Bulletin Vert n°510
septembre — octobre 2014
Jean-Louis Ovaert Nécrologie
Le Comité de Rédaction du Bulletin Vert
Sa vie
Jean-Louis Ovaert est mort au mois de juin dernier, peu de temps après son quatre-vingtième anniversaire. Célibataire impénitent, il a eu trois passions dans sa vie : les mathématiques, la musique et la montagne. Il passait ses étés dans son chalet du col du Granon, il connaissait le massif de l’Oisan comme sa poche et en avait gravi bien des sommets. Fin mélomane, il avait une tendresse particulière pour Bach, les polyphonies de la Renaissance et le chant grégorien. Il était aussi fin gourmet et savait, au prix souvent de longs trajets, aller prendre à bonne source armagnac ou foie gras.
Mais sa passion majeure a toujours été lesmathématiques, auxquelles il a consacré la quasi-totalité de sa vie active : en faire, les enseigner, les faire aimer, les défendre.
Né le 2 mai 1934 d’une famille ouvrière du textile à Flers-lès-Lille, il entre à l’ENS de la rue d’Ulm en 1953 et devient agrégé de mathématiques à vingt-deux ans, en 1956. Après sa quatrième année d’ENS, il entre pour trois ans au CNRS, où il travaille notamment sur les distributions. De 1960 à 1962 il effectue son service militaire dans la marine nationale, à laquelle il restera toujours très attaché.
Les années qui suivent se déroulent à Nancy, où il restera jusqu’en 1975 : nommé en 1962 chargé d’enseignement à l’Université, il devient parallèlement professeur à l’École de Mines à partir de 1968 et directeur de l’IREM de Nancy en 1972.
Il quitte ces trois fonctions en 1975 pour assurer une chaire de mathématiques spéciales M’ au lycée Thiers de Marseille, ville qui restera jusqu’au bout son port d’attache. En 1982 il est appelé comme consultant auprès de la Direction des Lycées, alors assurée par son camarade de promotion et ami Claude Pair ; il y travaillera plus de dix ans. Deux ans plus tard, en septembre 1984, il est nommé à l’Inspection générale, où il restera jusqu’à sa retraite, prise en avril 1997. Il avait été fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1992.
Son combat pour l’enseignement des mathématiques
Ce bref cursus ne dit rien de l’essentiel : son œuvre inlassable au service de notre discipline et l’influence profonde qu’il a eue sur son enseignement.
Il a été de longue date un membre actif de l’APMEP : élu au comité pour quatre ans en 1976, il entre au Bureau comme responsable des enseignements post-bac, puis à partir de la rentrée 1977 comme secrétaire général des présidents Daniel Reisz (77-78) et Christiane Zehren (78-80).
Il a joué un rôle moteur dans la mise en place et le fonctionnement de la COPREM (Commission permanente de réflexion sur l’enseignement des mathématiques), qui réunit pendant plusieurs années essentiellement des représentants de l’APMEP et des IREM avant qu’il ne réussisse à obtenir du ministre Alain Savary, l’officialisation de la COPREM, qui élabora notamment les programmes de 1985 et fonctionna jusqu’en 1987.
Comme conseiller de la Direction des lycées, il a été l’un des tout premiers à s’intéresser de près à l’enseignement technique, alors le mal aimé de l’Éducation nationale. Il avait pu constater, à l’occasion d’une étude sur le BTS « Mécanique et Automatismes », les lacunes et les incohérences de cette formation. Pendant une dizaine d’années, entouré par toute une équipe dont les chevilles ouvrières ont été Francis Labroue et Bernard Verlant, il a structuré en modules d’enseignement les programmes de tous les BTS et engagé une profonde rénovation de l’enseignement et des méthodes. Les groupes de réflexion qu’il pilotait ont fortement infléchi les programmes de mathématiques vers une meilleure adéquation à l’évolution technologique (informatique, contrôle de qualité, modélisation géométrique, signaux discrets, algorithmique, …).
Très sensible aux reproches faits à l’époque sur l’« élitisme » de la défunte série C, il avait lancé une petite révolution : permettre aux élèves de série scientifique de choisir librement entre C et D. L’expérience réussit pleinement : le nombre de bacheliers C augmenta de façon appréciable sans que le taux de succès ne baisse. Du coup le Directeur des lycées, qui n’était plus Claude Pair, prit peur : la tyrannie des maths allait s’aggraver. Et l’expérience fut arrêtée.
Jean-Louis Ovaert s’est beaucoup impliqué dans le recrutement des enseignants : il a présidé puis coprésidé avec Jacques Camus le jury du CAPES externe. Il a joué un rôle discret, mais efficace, dans la mise en place et l’évolution des concours internes. Il suivait de très près le recrutement et la gestion des carrières des enseignants de mathématiques des classes préparatoires : quelqu’un a pu dire qu’il y mettait « le soin et l’attention qu’un apiculteur met à ses ruches ». Il a aussi contribué de façon majeure à la rédaction des nouveaux programmes de ces classes.
Ses publications
- Avec Christian Houzel, Jean-Jacques Sansuc et Pierre Raymond
Philosophie et calcul de l’infini (Maspero 1976) - En collaboration avec Lucien Chambadal
Algèbre I et II, Analyse I et II (Gauthier-Villars 1972) - Avec Jean-Louis Verley
dans une collection dirigée par "Léonhard Epistemon"
Algèbre vol. 1 (1981) et Analyse vol. 1 (1983), enrichies d’instructives notes historiques (Cedic/Nathan)
La collection est restée inachevée, mais il travaillait avec Éric Van der Oord à une nouvelle édition.