Bulletin Vert n°492
janvier — février 2011
Éditorial du Bulletin 492
Pisa et politiques éducatives
Le rapport Pisa soulève la question récurrente de l’efficacité de notre système éducatif par rapport aux autres pays de l’OCDE. Le constat n’est pas bon puisque la France arrive en milieu de peloton pour les réussites en sciences, mathématiques et français. L’information la plus inquiétante est sans conteste la confirmation que notre système éducatif ne régule plus les différences sociales. L’écart entre les meilleurs et les plus faibles s’accroit et montre une hétérogénéité de plus en plus marquée dans nos classes. L’hétérogénéité comme élément moteur de gestion des classes n’est donc plus un atout, lorsqu’elle devient trop importante. Le constat médiatique qui en résulte, consiste à dire que les jeunes français ne réussissent pas dans un enseignement des mathématiques trop élitiste et inégalitaire.
Même si les modalités d’évaluation de Pisa sont contestables (toute évaluation l’est), les résultats doivent nous interpeller. Cependant, nous ne devons pas tomber dans un défaitisme consistant à dénoncer un enseignement qui ne fonctionnerait plus du tout. Car la vraie question n’est pas tant de savoir si notre enseignement n’est plus adapté, par rapport à ceux des autres pays qui réussissent mieux, mais de juger les politiques éducatives mises en place au collège depuis une quinzaine d’année. Les collègues enseignant en collège qui s’expriment dans nos comités, témoignent depuis longtemps que l’enseignement des mathématiques n’est plus un outil sélectif. Mais dans le même temps, ils témoignent aussi des difficultés de plus en plus importantes qu’ils rencontrent pour effectuer correctement leur métier. Les rapports Pisa datant de trois ou six ans montraient déjà que nos élèves ne figuraient pas parmi les meilleurs. Mais quelles ont été alors les réactions et les directives de l’Institution, mises en place pour contrecarrer cette situation ? Aucune de très précises et incisives assurément. Les réponses en termes de disparition des dédoublements, de diminution des horaires, de tentatives de parcours diversifiés jamais réellement évalués comme les IDD ont été ni crédibles ni efficaces. Les PPRE imposés par la loi comme moyens d’accompagnements personnalisés des élèves décelés en difficultés sont en nombre très insuffisant. Les politiques éducatives qui se sont succédé ont alors une part de responsabilité indéniable dans ce constat d’échec renouvelé.
Depuis 2006, la loi impose, pour la première fois à l’Éducation nationale, que tout élève doit posséder un socle commun de compétences et de connaissances à la fin de sa scolarité obligatoire. Notre dernier comité a montré que depuis quatre ans, la formation, les modalités de mise en place et d’évaluation du socle n’ont pas été à la hauteur des enjeux. Rien n’a finalement été modifié au collège, par rapport à une ambition telle de modification des pratiques pédagogiques et d’évaluation qu’induit le socle, à part des conditions d’enseignement qui se sont aggravées.
L’enseignement au collège doit être repensé dans son rôle de premier cycle de l’enseignement secondaire. Il doit redevenir le lieu permettant à toute les catégories sociales d’accéder à des études de durée variable, mais avec les mêmes chances d’y parvenir. Autrement dit, Le collège doit rester le lieu d’un enseignement commun à tous les élèves, tout en prenant en compte leurs différences et leurs difficultés. Il faudra être attentif en particulier, à ce qu’il ne recrée pas de filières précoces, empreintes de déterminisme social, sous prétexte que les constats en fin de parcours sont moins bons qu’ailleurs. Il sera nécessaire de faire preuve d’ambition politique nouvelle. La suppression des redoublements repose sur le constat qu’ils ne servent en général à rien. Cela doit être vrai. Mais un passage systématique, dans la classe supérieure, d’un élève dont les difficultés ont été révélées, sans accompagnement ou processus d’aide, ne servira pas davantage. Il serait nécessaire de renouer avec des groupes de travail à effectif réduit, conservant une certaine hétérogénéité motrice et motivante pour tous. Certains élèves ont besoin de plus de temps pour s’approprier les notions du programme. Il faut le leur donner et leur assurer ainsi les mêmes chances de parcours et d’orientation scolaire, jusqu’au socle commun, mais aussi au-delà. Adapter les contenus des programmes, en les lissant pour gommer les difficultés, n’est certainement pas la solution. En revanche, transformer des pratiques d’enseignement qui permettent à chaque élève de s’adapter à son enseignement et à son rythme d’apprentissage, dans des parcours diversifiés, permettrait de rétablir cet ascenseur social dont tout le monde constate qu’il a disparu.
L’APMEP proposera aux candidats à l’élection présidentielle, des mesures nécessaires et ambitieuses dont l’enseignement moyen a besoin. Il est temps d’arrêter la médiocrité dans les politiques éducatives dont tous les indicateurs montrent les constats d’échec, plutôt que de rejeter la responsabilité des échecs sur les disciplines et leurs contenus.