L’épreuve pratique de mathématiques dans un lycée marseillais
Ce texte reflète une expérience parmi d’autres. Nous espérons qu’il suscitera vos réactions, et que vous serez nombreux à nous adresser en retour vos propres récits d’expérience, vos remarques ou vos commentaires. Nous serions ravis aussi de recevoir des analyses des sujets que vous avez examinés : une analyse a posteriori après évaluation est toujours très intéressante.
Adresser vos réactions à : frederic.laroche@wanadoo.fr et catherine.combelles@gmail.com
L’organisation de l’épreuve
La passation a été organisée de main de maître par notre professeur coordinateur, Hervé Milliard. Il a établi le planning de passation en coordination avec les professeurs de physique et de SVT : nos élèves passeront les trois épreuves de TP en deux jours, les jeudi 29 et 30 mai.
Nous avons réussi à planifier l’épreuve de mathématiques sur une seule journée. Ainsi, le jeudi 29 mai, tous les professeurs de mathématiques du lycée, TZR inclus, sont sur le pont de 8h à 16h30, et les cours de maths sont supprimés dans toutes les classes. Le schéma d’organisation est le suivant : 11 professeurs, 6 plages de une heure, avec une demi-heure de battement entre chaque passation, à raison de 28 élèves par heure, répartis dans nos deux salles informatiques contigües : 16 élèves dans l’une, 12 dans l’autre, évalués par sept professeurs.
C’est à la fois intensif mais souple, puisque lors de chaque passation, quatre professeurs sont libérés : nous aurons le temps de discuter de la notation, de compléter les comptes-rendus d’évaluation, d’aller boire un café, ou même d’aller faire les courses pour un pique-nique convivial à midi. (Merci Alain pour le foie gras !)
Chaque enseignant dispose d’un épais dossier comprenant le planning complet de passation, et, pour chacun des huit exercices sélectionnés, le descriptif, la fiche élève, la fiche professeur, le fiche d’évaluation, mais aussi une correction et une fiche d’évaluation « maison » : nous nous sommes répartis les exercices, et chacun de nous s’est penché sur l’exercice de son choix qu’il a analysé en détail et pour lequel il a produit une grille d’évaluation que nous pensons plus opérationnelle que la fiche officielle, tout en restant compatible avec elle. Nous discuterons ces prévisions d’évaluation en cours de passation, notre dispositif nous le permet, et nous nous accorderons sur quelques modifications, au vu de ce qu’ont réalisé les élèves. Pour certains exercices, le travail d’expérimentation sur ordinateur est très vite fait, et il n’est pas facile d’affiner une notation sur 15 points !
Les sujets choisis
Pour cette première année, nous avons décidé de nous en tenir à un choix très mesuré, en nous restreignant à l’analyse, et à l’arithmétique pour la spécialité. Outre la calculatrice, les outils utilisés sont le tableur (chez nous, Excel), et le logiciel Geogebra, et les sujets choisis demandent une expertise modeste. Ce sont les suivants :
Sujet 06 : Tangentes à deux courbes. Il s’agit de remarquer puis de prouver que les tangentes aux points d’abscisse a aux courbes d’équations
sont perpendiculaires et découpent sur l’axe des abscisses un segment de longueur constante.
Sujet 14 : Distance d’un point à une courbe. Il s’agit de trouver la distance d’un point donné, B (2 ; -1) à la courbe représentative de la fonction exponentielle. On utilise le logiciel pour conjecturer la position du point M0 de la courbe le plus proche de B, puis on remarque que la tangente en M0 à la courbe est perpendiculaire à la droite B M0.
Sujet 28 : Courbes et équations. Il s’agit de déterminer selon la valeur de m le nombre de solutions de l’équation paramétrique :
Sujet 30 : Comportement d’une suite récurrente. Il s’agit de conjecturer, selon la valeur du premier terme le sens de variation et la limite éventuelle de la suite u définie par la relation
Le traitement mathématique, fort peu guidé, n’est pas facile.
Sujet 44 : suite définie ite définie par une moyenne arithmétique. Il s’agit de conjecturer, au vu de la représentation graphique des 50 premiers termes, une expression simple du terme général de la suite u définie par :
On en déduit l’expression de la somme
Sujet 63 : Restes modulo p. Il s’agit d’examiner les restes modulo p des suites de la forme : un = an + b de remarquer puis de prouver qu’ils forment des suites périodiques. Rien de plus n’est mentionné sur la période, même dans la fiche professeur. C’est un peu frustrant : un élève de spécialité devrait savoir montrer que la suite est constante si a est multiple de p, ou que sa période est p lorsque a est premier avec p.
Sujet 71 : Calcul approché d’une intégrale. Il s’agit d’obtenir un encadrement à 10-2 près de l’intégrale classique
par la méthode des rectangles.
Sujet 97 : Solutions d’une relation de congruence. Il s’agit de déterminer tous les entiers naturels n tels que n2 + 1 soit divisible par n + 11. On cherche sur tableur les solutions entre 0 et 121, et on prouve qu’il n’y a pas de solutions au-delà.
Les professeurs
L’échantillon des professeurs du lycée est bien représentatif de la profession. Les compétences en informatique sont diverses et hétérogènes : du diplômé en informatique au réfractaire déclaré, en passant par les bénéficiaires des anciens « stages lourds » et par les autodidactes experts ou peu convaincus, on trouve un large éventail de situations. Mais le travail préalable à l’épreuve, le choix modeste des exercices et le professionnalisme de chacun gomment les différences, et les écarts resteront peu visibles lors de la passation. C’est peut-être dans l’évaluation qu’on percevra les différences : les débutants seront plutôt plus indulgents que les « pros » !
Les réactions des élèves
Les élèves ont très bien joué le jeu. Contrairement à nos craintes, ils ont été très peu absents et ont fait de leur mieux malgré le caractère expérimental de l’épreuve. Ils ont été préparés de façon inégale et sommaire : certains ouvraient Geogebra pour la première fois ! Mais ils savent passer en revue les menus, chercher une fonction dans une liste et pour la plupart, ils s’adaptent très vite à un nouveau logiciel. L’aide nécessaire en matière de manipulation informatique a été minime, et ce sont clairement les questions mathématiques qui ont posé problème. Comprendre un énoncé, manipuler variables et paramètres, préciser les éléments de définition d’un objet, là se situent les difficultés. C’est l’identification des objets mathématiques qui se révèle difficile, en particulier devant un graphique. Les représentations mentales des élèves floues et incomplètes se heurtent aux représentations précises et univoques que produit l’ordinateur, et ce face à face révèle impitoyablement les lacunes et les erreurs de représentation des élèves et accentue les écarts de compétence.
Pour permettre à chacun d’avancer, les aides apportées par les examinateurs se sont transformées parfois en véritable cours particulier. Ce sont finalement les professeurs qui se sont écartés le plus des conditions d’un examen : dépassant l’objectif de l’épreuve, nous nous sommes efforcés pour la plupart d’amener les élèves en perdition sur la bonne voie, et cette épreuve expérimentale aura été une séance de formation autant que d’évaluation surtout pour les élèves les plus faibles.
Formation des élèves, mais aussi formation des maîtres que l’exercice a passionnés. Gageons qu’après cette expérience, la salle informatique sera davantage utilisée l’année prochaine, car cette épreuve nous a prouvé à quel point ce type de travail fait fonctionner des compétences mathématiques fondamentales qui concernent notamment la définition et la manipulation des objets mathématiques, et le travail sur les variables et les paramètres.