L’apprentissage des mathématiques de la prime enfance à l’âge adulte
C’est l’intitulé du colloque qui s’est tenu les 7, 8 et 9 juillet à Mons en Belgique. Organisé par le Centre de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques de Belgique, son objectif était de dégager des fils conducteurs afin de penser l’apprentissage des mathématiques dans son ensemble, d’un bout à l’autre et dans l’ordre.
Durant ces trois jours, conférences plénières, communications et ateliers se sont succédés à un rythme élevé, ce dont personne ne s’est pourtant plaint, gage de l’intérêt et de la qualité des interventions.
Citons, entre autres :
-celle de Nicolas Rouche (Université Catholique de Louvain), plaidoyer pour une émergence (initiale) graduelle des mathématiques à la faveur de l’observation -et des questions qui en découlent- de phénomènes naturels simples, intelligibles par tous. Cette approche va du particulier vers le général, chaque pas vers la généralisation étant une mutation et non pas une transformation continue. Elle rejette les concepts prématurés et ne s’autorise que peu de concepts définitifs. Le fil conducteur de la conférence de Nicolas Rouche est celui du livre « De la pensée commune aux mathématiques » du groupe d’enseignement mathématique (GEM) qui paraîtra fin 2005 ;
-celle d’Alan Schoenfeld (University of California, Berkeley) sur le Problem Solving ou la manière d’apprendre à résoudre des problèmes (dont ceux que pose l’enseignement) et que, par clin d’œil, il proposait ici du berceau à la tombe ;
-celle d’Erich Wittmann (Universität Dortmund) sur les mathématiques science des patterns (schémas réguliers) dont il présenta quelques exemples et sur différents grades pour mieux faire comprendre des réflexions théoriques portant sur la nature quasi empirique des mathématiques, le rôle double des représentations, les preuves opérantes, le triangle épistémologique Contexte de référence - Structure mathématique - Descriptions symboliques de la structure, la pratique de la production et l’éducation des maîtres.
J’ai plus particulièrement cité ces trois conférences plus en prise directe, si ce n’est avec mon vécu, tout au moins avec mon « à vivre » d’enseignant de collège. Je n’en oublie pas pour autant l’enchantement renouvelé d’une conférence de Michèle Artigue (Université Denis Diderot, Paris7) , ici sur l’apprentissage des mathématiques à l’université (et pas seulement celui des matheux) et sur le déplacement d’approches constructivistes vers des approches socioculturelles et anthropologiques (et même chez les ingénieurs). Je me rappelle d’un problème venu d’ailleurs, proposé par Jean-Pierre Kahane (Université de Paris-Sud, Orsay) « Comment les manchots empereurs s’amassent-ils et bougent-ils, pour passer le moins de temps au plus mauvais endroit ? » et de l’ébauche de modélisation qu’il nous a montré. Je me souviens, (tabernacle !), du pavé gris foncé jeté dans la mare par Anna Sierpinska (Concordia University, Montréal) avec ses frustrations ; je garde en mémoire le « met before » de David Tall (University ofWarwick, U.K).
Parmi les nombreux ateliers, celui de Michel Ballieu et Marie-France Guissard présentait le dernier opus en date du CREM « Pour une culture mathématique accessible à tous ».
Dans la conclusion de colloque, Jean-Pierre Kahane a souligné que l’enseignement des mathématiques est indispensable à la démocratie, que les mathématiques les plus utiles ne sont pas forcément les plus utilitaires, que les enseigner contribue à apprendre à nos élèves présents à vivre dans le monde tel qu’il sera dans 20, 30, 50 ans, que nous ne connaissons pas et qu’en ce sens le moins de spécificités possibles est un atout.
Pour conclure, si l’esprit CREM a naturellement transparu dans les idées, les participants ont tous ressenti qu’il l’avait également été dans la manière : simplicité, modestie. À ce titre, la participation des conférenciers aux ateliers et communications a été très appréciée. La dégustation finale de produits fermentés locaux également... mais quoi de plus normal à l’issue de cette mise en culture ?