Bulletin Vert n°506
novembre — décembre 2013

Éditorial du Bulletin 506

Une copie à revoir

Si vous ne le savez pas encore, la Khan Académie a débarqué en France.

Je ne vais pas vous faire ici le portrait de Salman Khan, on le trouve partout sur Internet. Je vais plutôt vous parler de ce que l’on trouve sur le site http://version.officielle.khanacademy.fr/.

Que trouve-t-on sur ce site ? Des tutoriels vidéo. Avant de vous en décrire le contenu, je voudrais vous en donner la raison d’être (ou du moins ce que j’ai cru en comprendre) : il ne s’agit pas de remplacer l’enseignant, ou de compléter son cours.

L’enjeu est tout autre : ces tutoriels sont prévus pour se situer en amont du cours.

Imaginons la situation : dans une classe utilisant cette méthode, les élèves voient le cours sur Internet, puis vont en classe pour poser des questions au professeur et sans doute approfondir avec lui des notions présentées dans le tutoriel. Ce n’est pas une démarche très habituelle, mais pourquoi pas. Certains collègues font travailler le cours à leurs élèves avant de l’aborder en classe. À tout prendre, je préfère encore le support informatique au support papier. On comprend mieux pourquoi les vidéos de la Khan Académie se présentent sous la forme d’un tableau noir sur lequel « quelqu’un » écrit et explique son travail.

On peut discuter longuement sur la pertinence d’une telle méthode, mais il semble qu’elle ait connu un grand succès aux Etats-Unis.

Ce qui est nettement plus gênant, c’est le contenu des vidéos.

Tout d’abord on peut craindre qu’un petit film de 7 ou 8 minutes, parfois plus, rarement moins, ne donne pas les conditions d’une attention soutenue.

Évidemment, l’élève pourra le voir et le revoir, mais la répétition à l’identique est-elle source d’un bon apprentissage ?

Mais il y a deux problèmes bien plus graves : leur inadaptation au niveau où elles devraient s’appliquer et l’imprécision (c’est un gentil euphémisme) du vocabulaire utilisé. Ces deux aspects ont en fait une même cause : les vidéos présentées sont des traductions pures et simples de leurs homologues américaines.

L’opération est d’autant plus douteuse que le bruit court que ces traductions auraient été faites par des professeurs de maths respectables : des normaliens. Même les journalistes qui m’ont interviewé sur le sujet me l’ont affirmé.

C’est un véritable affront fait aux normaliens. Je vous en laisse juge.

Voilà une vidéo estampillée « classe de troisième » qui s’intitule : la factorisation des nombres premiers. Tout un programme. Le sous-titre est aussi très intéressant : Trouver la décomposition en facteurs premiers de 75, écrire ta réponse en utilisant la notation exponentielle. De quoi perturber n’importe quel élève de … troisième (à condition que la décomposition en facteurs premiers soit au programme). Le reste est avant tout l’exposition de la technique.

La caractéristique principale de ces vidéos est qu’elles ne se préoccupent en définitive que d’expositions de techniques. Or, avec beaucoup moins de battage et de prétention, cela a déjà été fait (je le sais puisque j’en ai fait moi-même).

Au-delà des imprécisions du langage (il paraît qu’il y a des programmes informatiques permettant de trouver le plus grand nombre premier qui existe ‼) ou même des concepts utilisés, il y a une approche pédagogique assez singulière et une conception des mathématiques extrêmement restrictive. Contrairement à ce qu’affirme Salman Khan dans ces écrits, ce n’est pas par archaïsme que nous devons être méfiants envers ce genre de projet, mais parce qu’alors qu’il n’invente absolument rien, il conduit à gommer une dimension de l’apprentissage des mathématiques : l’esprit critique. Ce n’est pas parce que nous n’arrivons pas toujours à atteindre cette dimension que nous devons en abandonner l’objectif.

Après Marseille,

rendez-vous à Toulouse !

 

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