Bulletin Vert n°468
janvier — février 2007

Éditorial du Bulletin 468

La bosse des maths

J’ai été interviewée au mois de septembre par le Monde de l’Éducation sur la phobie des maths.

Quelques mois plus tard une journaliste de Top Famille qui voulait jeter un regard positif sur les mathématiques m’a demandé ce que je pensais des « bons en maths ». Je dois avouer qu’il est aussi difficile de répondre à l’une ou l’autre de ces questions. Même si nous rentrons, nous professeurs de mathématiques, très certainement dans la deuxième catégorie, il n’est pas facile d’expliquer pourquoi on est bon en maths. D’autant que nous nous sommes tous retrouvés en difficulté à un moment ou à un autre sur un domaine des mathématiques. Pour ma part ce fut en géométrie et topologie dont la beauté m’est restée à peu près hermétique… Et je suis tout aussi incapable d’expliquer ce qui m’a tellement émerveillée dans la théorie des corps finis !

De toutes façons inutile de chercher une explication sophistiquée, puisqu’il y a la « bosse des maths » ! Il est bien vu dans certains milieux, politiques et journalistiques en particulier, de clamer haut et fort son incompétence mathématique, et quand on est bon en math c’est tout simplement à cause de ou grâce à une déformation de la boîte crânienne. Mais pourquoi parle-t-on de la bosse des maths et non pas de la bosse des lettres ou de la bosse des sciences ? Pourquoi y aurait-il quelque chose de magique à être bon en math ? Serait-ce une façon de se dédouaner ? Je ne peux pas être bon en math puisque je n’ai pas la bosse des maths !

Google propose 396 000 réponses à la phrase « bosse des maths ». Un site propose même un forum de discussions autour de cette expression. Voici ce que l’on peut lire sur l’un des sites : « La bosse des maths vient de la phrénologie, pseudoscience du 19e siècle qui faisait un pont entre la forme du crâne et la personnalité ou les capacités intellectuelles de chacun. Située à l’origine par le fondateur de la phrénologie, Frantz Gall, au niveau du front et considérée par lui comme le “ sens des nombres ”, cette excroissance crânienne serait la conséquence d’une aptitude innée très développée aux chiffres et aux nombres, aux raisonnements mathématiques. Malheureusement il n’en est rien. La bosse des maths n’existe pas ! ». D’autant plus que l’expression est restée dans le langage courant pour évoquer uniquement les super calculateurs. Laure Zago, docteur en neuropsychologie nous avait présenté, dans la conférence de clôture des journées nationales de Caen, les résultats obtenus à partir des nouvelles techniques d’imagerie cérébrale sur le calcul mental et le raisonnement arithmétique chez des calculateurs normaux et des calculateurs prodiges. Lorsqu’il est soumis à un calcul, le cerveau travaille en plusieurs endroits, les deux hémisphères sont mis en branle et s’activeront d’autant plus et mieux que l’apprentissage aura été important. Chez un calculateur prodige, différentes zones s’activent et collaborent ensemble pour lui permettre ses exploits intellectuels. La passion pour les chiffres est évidemment l’élément déclencheur, les capacités mathématiques seront ensuite d’autant plus développées qu’elles seront entretenues et exercées, et la « collaboration » entre les hémisphères cérébraux parfaitement huilée.

Il n’en reste pas moins que cette expression a la vie dure. Les Échos titraient, à la fin du mois d’août : « L’entreprise a la bosse des mathématiques ». Ils y expliquaient que les mathématiques sont sollicitées par plusieurs secteurs économiques pour résoudre des problèmes complexes. Deux mille mathématiciens travaillent désormais dans les entreprises françaises contre une centaine, il y a vingt ans.

De tout ce que j’ai lu sur le sujet, je ne retiendrai qu’une phrase : « les capacités mathématiques seront ensuite d’autant plus développées qu’elles seront entretenues et exercées ». Bien sûr, au départ il y a très certainement un intérêt pour les nombres puisque ce sont eux que nous croisons en premier. Mais il n’y a pas de miracle, sans un travail minimal et régulier, ce seul intérêt ne mènera pas loin. Pour progresser dans la découverte de l’univers mathématique, l’élève aura besoin des outils mathématiques, qu’il aura appris à maîtriser tout au long de son apprentissage. Et c’est la même chose dans toutes les disciplines, qu’elles soient scientifiques ou littéraires !

Ce n’est donc pas la peine de se cogner la tête contre son livre de math, il y aura bosse peut-être, mais pas des maths !

 

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