Le collège : toujours plus ... et toujours moins ...
La commission premier cycle de l’APMEP a lu avec attention la récente déclaration du ministre de l’Education nationale, décrivant les orientations prises sur l’avenir du collège.
Cette lecture a suscité un certain nombre d’interrogations et d’inquiétudes que nous exposopns ci-dessous.
Les mathématiques passées sous silence !
Nous avons remarqué en premier lieu l’absence quasi totale de référence explicite aux mathématiques. L’analyse détaillée du texte ne nous a pas rassurés. En effet, il semble bien que la mise en place des itinéraires de découverte doive se faire en assignant toutes les disciplines aux horaires-planchers actuels. En ce qui nous concerne, cela signifie que l’enseignement des mathématiques en cinquième et quatrième serait réduit à 3,5 h hebdomadaires, à peine plus que l’option latin en quatrième !
A l’école, personne ne remet en cause les objectifs fondamentaux : lire, écrire, compter. La question se pose : les mathématiques restent-elles au collège une discipline fondamentale ?
L’éducation à la rationalité scientifique, la compréhension du monde qui nous entoure, en particulier celle de l’omniprésente information chiffrée, ne sont-elles pas les bases d’une culture commune pour lesquelles l’apport des mathématiques est irremplaçable ?
De part leur formation au raisonnement, et aux exigences de validation de celui-ci, les mathématiques jouent également un rôle non négligeable dans l’apprentissage de la langue, dont le ministre souligne justement l’importance : la précision des termes et du vocabulaire, la maîtrise des articulations logiques du discours, contribuent à former « l’aptitude à formuler clairement sa pensée à l’oral comme à l’écrit ».
Du temps pour que les élèves apprennent en agissant.
Prendre du temps, laisser du temps au temps, est indispensable à une acquisition personnelle des mathématiques. L’APMEP n’a cessé, ces dernières années, de demander que l’on prenne davantage en compte le temps d’apprentissage, mais, face à des exigences contradictoires, ce dernier est de plus en plus malmené.
Nous adhérons aux objectifs généraux des programmes ainsi qu’ aux méthodes décrites dans les instructions et les documents d’accompagnement. Nous devons nous appuyer sur l’activité des élèves, favoriser les échanges entre eux, laisser du temps pour la recherche de problèmes, et diversifier les approches. Beaucoup d’entre nous se sont investis pour créer des conditions d’une réelle activité intellectuelle de l’élève et pour exploiter l’outil informatique. Aussi, si nos autorités de tutelle affirment que le programme du cycle central est « faisable » en 3,5h, dans des classes hétérogènes, elles doivent en même temps préciser quel type d’enseignement elles préconisent pour le faire, pour quels élèves cette « faisabilité » a été étudiée, et ce qu’elles ont prévu pour les autres élèves.
Nous affirmons, nous, que 3,5 heures hebdomadaires de mathématiques, dan les classes hétérogènes du collège actuel, ne nous permettent pas d’assurer à tous une démarche qui « renforce la formation intellectuelle des élèves et concourt à celle du citoyen, en développant leur aptitude à chercher, leur capacité ç critiquer, justifier ou infirmer une affirmation, en les habituant à s’exprimer clairement aussi bien à l’oral qu’à l’écrit » tout en assurant l’apprentissage des contenus exigibles.
Itinéraires de découverte et apprentissages fondamentaux.
Le temps éventuellement accordé aux mathématiques dans les itinéraires de découverte ne saurait remplacer ou compenser une diminution de l’apprentissage spécifiquement disciplinaire dispensé à tous.
Un travail pluridisciplinaire organisé autour d’un thème d’étude peut être une bonne occasion de réinvestissement, une source de motivation, mais , mais en aucun cas, il ne dispense de la décontextualisation nécessaire pour rendre possible le transfert d’une situation à une autre. Ce travail doit être conduit par le professeur de mathématiques qui, seul, saura dégager l’objet mathématique traité dans plusieurs itinéraires de découverte et que tous les élèves doivent s’approprier dans un programme national pour le collège. Dans le cadre proposé, il paraît impossible d’envisager cet aspect dans chaque discipline. Sans préjuger de l’intérêt de ces itinéraires, il est clair qu’ils auront pour conséquence de diminuer le temps que chaque élève peut consacrer aux connaissances de base des mathématiques et des autres disciplines.
Des conséquences inquiétantes déjà perceptibles.
La diminution de l’horaire de Mathématiques pèsera à court terme sur le développement des filières scientifiques et techniques dans lesquelles l’enseignement des mathématiques est celui d’une discipline fondamentale sur laquelle s’appuient les autres disciplines pour modéliser.
L’institution, qui se préoccupe à juste titre de l’érosion des effectifs dans ces filières, est-elle prête à assumer les conséquences de telles décisions ?
Incertitudes
En ce qui concerne la classe de troisième, le texte ne précise pas les disciplines qui verront leur horaire réduit pour la mise en place des options. Nous avons peine à imaginer un enseignement optionnel en mathématiques au collège, alors que les classes de seconde sont indifférenciées, et toujours sans la moindre option scientifique.
Nous apprécions que les heures de soutien, de remédiation et d’études dirigées soient intégrées dans la D.H.G des établissements, mais regrettons l’absence de temps de concertation inclus dans les services des enseignants..
Un point d’accord : la nécessité d’agir en sixième (et en amont) pour réduire l’hétérogénéité. Entendons-nous bien : la remise à niveau ne fait pas de miracles. Un élève peut progresser de façon significative en sixième par rapport à son niveau de départ, sans pour autant être en mesure de suivre une cinquième l’année d’après. La question des élèves en difficulté devient cruciale au collège. Certes l’impossibilité de gérer une hétérogénéité trop extrême est reconnue, mais invoquer les itinéraires de découverte pour y répondre nous semble purement incantatoire. Certains dispositifs particuliers actuels comme la quatrième AES et la troisième d’insertion semblent menacés alors qu’ils étaient une solution possible pour certains élèves inadaptés au système scolaire.