Bulletin Vert no 438
janvier — février 2002
Editorial du Bulletin 438 Agir ensemble pour aboutir
Agir ensemble pour aboutir
Le phénomène est bien connu, le rapport aux mathématiques est complexe, ambiguë, il laisse rarement indifférent. Cela va des passionnés à ceux qui se flattent d’avoir été toujours nuls, prétendent souvent qu’elles ne servent à rien puisqu’ils ont « réussi » et le proclame d’autant plus fort qu’ils jouissent d’une certaine notoriété. Cette attitude altère l’image des mathématiques et ne peut que compliquer les relations que nos élèves entretiennent avec elle.
Vouloir multiplier les séries d’excellences au lycée, comme s’y sont employés trois ministres successifs, était un objectif ambitieux auquel l’APMEP avait adhéré. En réalité, ce sont les séries qui fonctionnaient le mieux, les scientifiques, qui ont été sacrifiées, sans que pour autant, les autres en tirent un réel profit ... Les exigences institutionnelles sont brouillées, le ministère admet que les programmes ne soient plus être intégralement traités, que les règlements ne soient plus respectés ... Paradoxalement, tout en affirmant la nécessité que tout citoyen ait une meilleure culture scientifique, que notre société a un besoin croissant de techniciens, d’ingénieurs, de scientifiques, de chercheurs, tout un train de mesures laxistes ont incité progressivement les élèves à travailler de moins en moins et les horaires de mathématiques ont été réduits. Disposant de moins de temps, comment les professeurs de mathématiques pourraient-ils former aussi bien des élèves qui travaillent moins ? Leur mission devient donc aujourd’hui d’autant plus difficile qu’ils répugnent à rendre leur enseignement plus sélectif en survolant les programmes comme le leur impose le temps dont ils disposent. La crise de l’enseignement des mathématiques est donc bien réelle. Des générations de jeunes sont ainsi sacrifiées et l’avenir scientifique du pays peut-être compromis…
Les bureaux successifs de l’APMEP n’ont cessé d’alerter parents et responsables ministériels des dangers des réductions d’horaires, de revendiquer des horaires hebdomadaires convenables au collège et au lycée, de faire des propositions pour inciter les élèves à choisir les voies scientifiques, pour faire évoluer les épreuves de bac, … . Elle avait même organisé une pétition il y a deux ans… Que peut-elle faire aujourd’hui ?
Rappelons que l’APMEP est un lieu de libre parole, de confrontation des idées, d’analyse, d’échanges, de formation et de propositions, qu’elle s’est fixé pour mission la valorisation des mathématiques comme instrument de formation et non de sélection. Elle agit pour défendre ses positions, pointer les dysfonctionnements, revendiquer les conditions nécessaires à la meilleure formation possible du plus grand nombre d’élèves. Pour cela, elle utilise ses bulletins, ses brochures, son serveur, ses régionales, ses militants, elle intervient auprès des parents d’élèves, des autres associations de spécialistes, des syndicats et des responsables du ministère de l’éducation nationale.
Les interventions normales, courriers, rencontres avaient jusqu’à ces dernières années quelques effets. L’APMEP était reçue dans des délais raisonnables et l’on répondait régulièrement à ses courriers. Aujourd’hui, la plupart de nos démarches auprès des responsables de l’éducation nationale restent sans réponses et lorsque nous arrivons à être reçu nous repartons les mains vides… Que nos propositions et nos revendications ne soient pas toutes retenues est compréhensible, mais aucune ! Le dialogue ne fonctionnerait-il plus dans notre pays ? Estime-t-on que les enseignants n’ont ni à suggérer, ni à revendiquer, qu’ils ont seulement à exécuter ? Imagine-t-on que le système éducatif puisse évoluer sans leur adhésion ? Les professeurs de mathématiques seraient-ils méprisés ? Leur peu de considération traduit-il le mépris pour leur enseignement ou leur discipline ?
Persuader, convaincre du bien fondé du rôle et de l’utilité des mathématiques, de leur enseignement, de nos propositions et de nos revendications nécessiterait de changer leur image Quelques mathématiciens renommés, suffisamment médiatiques et déterminés à s’engager dans ce combat pourraient y contribuer efficacement… Le concours des médias serait également nécessaire, hélas, on ne peut guère y compter… Faut-il casser des ordinateurs et brûler des copies devant les préfectures pour attirer l’attention et se faire entendre ?
Parce qu’ils ont une autre conception de la démocratie, les professeurs de mathématiques ne peuvent que rechercher d’autres moyens d’actions. La communauté mathématique tout entière, professeurs, inspecteurs, chercheurs doit se mobiliser et agir au plus vite. Unie, parlant d’une seule voix elle se fera entendre, elle en a les moyens, elle doit en avoir le volonté.
Cette union se réalisera d’autant mieux que l’APMEP se mobilisera toute entière dans des actions multiples. L’action du bureau ne suffit plus. L’APMEP n’a pas la capacité à descendre dans la rue et une grève ferait surtout des heureux, sauf celle du bac si nous l’osions… L’APMEP vient de lancer une pétition sur les horaires, elle doit recueillir au moins 30 000 signatures ce qui représente plus d’un professeurs de mathématiques sur deux… Nous devons aussi intervenir massivement avec insistance et fermeté auprès des différents échelons de la hiérarchie, des parents, des syndicats, des élus, des candidats aux prochaines élections… Si nous sommes suffisamment nombreux à agir avec détermination et persévérance nous finirons par aboutir. C’est dans ce combat long et difficile que l’APMEP vous demande aujourd’hui de vous engager.