles rendront banale sous peu.
Nous sommes devant un séisme de grande ampleur. Il faut s’en préoccuper dès maintenant. Pour en limiter les dégâts et en tirer le meilleur parti.
S’interroger sur les contenus vraiment utiles et … accessibles à tous. Définir des contenus indispensables à ceux qui se destinent à des voies scientifiques spécialisées et à la recherche. Et repenser en profondeur l’évaluation des connaissances, dans toutes leurs diversités.
Le chantier est ouvert. Réactions et propositions sont bienvenues.