Lettre au ministre Xavier DARCOS lettre du 10 janvier 2008
Monsieur le Ministre,
Lors de la parution des résultats PISA, le journal Les Échos du 30 novembre 2007 cite votre avertissement concernant les mathématiques : « Il n’est pas normal que la France ne cesse de baisser. Nous sommes très en dessous de la moyenne européenne ».
Mais comment pourrait-il en être autrement ? Pour notre part, c’est un résultat contraire qui nous aurait surpris. Voilà plus de dix ans que nous alertons sans relâche le Ministère de l’Éducation Nationale sur la dégradation des conditions de l’enseignement des mathématiques, et en particulier sur les dégâts causés par la baisse des horaires. Vous étiez déjà au Ministère à l’époque.
Les mathématiques sont une discipline qui, plus que tout autre, se travaille sur le long terme : il faut construire peu à peu des outils à la fois techniques et conceptuels, s’appuyer sur les premiers acquis pour pouvoir progresser et élaborer des objets plus complexes, acquérir des automatismes qui libèrent l’esprit des tâches répétitives. Pour cela il faut du temps.
C’est pourquoi nous réclamons depuis des années un horaire de 4 heures de mathématiques dans toutes les classes de collège. Or, tout en continuant à réduire les horaires de mathématiques, vous multipliez les tâches incombant aux professeurs, sans leur donner les moyens de les mener à bien. La mise en place, par exemple, des PPRE, programmes personnalisés de réussite éducative, destinés à combler les lacunes des élèves qui ne maîtrisent pas le socle commun, se fait à moyens constants. Nous souhaitons le retour à l’horaire que nous avions avant l’apparition des (Parcours diversifiés →Travaux croisés → Itinéraires de découvertes → PPRE) qui n’ont pas apporté la preuve de leur efficacité dans l’apprentissage des mathématiques au collège.
Au lycée, vous dénoncez la hiérarchisation des filières. Quant à nous, nous dénonçons, l’aspect généraliste de la section S, qui ne remplit pas son rôle de filière scientifique : les élèves sont surchargés de tâches très diverses alors que l’essentiel de leur formation scientifique est négligé.
Les quelques annonces que vous avez faites sur ce sujet nous font craindre que le choix fait ne soit pas celui d’un renforcement scientifique de la section S. Que ce soit en 1923, lors du dogme de l’égalité scientifique, ou plus récemment lors de la rénovation pédagogique des lycées, la réduction des horaires de mathématiques n’a toujours produit que des effets néfastes. Ces réformes pensées au départ pour réduire les hiérarchies créées entre les filières, n’ont en fait contribué qu’à les creuser.
Un élève qui passait un baccalauréat mathématique avait en 1902, 10 heures de mathématiques par semaine, il en gardait 9, dont une heure dédoublée en 1990, en 2008, 80 % des élèves de terminale S n’ont que 5,5 heures de mathématiques par semaine pour acquérir à peu près les mêmes connaissances de bases de l’analyse et de l’algèbre. Il n’est pas étonnant que les enseignants des écoles d’ingénieurs s’affolent quant aux compétences mathématiques de leurs étudiants. Nous ne sommes malheureusement plus les seuls à demander des horaires de mathématiques décents. Les courriers que vous recevez d’Action Sciences vous le confirment.
Il semble que 2008 sera l’année de plusieurs colloques destinés à réfléchir à l’enseignement des sciences, par Action Sciences au mois d’avril, par l’Inspection Générale de mathématiques en fin d’année. Ce n’est certainement pas un hasard ! Chacun comprend en effet que dans la compétition internationale que nous vivons, la qualité de la formation scientifique de nos futurs chercheurs, ingénieurs et techniciens est plus que jamais une question cruciale, elle mérite des efforts et des moyens horaires suffisants.
Voilà plusieurs années que nous vous alertons sur la fatigue des enseignants confrontés aux réformes incessantes qui se succèdent sans qu’aucun bilan n’en soit jamais fait. Nous demandons simplement de pouvoir faire notre travail dans les meilleures conditions possibles. Nous sommes découragés de mettre en difficulté les élèves les plus fragiles, ceux, en particulier, qui n’ont pas le soutien de leur milieu familial. Contrairement à ce qui est régulièrement annoncé, nous constatons que l’accompagnement de ces élèves en difficulté ne se met pas en place de façon satisfaisante.
En espérant vivement que vous prendrez en considération ces arguments et ces inquiétudes quant aux réformes en cours ou à venir, je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments respectueux et dévoués à une formation mathématique de qualité.
Présidente de l’APMEP