Éditorial du BGV n°217
CQFD
Ça veut dire quoi, madame ? Comme un code secret, que seules les personnes autorisées connaitraient, on est fier de le reconnaître, de le comprendre puis de l’utiliser. Curieux, nos élèves s’interrogent, ils sont pleins de ressources. Ils veulent comprendre, savoir, dans tous les domaines. Chacun ses points forts, mais ils font souvent preuve de bonne volonté. Ils suivent docilement le cours des réformes, subissent les changements de programmes intempestifs, s’adaptant tant bien que mal. Ils nous demandent du soutien, ils veulent du temps pour réussir, car ils savent qu’ils en sont capables. Ils sont la richesse de notre pays : nos futurs citoyens, ingénieurs, agriculteurs, sportifs, journalistes, soignants, chercheurs, spationautes, artistes, entrepreneurs et autres artisans. Et nous sommes fiers de les accompagner.
Quand est-ce qu’on l’utilise, cet étrange CQFD ? C’est une manière de terminer en beauté. Des arguments pertinents qui trouvent leur place dans un raisonnement clair, limpide, inattaquable. La satisfaction d’avoir réussi à transformer une question en une réponse évidente. Toute la joie de ceux qui font vivre les mathématiques. On apprend petit à petit : on s’interroge, on devine, on cherche, on représente, on modélise, on calcule. On trouve un chemin vers la solution dans ce qui paraissait un labyrinthe difficile puis on met en forme un raisonnement, on l’améliore, le perfectionne jusqu’à pouvoir le présenter, l’offrir aux autres. Cet acronyme est le point final qui clôt le questionnement en apothéose.
Faut-il tout justifier ? Une règle n’a de légitimité que lorsqu’elle est comprise et acceptée de tous. Il nous arrive d’admettre un résultat, dans ce cas c’est la confiance qui sert de caution. Depuis des années, les enseignants se sont appliqués à rendre accessibles au plus grand nombre les mathématiques, et à cultiver la curiosité et l’envie des élèves, jonglant entre les exigences des programmes et la réalité. Pourtant, la réduction des horaires, la surcharge des programmes et les modifications du cadre scolaire mettent de nouveau notre matière au cœur de la sélection, privant ainsi nombre de jeunes du plaisir des mathématiques. Comment autant de qualités et de bonnes volontés peuvent-elles se retrouver ainsi piégées dans un système éducatif qui broie ses personnels et maltraite ses élèves ?
Démontrer, ça sert à quoi ? Prouver, établir la vérité, donner aux arguments un écrin pour les faire briller. Les enseignants essaient de former leurs élèves dans un climat qu’ils aimeraient serein et sûr mais les conditions se dégradent et le temps manque, les empêchant de faire correctement leur travail. Aujourd’hui, l’Éducation Nationale sombre, attaquée de toutes parts. De la maternelle à l’université, en passant par les formations initiales et continues, aucun secteur n’est préservé. On se protège comme on peut, on limite les dégâts sur nos élèves autant que possible. Des collègues de qualité souffrent, s’isolent ou abandonnent. D’autres se regroupent et se défendent tant bien que mal contre un insatiable fossoyeur. Au fond, on se demande juste si notre institution n’est pas devenue Celle Qu’il Faut Détruire.
Membre du bureau de l’APMEP