Le BGV — année 2022
Éditorial du BGV n°223
Deux poids deux mesures
Notre ministre prétend que la concertation est au cœur de l’élaboration et de la mise en place de toutes les réformes : la réforme du recrutement, la réforme du lycée, les changements de programme. Chaque décision serait le fruit d’une concertation invitant « l’ensemble des acteurs concernés à s’exprimer ».
Pourtant nous savons bien à l’APMEP qu’obtenir l’écoute du ministère demande du temps et de la persévérance. Nous avions été étonnés en février que le ministre annonce à l’Assemblée Nationale avoir pris contact avec les associations de spécialistes alors que nous n’avions pas encore été invités à nous exprimer. Et surpris plus encore que les membres du comité de consultation sur l’enseignement des mathématiques au lycée général soient ceux-là même qui avaient présidé à la réforme. Comment penser qu’ils seraient ouverts à la remise en cause de la structure qu’ils avaient imaginée ? En ces temps où l’évaluation externalisée est tant vantée comme la plus efficace, la déontologie n’aurait-elle pas nécessité d’éviter que les membres du comité soient juges et parties ? Comment, aussi, se sentir vraiment écoutés alors qu’après trois mois de concertation, les recommandations de la commission en 2018 n’avaient déjà pas été prises en compte ?
De déontologie, il en avait déjà été question quelques mois auparavant. Mais cette fois, il ne s’agissait pas de faire mine d’écouter mais plutôt de faire taire.
En juin 2021 en tant qu’élu au conseil de l’INSPE de Strasbourg, Richard Cabassut exprimait des critiques vis-à-vis la réforme du recrutement et de l’entrée dans le métier des futurs enseignants. Ces critiques, partagées par de nombreux acteurs de la formation initiale, auraient dû nourrir à cette concertation tant vantée par le ministère. Peu de temps après, notre collègue apprenait avec stupeur que la Rectrice de l’Académie de Strasbourg le relevait de ses missions académiques de formateur national expert sur la résolution de problème en mathématique. La Rectrice reconnaissait à la fois sa liberté d’expression et ses compétences dans le domaine mais indiquait que la déontologie interdisait qu’il poursuive ses missions.
La déontologie serait-elle à géométrie variable ?
La concertation serait-elle acceptable uniquement quand les avis exprimés vont dans le sens du ministère ?
Les premiers éléments de notre enquête sur l’enseignement des mathématiques au XXIe siècle montrent que nous avons collectivement envie d’être entendus. Mais comment savoir alors si nous pouvons nous exprimer sans crainte ?
En tout cas, l’APMEP ne cessera pas de faire entendre votre voix !